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Trois raisons pour lesquelles l’inflation de 2 % en 2024 n’est pas celle en 2019

Nous avons eu de nombreuses raisons de célébrer ce mois-ci : l’inflation, mesurée par le panier de l’indice des prix à la consommation, a atteint une croissance de 2 % d’une année sur l’autre en août. Un tel niveau n’avait pas été enregistré depuis plus de trois ans, et nombreux étaient ceux qui craignaient de ne pas pouvoir revenir à 2 % dans un nouveau monde après la pandémie, caractérisé par des chocs d’offre, une démographie inflationniste et une aggravation des tensions géopolitiques. En 2024, non seulement la cible de 2 % est déjà atteinte, mais le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, signale le risque que la croissance des prix soit inférieure à l’objectif de la banque (nous sommes d’accord).

Pourtant, nous ne sommes pas encore prêts à célébrer la victoire, même s’il y a beaucoup de raisons de se réjouir par rapport au pire résultat d’une inflation élevée et persistante.

Tout d’abord, la composition des facteurs qui déterminent les prix est très différente aujourd’hui de ce qu’elle était avant la pandémie et, à certains égards, elle est moins saine pour l’économie. Les deux tiers de la croissance de l’inflation en août proviennent de la hausse des taux d’intérêt hypothécaires et des loyers, contre 2 % en moyenne au cours de la décennie précédant la pandémie. La croissance des coûts hypothécaires ralentira à mesure que la Banque du Canada poursuivra son cycle de réduction des taux, mais la pénurie structurelle de logements face à la forte expansion démographique maintiendra les prix des logements et des loyers à un niveau plancher. Par ailleurs, même si la croissance des prix des denrées alimentaires ralentit, les prix des produits d’épicerie ont encore augmenté de 25 % par rapport à avant la pandémie. Pour bien des Canadiens, en particulier les familles à faible revenu, la hausse des prix dans les catégories du logement et de l’alimentation reste la plus préoccupante. On pourrait dire que l’inflation de 2 % en 2019 était plus favorable que celle en 2024.

Deuxièmement, pour la plupart des Canadiens, l’augmentation annuelle des prix ne leur pèse pas lourdement. C’est plutôt la progression historique des niveaux de prix des cinq dernières années qui occupe le devant de la scène. Les prix sont 17 % plus élevés qu’ils ne l’étaient le mois précédant la pandémie, et un taux d’inflation de 2 % signifie qu’ils continuent de grimper, mais à un rythme plus lent. Aux États-Unis, les prix sont également plus élevés (21 %). Les salaires suivent la tendance : au Canada, le salaire horaire moyen est aussi en hausse (18 %) par rapport à son niveau d’avant la pandémie. Toutefois, cette situation inquiète les banques centrales, qui craignent que les taux d’intérêt ne restent trop élevés pendant trop longtemps, ce qui ralentirait à nouveau la croissance des salaires alors que les produits sont encore très chers pour les consommateurs.

Troisièmement, bien que la baisse des prix soit due en grande partie à l’atténuation des chocs liés à la pandémie, la pression baissière sur l’inflation à venir proviendra probablement de points plus douloureux de l’économie. Au Canada, les offres d’emploi diminuent et le taux de chômage augmente, dépassant déjà de 1 % les niveaux d’avant la pandémie. L’épargne des ménages reste élevée, mais elle est concentrée sur les familles à revenus supérieurs et est investie dans des placements à terme peu susceptibles d’être liquidés dans l’immédiat. Les ménages étant gênés par le coût élevé de la vie et le ralentissement du marché du travail, les forces désinflationnistes seront les symptômes d’une économie en difficulté, et non d’une « normalisation ». L’aspect positif est que la Banque du Canada pourrait avoir une grande marge de manœuvre pour abaisser les taux d’intérêt et contribuer à freiner la hausse du chômage.


Frances Donald est vice-présidente principale et économiste en chef chez RBC.

Nathan Janzen travaille à RBC depuis 2008, où il s’occupe principalement de la couverture des perspectives macroéconomiques du Canada et des États-Unis. Il est titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université McMaster et d’un baccalauréat en économie de l’Université de Regina.

Abbey Xu est économiste à RBC. Elle se concentre sur les modèles macroéconomiques en tant qu’intrants dans le processus de provisionnement prospectaire de la Banque pour les pertes de crédit et les simulations de crise.

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