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À quoi sert de connaître si bien les moyens de protéger notre santé si nous négligeons de les employer individuellement ou collectivement ?

Nous pourrions vivre plus longtemps et mieux jouir de la vie si nous prenions seulement la peine de nous soigner comme les progrès de la science nous le permettent. Pour des raisons qui ne font pas honneur à notre intelligence nous haussons les épaules quand on nous dit de consulter un médecin, de prendre quelques jours de repos, ou même de réfléchir à notre manière de vivre : manière de vivre qui nous entraîne peut-être prématurément vers la tombe.

Les chefs d’entreprise sont probablement les premiers à reconnaître qu’un homme n’est en état de porter de bons jugements que lorsqu’il est en parfaite santé. C’est sans doute pourquoi ils sont souvent les plus chauds partisans de l’hygiène publique.

Il ne faut pas confondre « hygiène publique » avec « services médicaux ». L’hygiène publique est la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et de favoriser le développement de la santé physique et mentale ainsi que des facultés individuelles par des mesures collectives. Ces mesures comprennent les systèmes sanitaires, les services prophylactiques, des cours publics d’hygiène personnelle, l’organisation d’un personnel de médecins et d’infirmières pour le diagnostic et le traitement préventif des maladies, et l’adoption d’un système social permettant à chaque personne de gagner assez d’argent pour se maintenir en bonne santé. Telle est la définition généralement acceptée que donne te professeur C.E.A. Winslow dans Science.

Le domaine provincial

Toutes les provinces possèdent des services d’hygiène bien organisés et dirigés par des fonctionnaires compétents.

Les services d’hygiène des provinces comprennent généralement l’organisation centrale, c’est-à-dire la mise en oeuvre des programmes spéciaux intéressant toute la province, comme les recherches sur le cancer, l’hygiène mentale et la tuberculose, et l’aménagement des laboratoires. Les provinces mettent leurs services consultatifs à la disposition des autorités locales ; elles appliquent les règlements concernant les services locaux ; elles fournissent les services de base dans les régions sans organisation municipale ; elles collaborent avec les ministères provinciaux d’éducation en ce qui concerne la santé des écoliers, et avec les ministères de l’agriculture pour le traitement des maladies animales susceptibles d’être communiquées aux hommes par la viande ou le lait.

Un monceau de pierre devant l’édifice du Parlement, à Frédériction, rappelle un événement important : la nomination au Nouveau-Brunswick du premier ministre de la Santé dans l’empire britannique. L’exemple fut suivi en Angleterre et dans d’autres parties du monde, ce qui donna une nouvelle importance et une plus grande efficacité à l’hygiène publique.

Le premier laboratoire d’hygiène publique en Amérique du Nord fut établi en Ontario en 1890, et aujourd’hui toutes les provinces ont des services de laboratoire et des centres d’immunisation. L’Ontario, dont un secrétaire, parmi d’autres fonctions, dirigeait le service de la santé avec un budget (le $4,000 en 1882, a maintenant dans son ministère de la Santé plus de 6,000 employés (dont 4,500 dans des hôpitaux mentaux) avec un budget annuel d’environ 50 millions de dollars.

Domaine municipal

On peut résumer comme suit le but du service d’hygiène local : appliquer les principes de médecine préventive, prévenir les maladies, maintenir la population en bonne santé et sauvegarder la vie à tous les âges de manière à permettre à tout le monde de vivre le plus longtemps possible. Cela demande entre autres le recueil de statistiques, un bon service sanitaire, et, dans le cas de certaines maladies infectieuses, la, quarantaine et l’affichage.

En termes d’hygiène publique, « service sanitaire » implique l’assainissement du milieu dans lequel nous vivons de manière à pouvoir vivre à la maison, travailler ou jouer, sans danger pour notre santé ou celle de nos voisins. Cela comprend protection des sources d’approvisionnement, transformation et distribution des eaux et des aliments, principalement du lait et des produits laitiers, contre la contamination ou la pollution ; l’enlèvement des déchets humains et industriels ; la lutte contre les insectes, vermine et animaux capables de répandre des maladies ; la pureté de l’air ; les conditions de travail dans les occupations dangereuses ; la suppression des bruits qui nuisent au repos et au confort ; l’élimination des incommodités publiques.

Les municipalités prévoyantes cherchent à améliorer les services d’hygiène locale, et à en étendre le champ d’action. On s’accorde à reconnaître que le personnel devrait consacrer tout son temps à l’hygiène publique de la localité et suivre des cours spéciaux de médecine préventive et d’hygiène.

Quelques provinces atteignent ce but par la création d’unités d’hygiène locale comme celles inaugurées par la province de Québec en 1926. Une unité d’hygiène consiste en l’union de municipalités urbaines et rurales dans le but de fournir un meilleur service d’hygiène sous la direction d’un personnel compétent. Certaines unités desservent un comté, d’autres une ville et ses faubourgs.

Services fédéraux de l’hygiène

Les services fédéraux de l’hygiène cherchent à protéger le Canada contre les maladies, à s’assurer que les aliments, les drogues et les médicaments sont sans danger, et à bannir tout ce qui pourrait être nuisible à la santé. Ces services sont administrés par le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social.

Une division du ministère est chargée de s’assurer que les aliments vendus au Canada sont purs, propres et sains, et que les drogues peuvent être employées sans danger, aux fins pour lesquelles elles sont recommandées. Cette division contrôle la manufacture, l’étiquetage, la publicité et la vente des spécialités pharmaceutiques.

Prenez par exemple les préparations qui sont censées contenir des vitamines ou des minéraux. Elles sont analysées pour contrôler si le montant inscrit sur l’étiquette est exact.

Il est interdit d’offrir en vente au public tout aliment ou médicament destiné au traitement de certaines maladies telles que le cancer, le diabète, l’épilepsie, les maladies de coeur, la tuberculose ou les maladies vénériennes. Toutes ces maladies sont si graves qu’elles exigent des soins professionnels.

Le ministère fait là un travail particulièrement utile, en attendant que la question d’hygiène soit parfaitement comprise par le public. On a beau rire des idées baroques de nos ancêtres mais il y en a encore beaucoup qui subsistent. Des personnes qui passent pour intelligentes ont foi en des remèdes qui ne sont que des superstitions, au lieu de s’adresser au médecin de famille ou à une clinique publique. Le commissaire des Aliments et des Drogues des États-Unis a dit récemment : « Un grand nombre de vies sont perdues inutilement parce que les gens se fient à des remèdes qui ne valent rien ». On a trouvé dans l’ouest du Canada un homme qui rendait des mouchoirs de soie pour la guérison de diverses maladies.

D’autres divisions du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social s’occupent d’hygiène professionnelle, d’hygiène industrielle, d’hygiène technique, de l’examen médical des immigrants, de la quarantaine, des aliments et des boissons dans les trains de voyageurs, etc.

Programme national d’hygiène

Le programme d’hygiène nationale découle d’une recommandation du rapport Rowell-Sirois de 1940. Ce rapport proposait d’accorder des subventions fédérales pour la lutte contre la tuberculose, les maladies mentales, les maladies vénériennes et le cancer. Le programme a été inauguré en 1948 et les subventions sont accordées aux provinces pour les fins indiquées.

Quoique le manque d’employés compétents et d’autres facteurs essentiels aient restreint l’emploi des fonds disponibles, d’importants progrès ont été accomplis. Les services d’hygiène mentale ont été remarquablement agrandis. Dans les sept premières années, 4,456 médecins, dentistes et autres professionnels ont été ajoutés au personnel ; plus de 9,000 hygiénistes ont été formés ; et l’espace nécessaire a été fourni pour 65,000 lits en vertu de l’aide à la construction d’hôpitaux.

Organismes bénévoles

Les agences officielles d’hygiène publique sont aidées, et souvent stimulées, par des associations bénévoles de deux sortes : professionnelles, comme l’Association médicale canadienne, et laïques, comme la Ligue de santé du Canada. Ce sont les associations bénévoles qui ont ouvert la voie.

Au début, les entreprises étaient dirigées par des citoyens dévoués au bien publie. À mesure que les résultats devinrent apparents et que les dépenses s’accrurent au delà des moyens de simples particuliers, les gouvernements y participèrent sur différents plans.

Ces associations bénévoles s’occupent de tout ce qui a trait à la santé. Les unes sont nationales, d’autres provinciales ou locales. Elles s’intéressent au bien-être de l’enfance, à la prévention de la cécité, au traitement de l’arthrite et des rhumatismes ainsi que du diabète, servent comme auxiliaires dans les hôpitaux, donnent des cours d’hygiène dans les écoles, visitent les malades mentaux, fournissent les aliments utiles aux indigents, et rendent des centaines d’autres services.

La mieux connue est la Ligue de santé du Canada qui, depuis 35 ans, prêche et pratique l’enseignement de l’hygiène, spécialement dans le domaine de la prévention des maladies, collabore avec les services officiels d’hygiène, et aide les autres associations bénévoles de ses conseils et de tous les moyens possibles. Voir à cet égard le numéro du 26 novembre 1955 de Maclean’s.

Le Dr. Gordon Bates, directeur de la Ligue depuis ses débuts, estime que la plupart des 125,000 Canadiens qui meurent chaque année auraient vécu plus longtemps et que la plupart des malades auraient conservé leur santé si la question d’hygiène avait été mieux comprise par eux et par les autorités locales. Les maladies qu’on aurait pu prévenir coûtent cher en souffrances, diminution de rendement industriel, pauvreté inutile et décès.

Résultats encourageants

Même aujourd’hui, un grand nombre de rapports provinciaux annoncent de mois en mois, « aucun cas de typhoïde, aucun cas de diphtérie ». Depuis l’emploi d’une nouvelle forme de thérapie dans la lutte anti-tuberculeuse, les cas de décès diminuent de plus en plus rapidement. Aux États-Unis, les chiffres complets pour 1955 indiqueront probablement pour la première fois moins de 10 décès par 100,000, c’est-à-dire la moitié de 1951 et moins qu’un cinquième de ceux d’il y a vingt ans. Les cas de décès chez les enfants au-dessous de 15 ans n’arrivent pas au dixième de ceux d’il y a vingt ans.

Le Canada combat de plus en plus vigoureusement la tuberculose depuis le commencement de ce siècle. Les services d’hygiène publique fournissent gratuitement des diagnostics et des examens radiographiques dans les usines, les bureaux et les écoles. Les malades sont traités gratuitement dans les sanatoriums provinciaux. Plusieurs provinces emploient un vaccin prophylactique (B.C.G.) pour immuniser les nouveaux nés et les enfants.

Une découverte du Dr. Edith Mankiewicz et de son personnel au Royal Edward Laurentian Hospital Montréal, annoncée en décembre, facilitera beaucoup la lutte contre la tuberculose. Cette découverte permet de réduire d’au moins trois semaines le temps nécessaire pour découvrir la maladie.

Une autre maladie mortelle d’autrefois, la typhoïde, est en train de disparaître. Le Dr. Calixte Favreau, de l’Hôpital Sainte-Justine, à Montréal, a écrit dans Health Facts : « La pasteurisation est le moyen le plus pratique, le plus économique, le plus simple et le plus sûr, d’obtenir du lait pur et non-contaminé pour les enfants ».

Mais la pasteurisation n’est pas encore générale au Canada, et le Dr. Bates dit sans détours : « des millions de Canadiens s’exposent encore à la maladie et à la mort en buvant du lait non-pasteurisé. »

La polio, dont on parle tant depuis dix ans, est combattue au moyen du vaccin de Salk. Mais il est encore trop tôt pour déduire des statistiques qu’elle a été vaincue. Le ministre de la Santé de l’Ontario a déclaré en décembre que, grâce à l’emploi du vaccin, le pourcentage des décès pendant la saison d’épidémie en 1955, n’a été que la moitié du chiffre de 1954.

La diphtérie, qui causait autrefois la mort de milliers de bébés et d’enfants, a presque disparu grâce à la découverte du Dr. Gustav Ramson, en France. Toronto n’a pas eu de décès pour la première fois en 1940, et n’a souvent même aucun cas de diphtérie pendant l’année. Dans tout le Canada il n’y a eu que 15 cas de décès en 1953.

Tout cela est dû aux efforts incessants de la Ligue de santé du Canada en collaboration avec les ministères de l’hygiène. Quand le Canada n’avait que neuf millions d’habitants, nous avons eu dix mille cas de diphtérie en une seule année, et treize cents décès. Grâce à une campagne d’éducation de trente années, il a été possible d’annoncer qu’il n’y avait eu que 132 cas de diphtérie en 1953.

Hygiène mentale

Les services d’hygiène publique attaquent avec une vigueur nouvelle le formidable problème de l’hygiène mentale. On estime qu’il y a toujours au Canada 112,000 personnes qui souffrent de maladies mentales et 915,000 qui en sont en partie affligées. Les statistiques compilées par le Bureau fédéral de la statistique, l’Organisation mondiale de la santé et la Fondation de recherches sur l’alcoolisme indiquent entre autres : 66,000 personnes dans les hôpitaux mentaux et écoles de formation ; 150,000 victimes de l’alcoolisme ; 1,800 suicides par an ; 3,000 personnes adonnées aux narcotiques. Grâce à la création de nouveaux services et à l’amélioration des services existants en vertu de la subvention fédérale à l’hygiène mentale, la lutte contre la maladie fait d’assez bons progrès.

Comme la prévention dans le cas des autres maladies, on estime que l’éducation offre les meilleures chances de réussite. L’Association canadienne d’hygiène mentale, établie en 1918, vient de lancer un nouveau programme comprenant la création de divisions provinciales et de succursales locales. Un des principaux buts est de renseigner le public non seulement sur la nature et le traitement de la maladie mais, ce qui est plus important, sur les principes d’hygiène mentale et la prévention des crises nerveuses.

Ce qui importe surtout dans les cas de maladie mentale, c’est de faire comprendre aux gens qu’il n’y a aucune honte à en avoir souffert. Ce genre d’éducation devrait commencer à l’école, où on devrait enseigner aux enfants la manière d’envisager les cas de maladie mentale.

Problèmes encore à résoudre

Des milliers d’heures par an sont consacrées aux recherches sur les problèmes relatifs aux maladies de coeur. On a découvert beaucoup de nouveaux médicaments, mais malgré de nombreuses expériences faisant appel à la chirurgie, à la nutrition, au repos et au régime, la science n’a pas encore trouvé la solution. Plus que dans toute autre maladie, l’ardente collaboration du malade est nécessaire.

Une autre maladie, le cancer, défie encore la science, mais dans ce cas également nos connaissances actuelles permettraient de réduire les cas de décès si les gens consultaient leurs médecins pendant que le mal est localisé. L’Institut national du cancer et l’Association canadienne du cancer entreprennent des recherches et des programmes d’éducation. Les provinces ont établi ou subventionné des cliniques de diagnostic pour permettre à ceux qui croient être atteints du cancer de s’en assurer et se faire traiter de bonne heure. Le secret de la guérison, dans l’état actuel de nos connaissances, consiste à découvrir la maladie de bonne heure. Malheureusement, la plupart des gens ont peur que le diagnostic ne confirme l’existence de la maladie. D’où des délais qui, si courts qu’il soient, sont souvent fatals.

Environ deux millions de Canadiens font soigner leurs dents au cours de chaque année, et ce chiffre prouve l’utilité des mesures préventives. Les bonnes dents contribuent à la santé générale. L’hygiène dentaire publique consiste à prévenir la carie des dents, et à prolonger la durée des dents par des mesures collectives.

Il s’agit de faire un emploi plus intelligent des mesures préventives. Ces mesures comprennent une saine alimentation, un bon régime alimentaire, l’emploi régulier de la brosse à dent, des dentifrices médicamentés et le soin des mâchoires chez les bébés qui perdent leurs dents prématurément. En outre, dit la Ligue de santé du Canada, l’eau municipale devrait être fluorurisée et les dents nouvellement percées soumises à une application de fluorure.

La carie des dents peut être facilement évitée : c’est aux gens de s’assurer que les mesures préventives sont appliquées.

Récréation

L’hygiène publique ne saurait ignorer les exercices physiques et les sports qui reposent l’esprit. Le Dr. J. B. Kirkpatrick, directeur de l’école d’éducation physique de l’Université McGill dit à ce sujet : « Un programme qui ne s’occupe que de la guérison, ou même de la guérison et de la prévention des maladies, est une perte de temps, d’argent et d’énergie qui ne sert qu’à « réparer » une santé qu’il aurait été facile de conserver intacte. Il est aussi nécessaire de donner aux gens la chance d’exercer leur corps et de jouer que d’être soignés et inoculés. Nous oublions trop souvent le rôle du professeur de culture physique dans la poursuite de la santé nationale ».

Ce qu’il reste à faire

Même dans un pays prospère et éclairé comme le Canada, il y a des services d’hygiène qui ne sont pas à la portée de tous ; le genre et la qualité des services d’hygiène publique ne sont pas suffisants partout ; les programmes de prévention ne sont pas appliqués avec assez de vigueur dans certaines régions.

Une grande partie du travail d’éducation nécessaire retombe sur le médecin de famille. C’est lui qui peut le mieux se faire écouter des gens. Il lui incombe de ne jamais se désintéresser des aspects préventifs de la médecine si nous voulons que la santé nationale continue de s’améliorer. Il peut faire davantage par son influence personnelle que toutes les campagnes officielles de publicité.

Effort personnel

Mais tous les meilleurs médecins du monde et tous les fonctionnaires de l’hygiène publique ne peuvent rien pour ceux qui refusent de faire leur part pour recouvrer ou conserver leur santé. Nous faisons peu de cas de notre santé qui est le plus précieux de nos biens. Les cliniques infantiles et maternelles, celles qui offrent des diagnostics gratuits et des traitements pour le cancer, sont ignorées par les milliers de gens qui trouveraient avantage à les fréquenter. Les traitements préventifs pour la coqueluche, la diphtérie, la variole, la tuberculose et autres maladies, les gens n’en veulent pas et souffrent en conséquence.

La collaboration est un mot vide de sens à moins que chacun y mette du sien. Les gouvernements, du haut au bas de l’échelle, ont beau collaborer avec les médecins, les hommes de science et les éducateurs, mais leurs efforts combinés ne peuvent rien pour l’individu qui refuse de faire sa part.