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M. James Muir, Chairman et Président de La Banque Royale du Canada, a visité la Chine cet été pour se renseigner sur place sur la situation actuelle de ce pays. Il a écrit le rapport suivant sur ses expériences et sur ce qu’il a vu avec ses yeux d’homme d’affaires.

par

James Muir

Chairman et Président

La Banque Royale du Canada

Mademoiselle Marcelle Letrésor, secrétaire du Directeur de la succursale à Paris de La Banque Royale du Canada, a trouvé ce rapport si intéressant « qu’elle n’a pas pu résister à la tentation de le traduire pour ses amis français ». Nous sommes heureux d’offrir à nos lecteurs canadiens sa traduction. Nous saisissons cette occasion pour exprimer nos remerciements à Mademoiselle Letrésor qui, à notre emploi depuis 1922, a rendu à la banque d’excellents services.

Je vais essayer d’exposer quelles sont les conditions générales et la vie en Chine, telles qu’elles me sont apparues au cours d’un rapide voyage. Les lecteurs que cet aperçu pourrait intéresser sont priés de le lire jusqu’au bout avant de tirer une conclusion – et je leur demande tout spécialement de ne séparer du contexte aucun passage qui pourrait donner lieu à une élaboration particulière, susceptible de créer une impression générale fausse.

On me demandera sans doute tout d’abord « Pourquoi êtes-vous allé en Chine et quel était le but de votre visite ? ». Le besoin de savoir – le désir de voir comment d’autres peuples vivent et se comportent – le désir de voir comment les affaires, et plus particulièrement les opérations bancaires, sont traitées – furent les principales causes déterminantes de mon départ, sans parler naturellement d’une saine curiosité naturelle.

Je suis parti de mon plein gré, à mes frais, et la Banque de Chine m’a apporté une aide inappréciable en s’occupant par exemple de tous les détails et arrangements matériels pour ce voyage. Du début à la fin, sa courtoisie, son aide, son amabilité et d’une façon générale ses bonnes dispositions, m’ont puissamment facilité les choses. Les explications concernant leur système furent, bien entendu, du plus haut intérêt ; les réponses à mes questions furent spontanées, et d’autres questions me furent posées en retour. J’ai lu que le candidat voyageur en Chine est mis dans les mains de l’Intourist, une Agence du Gouvernement, qui en réalité mène chacun par le bout du nez. Je ne suis pas parti sous de tels auspices. En fait, je n’ai vu qu’un seul représentant de l’Intourist, quand je me trouvais à Canton. En bien des points, je pourrais comparer l’Intourist, d’après ce que j’ai pu entrevoir de son fonctionnement, à une sorte de Thos. Cook & Son, ou American Express chinoise, placée sous les auspices du Gouvernement.

Le coût de la vie est incroyablement bas, probablement environ le quart ou le tiers du nôtre dans bien des domaines. Les hôtels où nous sommes descendus dans les villes principales étaient bons et tenus d’une façon impeccable ; le blanchissage était fait dans la journée et le linge semblait en revenir moins usé que sur notre continent ; nos vêtements étaient repassés fréquemment et rapidement. – les nettoyages effectués en quelques heures en cas de besoin.

On m’a parlé de l’extermination des rats, qui a enrayé la peste bubonique. Je n’ai vu qu’une seule mouche et qu’un seul moustique et dans les villes pas de moineaux. On a organisé des campagnes à l’échelle nationale pour se débarrasser de ces fléaux, qui servirent de test quant au succès ou à l’échec des autorités dans leurs efforts pour obtenir de la population des efforts individuels. Elles n’ont pu que se féliciter des résultats étonnants obtenus.

Le développement de l’industrie, le changement des standards de vie, la modernisation de tout et en tout, les exploits de l’effort humain et le choc colossal du travail de l’homme dépassent notre pouvoir de description, et donnent cependant une image valable du tableau. Tout ce que je puis dire est qu’il faut l’avoir vu pour le croire. C’est réellement prodigieux. On reste confondu en voyant ce qui a été accompli en moins de dix années, et celui qui réfléchit ne peut qu’être suffoqué et muet en réalisant ce qui n’avait pas été fait dans les 4,000, ou même les 100 années précédentes. Ce pays a 600,000,000 d’habitants, la population augmente de 20,000,000 par an, soit 38 à la minute.

En tenant compte des décès, le rythme des naissances doit approcher la rapidité d’une balle de fusil – et on nous a dit que le manque de main-d’oeuvre se faisait déjà sentir. Vingt-cinq pour cent de la population du monde entier vit en Chine et dans une vingtaine d’années – peut-être moins – ce sera presque la moitié de la population du globe. Comment peut-on ne pas « admettre » ce fait colossal ? Ceci dépasse mon entendement.

Je donnerai un seul exemple, peut-être exceptionnel, de la puissance de l’effort humain en citant les travaux des hommes. J’ai vu le nouveau barrage pour l’irrigation et le contrôle des eaux dans la Vallée des Tombeaux de la Dynastie Ming. Il était pratiquement terminé et son exécution n’avait nécessité que 140 jours. Il a plus de 600 mètres de long, environ 30 mètres de haut, 165 mètres de large à la base et une largeur d’environ 7 m.50 au sommet. Le cadre est en béton, le côté de l’amont est en argile, l’autre versant en terre, graviers et pierre. 100,000 hommes travaillaient en trois équipes par 24 heures. Il s’agissait de « volontaires » – ils n’étaient certainement pas payés. Environ la moitié du travail était assumée par l’Armée, le reste par des citoyens de toutes classes qui vivent sur place pendant des jours ou des semaines, suivant leurs conditions d’âge, de santé et de physique. Avec presque uniquement leurs mains nues, leurs piques et leurs pioches, ils ont accompli cette tâche colossale. Je me tenais sur un plateau et pouvais considérer d’en haut cette vaste fourmilière humaine. Je pris des photos de cette scène : une équipe de 30,000 hommes peinant et j’espère qu’en développant ces instantanés ils auront gardé quelque chose de l’atmosphère dramatique.

L’éducation presque fanatique de l’hygiène et de la culture physique du peuple est toute une étude. À 10 h. du matin et à 4 h. de l’après-midi tout travail doit cesser et être remplacé par un exercice physique pour tous : jeunes et vieux, trop gros ou trop maigres – j’en ai vu très peu de cette première catégorie. Beaucoup portent des masques de gaze pour se protéger des salissures et des fumées. En nous rendant de Shanghai à Canton par avion nous avons eu une escale pour le déjeuner. Une jeune fille nous attendait à la descente de l’avion, elle portait un masque de gaze blanche, une jupe blanche et une longue blouse blanche immaculées. Elle nous conduisit à la salle-à-manger et nous servit elle-même le déjeuner. Le couvert comportait une cuillère de porcelaine, posée sur une feuille de papier. Comme j’allais prendre la cuillère, elle me saisit le bras, me montra le papier et me fit comprendre que je devais tout d’abord m’en servir pour essuyer soigneusement la cuillère.

De bien des façons Pékin est une ville magnifique, ornée et entourée de grands monuments et reliques historiques. Ceux-ci ont été entretenus et réparés à grand renfort de peinture rouge de Chine et présentent un aspect saisissant et plaisant. Pour n’en citer que quelques uns, le Palais Impérial dans la Ville Interdite, le Palais d’Été, les Tombeaux Ming dans la Vallée de ces Rois et, bien entendu, la Grande Muraille elle-même, qui réalisent le rêve de l’amateur de paysages et de photographie.

On m’a questionné sur le standard de vie en Chine. Il est malaisé de donner une réponse compréhensible, car pour des millions de gens il n’existe rien de comparable à ce que nous connaissons. L’homme, la femme, l’enfant n’ont guère dépassé le stade de la bête de somme. Ce que l’on voit des fardeaux, des contraintes, de l’abus incroyable qui peut être fait des forces du corps humain, communique au spectateur un malaise presque physique. Et pourtant la masse de ces gens a bénéficié d’améliorations et progresse. Des millions d’autres, encore plus nombreux, offrent un aspect de contentement, de bonheur et apparemment sont plus libérés de l’oppression et des luttes civiles que les générations précédentes. D’après ce qui nous fut dit – et confirmé par des personnes qui résident hors du pays – la corruption et les rapines ont disparu. Les menus vols sont rares : on ne prend pas la peine de fermer sa maison. Nous n’avons pas pris la peine de fermer à clef nos chambres d’hôtel. Un exemple de leur honnêteté presque fanatique : en quittant l’hôtel de Canton j’avais omis de ramasser environ $2.00 de monnaie ; on me rejoignit à la gare et jusqu’à ma place dans le train pour pouvoir me rendre cette monnaie.

Les conditions de vie actuelles ne peuvent être agréables pour tous ; par exemple, beaucoup de réfugiés arrivent constamment à Hong Kong, mais il ne s’agit que d’une poignée en comparaison avec la population du pays de 600,000,000 d’âmes, et nous semble-t-il de petits fermiers encore assez individualistes pour résister à l’embrigadement dans le mouvement fermier coopératif. Les dirigeants aiment à déclarer que leur but est d’augmenter, lentement et patiemment, mais sans relâche, le standard de vie, que vouloir trop faire d’un coup serait fatal, mènerait à l’inflation et mettrait tout le programme en danger.

Si ce tableau n’est pas un rêve, et si le sens d’observation et d’appréciation n’est pas un vain mot, alors nous pensons que la grande majorité du peuple Chinois a le Gouvernement qu’elle souhaite, un Gouvernement qui améliore son sort, un Gouvernement dans lequel elle a confiance, un Gouvernement qui ne court absolument aucun risque d’être supplanté. D’où l’indication indubitable d’un problème politique qui blessera certaines puissances occidentales au fond de l’âme et qui, un jour ou l’autre, posera le problème accablant de « sauver la face » de plus d’une façon. Il est difficile de croire que la Chine désire quoi que ce soit qui ressemble à la guerre, ne serait-ce que pour la raison de l’effet désastreux que cela aurait sur les plans d’améliorations que l’on essaye de réaliser.

Bien que dans les relations personnelles nous ayons trouvé des individus courtois, amicaux, bienveillants et tout disposés à faire preuve d’un bon naturel, en tant que peuple ils sont excessivement sensibles et susceptibles devant le moindre signe de manque de confiance dans leurs entreprises en affaires, ou devant toute critique un peu vive ou péjorative envers eux en tant que nation, ou à la pensée qu’il puisse jamais y avoir une Chine divisée. Nous voudrions prévenir les hommes d’affaires et ceux qui ont des postes officiels, qui auraient à traiter avec la Chine, d’avoir toujours ce qui précède présent à l’esprit. Autrement il ne pourrait s’ensuivre que des résultats indésirables et nous ne pouvons espérer gagner quoi que ce soit en ignorant cette sensibilité du caractère chinois.

La soi-disant liste stratégique d’exportations prohibées adoptée par certaines nations, est devenue presque ridicule aux yeux des Chinois. Autant que nous puissions le constater (bien entendu à l’exclusion des matières vraiment stratégiques) ce qui arrive jusqu’à présent pour la Chine est qu’on l’irrite, que les marchandises finissent par lui arriver d’autre part, que le progrès n’est pas sérieusement retardé et, par ironie, qu’elle peut à la longue en retirer un bénéfice en étant ainsi forcée à fabriquer elle-même.

Une personne haut placée, ne résidant pas en Chine mais connaissant très bien les Chinois, m’a déclaré que leurs possibilités d’apprendre et d’exécuter dépendent uniquement de la capacité d’enseignement de ceux qui entreprendraient de les instruire. Leur soif de connaissance est devenue grande et à l’Université de Pékin on peut voir des étudiants nombreux et enthousiastes. L’attitude est la même, nous dit-on, dans d’autres disciplines. Il y a évidemment fort à faire pour parvenir à l’éducation des masses. On se préoccupe actuellement d’abandonner les signes de l’écriture chinoise pour adopter l’alphabet romain en usage dans le monde occidental, et l’on estime que cela facilitera énormément le processus de l’éducation. Il semble qu’il y ait beaucoup de professeurs d’Economie Politique – et beaucoup d’étudiants. Nous avons reproché ironiquement à un professeur de trouver sans doute Adam Smith et John Stuart Mill parmi ses guides spirituels. Il nous a répondu en riant « Eh bien, leurs théories ne sont pas précisément populaires chez nous à l’heure actuelle ».

La liquidation du Kuomintang a eu pour résultat une innovation dans l’organisation économique. Les hommes d’affaires « blanchis » ou libres de toute attache avec cette institution, ont été autorisés à conserver leurs intérêts financiers dans les affaires et perçoivent 5 pour cent de leur capital, même si les dirigeants de l’entreprise ont été nommés par l’État. Si le propriétaire de l’affaire est désigné comme Directeur, il recevra bien entendu le salaire d’État régulier prévu pour ce genre de travail de direction, plus le revenu de 5% sur son placement. Il y a là une association d’organisation économique comparée. Combien de temps durera cette hybridation, nul ne pourrait le dire. Il paraîtrait que les droits privés peuvent dans ce cas être légués ou transférés ; si c’est exact, le type d’entreprise conjointe État-Particulier pourrait durer pendant des générations.

La question d’importance du « Commerce » revenait constamment et en écoutant la version Chinoise et son aspect de l’extérieur, qui entre parenthèses n’était pas exprimée par des commerçants, nous devons dire franchement que nous sommes un peu déroutés.

Une chose est certaine, la Chine a besoin de quantités de choses et son désir de faire du commerce est vif. Nous perdrions notre temps en essayant de traiter de cette question dans un rapport comme celui-ci. Tout exportateur Canadien désireux de traiter avec la Chine – e4t s’il est conscient de ses intérêts propres et a une vue de l’avenir suffisante pour se rendre compte de ses responsabilités dans notre Économie canadienne – peut facilement obtenir de notre « Department of Trade & Commerce » à Ottawa une bonne idée de la demande. Les Commissaires du Commerce de notre Gouvernement pour cette région sont bien au courant des choses et, nous semble-t-il, tiennent les Autorités d’Ottawa pleinement renseignées.

Tout ce que nous voudrions suggérer ici est que nos milieux exportateurs se secouent un peu, s’actionnent et se rendent en Chine, individuellement ou en groupes, de cette dernière façon peut-être pour commencer, mais avec persévérance. Il était plutôt décevant d’avoir l’occasion de s’entretenir avec les organisations de vente d’autres puissances Occidentales qui, non seulement obtenaient des affaires, mais en étaient enthousiastes, tandis que notre pays se contente d’attendre qu’on le serve sur un plateau d’argent. Nos exportateurs ont besoin d’apprendre à développer leur esprit inventif et à prendre en affaires des risques raisonnables. Hors de Chine, nous avons beaucoup entendu parler du mouvement d’importation Chinois qui aurait tendance à traiter à sens unique, à renier les contrats, etc., mais nous n’avons pu découvrir de cas appuyé par des faits. Ceux d’entre nous qui voudront traiter devront établir clairement l’opération, d’une façon raisonnable et orthodoxe, et avoir une vue complète de la transaction avant de débuter, avec toute la documentation désirable. S’ils agissent ainsi, effectuant les livraisons en temps voulu, et s’en tiennent aux conditions stipulées, nous sommes enclins à penser qu’ils ne peuvent rencontrer de difficultés injustifiées. Cette possibilité, ajoutée à notre besoin de marchés d’exportation, devrait être la sonnette d’alarme appelant notre Gouvernement à faire en sorte que, toute entreprise Canadienne qui subirait une influence extérieure pour dévier de ses responsabilités envers le travailleur Canadien et l’Économie Canadienne en déclinant toute affaire régulière et claire, soit énergiquement rappelée à plus de discipline. Le Canada a besoin d’exporter et doit s’y efforcer partout en tenant compte uniquement de l’intérêt du Canada.

Nous avons eu des entretiens intéressants sur la nouvelle Constitution Chinoise qui apporte la liberté de parole, le droit d’assemblée et la liberté du culte. Nous croyons que la liberté de parole existe dans la possibilité de critiquer la façon dont les choses sont faites au point de vue matériel, ou les gens qui en ont la responsabilité – mais le Chinois ne peut être « contre le Gouvernement » comme chez nous. Toute apparence de sédition serait traitée de la façon inévitable, aussi il se peut que la liberté de parole, à notre point de vue, soit limitée au principe de la « Boîte à idées ». Dans ce sens très restreint, elle pourrait même être la bienvenue pour les autorités.

Le droit d’assemblée existe en ce sens qu’une foule peut se réunir spontanément pour écouter un orateur. Nous en avons vu au coin des rues et au croisement des chemins de campagne. Quand nous demandions de quoi il s’agissait, c’était toujours une harangue sur les vertus de l’hygiène, l’utilité d’écraser les mouches ou de tuer les moustiques, ou un autre sujet de la même veine. Théoriquement, il nous semble que n’importe qui peut réunir une foule et parler de n’importe quoi – mais pendant combien de temps, nous n’en savons rien. Il n’y a pas de « Hyde Park » Chinois.

En ce qui concerne la liberté des cultes, ceci peut répondre à un besoin – peut-être pas par égard pour la religion, mais parce qu’il y a un problème politique dû au grand nombre de Musulmans pratiquants, en dehors des Bouddhistes. J’ai vu des églises chrétiennes de confessions diverses – et j’ai visité un temple Bouddhiste. Un dimanche matin à Pékin nous entendions ce qui semblait être des cloches d’église. Tout d’abord nous ne pouvions en croire nos oreilles. Nous continuâmes à descendre une petite rue d’où le son semblait venir : sans aucun doute il s’agissait bien de cloches. Nous trouvâmes l’église, une vaste Église Catholique Romaine, entourée de murs. Des enfants jouaient sur le parvis, les portes de la façade étaient fermées et d’autres enfants jouaient devant ces portes, mais par un porche de côté nous pûmes entrer dans une église assez grande pour abriter de nombreux fidèles. On y disait la Messe ; l’église n’était pas pleine, mais il y avait beaucoup de gens, apparemment recueillis, des vieux et des jeunes, des hommes et des femmes – de très petits enfants circulant dans les travées, de plus vieux se tenant entre les bancs. Tout le clergé était Chinois. Nous assistâmes à une partie du Service. D’autres sont plus autorisés que moi pour commenter le fait, mais autant que je sache, tout le Clergé doit être Chinois, et si cela est vrai la « liberté » serait plus apparente que réelle. Ceci n’est qu’une remarque. Je suis sûr qu’une réponse positive pourra être trouvée par ailleurs.

Sans aucun doute, il existe une différence subtile entre les conditions de vie en Chine et dans les autres pays d’obédience Marxiste. On n’a pas l’impression de domination, ou de dépression, de manque de liberté dans les mouvements, etc. Il se peut que ce sentiment résulte de la courtoisie, de l’heureux tempérament et de la politesse naturelle du peuple. On peut faire ses achats aussi bien qu’à Montréal – grands magasins, petites boutiques, marchandises de toutes sortes. On nous a dit que la nourriture était rationnée à certaines saisons. Dans les hôtels et restaurants il n’y a pas de restrictions. On peut visiter les sites, les admirer à loisir et les photographier librement – mais il faut un permis de sortie pour les pellicules non-développées qui exige une procédure assez compliquée.

Celui qui a poursuivi sa lecture jusqu’ici peut en avoir retiré des impressions variées sur la vie en Chine. Quelques-unes favorables, peut-être même trop – d’autres sceptiques ou incrédules. Aucune n’est exacte.

Ainsi que je l’ai dit au début, chacun doit voir ce qui se passe de ses propres yeux, avant de réaliser ce que le tableau représente. Nul ne peut le faire pour lui. La Chine est un état socialiste, une économie dirigée qui suit les enseignements de Karl Marx avec quelques modifications dictées par les réalités en Chine. L’État est Tout-Puissant, l’homme un instrument – il ne peut donc être vraiment libre. Le principe du « Camarade » n’existe pas, on ne prétend pas que tous soient égaux ; au contraire, on parle couramment de « la classe ouvrière », des « paysans ». Chacun est récompensé matériellement suivant ses talents et ses responsabilités ; mais le pillage, les privilèges et la corruption ont, dit-on, disparus. On se demande ce que la Chine pourrait être aujourd’hui si, dans les 150 années écoulées, elle avait suivi la direction du progrès démocratique plutôt que celle de la corruption et de l’exploitation des hommes. Le vent a été semé, on récolte la tempête.

Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, 25% de la population du globe vit en Chine ; il se pourrait que dans vingt ans elle atteigne la moitié du monde entier. La rapidité actuelle des progrès accomplis dépasse toute description – mais comme nous l’avons dit il y a des millions de lieues à parcourir avant que les masses aient un semblant de standard de vie décent. Toutefois, ils vont vite. Si l’on peut s’imaginer une future nation d’un milliard d’individus, habiles, instruits, industrialisés et d’une capacité de travail défiant toute description – l’économie occidentale basée sur les prix élevés devra finalement être révisée. Nous, occidentaux, ne voulons pas de la philosophie politique et économique qui gouverne ces états – mais je me demande quelle serait notre attitude si, en tant que peuple, nous avions subi le même sort ? La réponse semble claire.

En ce qui concerne la « reconnaissance » de la Chine politiquement parlant, on ne voit vraiment pas comment un peuple de 600,000,000, qui peut devenir 1,000,000,000 avant longtemps, peut être regardé à la loupe. Je ne suis pas un prophète, mais l’arrivée d’un « Prince Charmant » venant de Taipan sur la mer, paraît plus qu’improbable. Comment sauver la face là-bas ? Le problème est complexe. Tout indique que, dans l’ensemble, le peuple Chinois est satisfait de son Gouvernement. Celui-ci semble répondre à ses besoins et avoir conscience de l’immense tâche à accomplir pour élever le standard de vie et les moeurs des masses en général, pour les sortir du sombre désespoir qui était leur lot dans le passé.

Je suis persuadé que des affaires commerciales, satisfaisantes et justifiées, sont possibles. D’autres peuples occidentaux les obtiennent. Le Canada fera preuve de négligence et d’injustice envers lui-même s’il n’en obtient pas sa part. Il ne l’aura pas, cependant, sans une action énergique.