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La plupart des hommes s’adaptent assez bien la plupart du temps à notre monde actuel. Ils l’acceptent avec sérénité et, jusqu’à un certain point, s’y créent un mode de comportement. Mais il arrive que ce comportement, qui dirige et informe leur existence, se dérègle.

Il y a des contrariétés dans tous les états de vie. Elles sont inséparables de l’existence. Mais, comme nous passons la majeure partie de notre temps au foyer et au travail, ces deux milieux constituent les deux principales sources des points de friction, nos rapports sociaux ne venant qu’en troisième place. Nous tracasser à propos de ces désagréments et de ces conflits, c’est faire naître en nous une tension de nature malsaine.

Notre tendance générale est de laisser croître cette tension, sans nous en soucier, jusqu’à ce que nous soyons complètement à bout, et alors c’est l’effondrement. Nous ne sommes pas encore maîtres du train-train journalier de la vie. Nous nous sentons bousculés et harcelés, et nous avons perdu le secret du seul remède qui peut nous guérir : le calme.

La tension est un sujet dont il faut parler avec réserve, car sa nature, ses causes et ses effets nous sont encore mal connus.

Il existe cependant une tension saine et utile. Sans elle, la vie serait bien monotone.

L’excès comme l’absence de tension sont des maladies. Il y a des occasions où nous devons être rendus, où un trop grand calme, que d’aucuns demandent aux comprimés, serait tout à fait hors de propos. Maintenue à un degré normal, la tension est un facteur de productivité et de succès ; le calme artificiel n’engendre que l’ennui.

Quand nous dormons, notre niveau de tension est bas, comme la vapeur d’une chaudière dont on couvre les feux. Lorsque nous nous éveillons, notre tension revient à son état normal. Mais elle ne demeure pas toujours au même point ; elle croît et décroît selon les besoins du moment. La tension ne devient nuisible que si elle reste trop longtemps au-dessus de la normale.

Il se présente plusieurs fois par jour des cas où l’on doit tout mobiliser pour faire face à une situation urgente, mais une fois la tempête passée, il faut que le ressort se relâche.

Si vous savez vous détendre, vous tenez la solution du problème de la tension, mais si vous restez constamment sous pression, si vous demeurez toujours en alerte même quand ce n’est pas nécessaire, vous entretenez chez vous une tension dangereuse, fatigante pour le corps et perturbatrice pour l’esprit.

Le professeur Hans Selye, de l’Université de Montréal, auteur du livre universellement connu The Stress of Life, nous dit que le « stress » fait partie de la vie et qu’il faut l’accepter. Nous n’avons pas plus raison de l’éviter que de renoncer à la nourriture, à l’exercice ou à l’amour. Mais pour s’épanouir pleinement, chacun doit d’abord trouver quel est son niveau optimum de tension et utiliser sa puissance d’adaptation selon la structure naturelle de son esprit et de son corps.

Les maladies de tension semblent aussi vieilles que le monde, car la colère, la haine, le chagrin, l’inquiétude ont toujours existé. Mais on dirait que les cabinets des médecins sont aujourd’hui plus remplis que jamais de « surmenés » et de « tendus ». L’incident le plus anodin en apparence peut déclencher une tension pathologique. Il suffit parfois d’un changement d’habitude, de la mise à la retraite, du départ soudain d’un être cher pour provoquer un déséquilibre dangereux. Pour celui qui est prédisposé à la tension, tout devient une catastrophe.

Les premiers signaux d’alarme

Quels sont les symptômes de la tension ? Sur le plan psychique, elle se traduit par un sentiment d’agitation, d’irritabilité, d’intolérance et d’anxiété. Sur le plan physique, ses points d’élection – cerveau, coeur, muscles – semblent varier selon les individus.

Si vous vous trouvez dans un état de tension inquiétant et si vous avez l’impression de ne pouvoir accomplir votre travail parce que votre esprit ou votre organisme ne tourne pas rond, n’allez pas en conclure immédiatement que votre tâche est au-dessus de vos forces ou que vous êtes trop vieux. Demandez-vous plutôt si vous réglez bien l’emploi de votre énergie.

Les tendus sont plus souvent des angoisses que des surmenés. Ce n’est pas le travail lui-même, si ardu soit-il, qui nous fatigue, mais bien plutôt les conditions psychologiques dans lesquelles il s’effectue, les soucis, les contraintes, les inquiétudes qui en sont le cortège.

Beaucoup de choses nous contrarient dans la vie. La civilisation nous oblige souvent à différer la satisfaction de nos désirs et à dissimuler nos craintes et nos répugnances. Au lieu de faire face aux situations déplaisantes, nous les refoulons au fond de notre conscience, où elles couvent et engendrent de la tension.

N’importe qui se sentira malheureux s’il oublie les bienfaits dont il jouit et ne pense qu’à ses maux, ou s’il se laisse harceler par l’idée qu’il a un besoin pressant d’une chose quand le bon sens lui dit que cela excède ses ressources ou ses possibilités. La vanité ou l’amour-propre est quelquefois à l’origine de la tension : nous tenons à paraître aussi habiles et intelligents que nous voudrions l’être, ou encore à réaliser ce que nous nous sommes vantés de pouvoir faire.

Conflits et dérobade

Beaucoup de personnes, tout à fait normales par ailleurs, sont en proie à des conflits intérieurs. Elles veulent et ne veulent pas à la fois.

Tout conflit n’est pas mauvais, et la vie même est un conflit. Témoin la lutte pour l’existence, à laquelle l’homme doit peut-être ses plus belles conquêtes. Dans la nature, comme partout, la facilité n’aboutit qu’à la médiocrité.

Mais il faut éviter l’excès même dans les meilleures choses. On dirait que tout concourt à accroître la tension entre notre personnalité interne et le rôle qui nous est assigné dans la vie.

Ainsi, les parents vivent dans un monde différent de celui où ils ont été élevés. Tout a changé : les valeurs matérielles, les buts, l’éducation, même les relations entre parents et enfants. Parmi toutes ces nouveautés, où les parents vont-ils prendre position, se planter fermement sur leurs jambes et dire : « vous n’irez pas plus loin » ? Dans quelle mesure peuvent-ils marcher de pair avec leur temps et sauvegarder ce qui importe, les principes sur lesquels s’appuient leurs convictions et leur conception de la société ?

C’est là une question qui suscite de la tension chez les individus et au sein des familles. Certaines données générales peuvent nous servir de jalons pour trouver une solution à ce problème, mais chaque cas réclame à un remède différent.

On trouve un précieux conseil à ce sujet dans un vieux livre sur la stratégie. Il s’agit du principe des « petites concessions », qui consiste à céder autant qu’il est possible sur des points secondaires sans jamais mettre l’essentiel en jeu.

Il n’y a en réalité que deux partis possibles. Nous devons résister ou baisser pavillon. Résister ou lutter, c’est chercher à changer la situation. C’est un acte positif. Mais il est quelquefois normal de recourir à la fuite. Ce qui est condamnable, c’est l’indécision chronique.

La dérobade prend quelquefois la forme d’une régression vers un comportement primitif ou enfantin, ce qui ne contribue en rien à résoudre le problème ou à améliorer la situation. Certains aussi se dérobent en s’apitoyant sur eux-mêmes. La déception peut alors causer une grande tension si les ennuis de la victime, qui sont pour elle architragiques, laissent son entourage indifférent.

Pourtant, il y a des échappatoires utiles, car elles permettent de prendre un certain recul et de réfléchir. Un voyage, s’il ne s’agit pas uniquement d’une fuite, peut avoir un bon effet. Aller faire ses emplettes, repeindre une pièce, fabriquer un jouet pour les enfants, tout cela amène souvent une diversion salutaire.

Ce qu’il nous faut rechercher, c’est la force de réussir notre vie en dépit de la tension. Il est lâche de vouloir s’évader dans le monde antinaturel prédit par Aldous Huxley, où il suffit de prendre une pilule quand on se sent anxieux, inquiet ou troublé.

Par les changements qu’ils provoquent dans notre corps et notre esprit, certains composés chimiques apportent un soulagement passager à notre tension. Mais les tranquillisants, puisqu’il faut les appeler par leur nom, ont pour effet, si l’on en abuse, non seulement de diminuer la tension nerveuse, mais aussi d’affaiblir notre vitalité et par conséquent d’amoindrir notre capacité d’affronter la vie.

La tension dans les affaires

Les affaires sont une profession ardue. Un homme a besoin de se reposer de temps en temps pour refaire ses forces, mais sa santé doit être assez solide pour qu’il n’ait pas à le faire au moment inopportun.

L’homme d’affaires a une tache presque surhumaine à accomplir ; sa vie est une suite sans fin de crises et d’obstacles qu’il doit surmonter tout seul. La corvée physique, à laquelle pensent les non initiés, ne représente qu’une infime partie du fardeau créateur de tension du chef d’entreprise ou du directeur. Les affaires exercent un despotisme impitoyable sur l’esprit d’un homme, sans parler de la fatigue incessante qu’elles imposent à son organisme.

Il ne suffit même pas de réussir pour éviter la tension. Le succès est certes plus agréable que l’échec, mais les problèmes qu’il pose ne sont pas moins difficiles.

La solitude n’est qu’un mot pour le directeur ou l’administrateur. Il n’est jamais seul ; dans son bureau, c’est un va-et-vient continuel.

Il lui faut suivre les progrès de la technologie moderne et manier des hommes, bien qu’il soit souvent plus facile de résoudre des problèmes techniques que de concilier des tempéraments. Certains grands directeurs prétendent qu’il n’existe pas de rivalités ni d’intrigues dans leur société ; mais chacun sait que dans toute entreprise, grande ou petite, la guerre de l’esbroufe et de l’avancement ne connaît pas de trêve. Cela est naturel, et il ne faut pas s’en inquiéter outre mesure. Mais c’est un souci de plus pour le chef, qui doit veiller au bon fonctionnement de son service.

Quel effet a l’excès de tension sur l’homme d’affaires ? Celui de l’empêcher de penser clairement, d’envisager les situations d’une façon objective, d’élaborer des directives judicieuses. Et comment éviter cette tension nocive ? Pour répondre à cette question, il ne faut pas oublier que les soucis d’un homme sont sérieusement aggravés s’il y a certaines lacunes dans les conditions fondamentales qui sont absolument indispensables à la bonne administration de ses affaires. Voici trois de ces conditions : un programme et des objectifs bien définis ; une organisation rationnelle où cadres et employés savent ce qu’ils ont à faire ; un bon service d’information, pour le personnel comme pour la direction.

La tension dans la famille

La famille est la plus ancienne et la plus importante des institutions sociales. C’est pourquoi il est éminemment légitime et recommandable d’aspirer à fonder un foyer.

En effet, la famille forme un groupement social dont les liens sont extrêmement étroits et intimes. Même si ces liens deviennent parfois bien fragiles, quand ils ne se brisent pas tout à fait, la famille demeure la seule base sur laquelle une société composée d’êtres humains responsables de leurs actes puisse se fonder pour assurer le présent et édifier l’avenir.

Certaines qualités fondamentales sont essentielles à l’existence même de la famille : la similitude des goûts, la confiance dans la persuasion, le respect de l’opinion des autres membres de la famille, les échanges amicaux de vues et de renseignements.

Mais du point de vue de la tension, il faut bien admettre que le cercle familial constitue l’une des grandes sources d’angoisse et d’inquiétudes de toutes sortes.

Le vieux moule des devoirs des parents envers leurs enfants et de ceux des enfants envers leurs parents subit de profonds changements. Les anciennes normes de l’autorité et des obligations se modifient. D’autre part, des changements économiques et autres ont transformé radicalement les relations entre conjoints.

Un peu comme dans le cas des affaires, un des bons moyens d’éviter la tension au sein de la famille consiste pour chacun à reconnaître et à respecter le rôle et le rang des autres membres de la famille.

Cela exigera peut-être un certain « cérémonial » familial, destiné à unir les divers éléments de la famille en un tout harmonieux. Ce cérémonial, qui peut prendre la forme de réunions de famille à l’occasion de Noël, du Jour de l’an, des anniversaires de naissance et autres, favorise l’esprit de groupe, augmente la fierté familiale et resserre les liens qui unissent les membres de la famille.

Le budget familial

Aucune activité économique ne procure autant de satisfaction personnelle, voire de bonheur, que la gestion attentive d’un revenu. Pourtant cette gestion peut facilement devenir la pierre d’achoppement contre laquelle viennent souvent se fracasser les relations entre des époux qui semblaient faits pour s’entendre.

En effet, les soucis d’argent nuisent au rendement de l’employé, menacent la paix du foyer et tracassent tous les membres de la famille.

Or ce problème n’a rien à voir avec le montant du revenu, parce que le chef de famille qui gagne deux cents dollars par semaine peut avoir autant de problèmes d’ordre financier que celui dont le salaire n’est que de cinquante dollars. Dans chaque cas, il se peut que la famille vive au delà de ses moyens.

La tenue du budget familial exige de la collaboration, de la loyauté et du désintéressement, si l’on veut qu’elle serve à soulager la tension au lieu de l’accroître. Les avantages de toutes sortes, tant culturels que matériels, que les membres de la famille peuvent retirer du revenu familial dépendent de la sagesse avec laquelle ce revenu est administré et utilisé.

Que de maris verraient disparaître leurs soucis s’ils consentaient seulement à mettre leur épouse au courant de leur situation financière ! En gardant leurs problèmes pour eux seuls, ils commentent une grave injustice, car comment les autres membres de la famille pourront-ils les aider à les résoudre s’ils les ignorent ? Pourquoi ne pas réunir toute la famille afin de décider quel train de vie il faudra mener. Ce serait une excellente façon de répartir le fardeau, d’établir des priorités en matière de dépenses, enfin de rendre les membres de la famille plus solidaires les uns des autres.

Le Budget familial, publié par la Banque Royale du Canada et que l’on peut se procurer gratuitement, sur simple demande, se révélera très utile dans la comptabilité domestique.

Les causes de tension

Les soucis, l’inquiétude et l’angoisse sont la cause d’un grand nombre de nos ennuis.

Il est permis de se faire du mauvais sang, mais il est ridicule de ne rien faire pour se guérir.

Les soucis peuvent être violents et impétueux, mais les plus dangereux sont ceux qui nous rongent d’une manière imperceptible et implacable.

L’anxiété non fondée peut devenir morbide, car elle produit une tension continue. Le remède est d’essayer de prévoir les difficultés et d’étudier les moyens de les vaincre.

Résoudre un problème, ce n’est pas nécessairement le faire disparaître. La plupart du temps, c’est seulement se rapprocher de la solution. Des soucis, il en restera encore, mais il sera alors plus facile de les supporter. Il suffira souvent de les analyser d’une façon objective pour nous en délivrer.

Si l’on prend la peine d’écrire ses motifs d’inquiétude noir sur blanc, on constate souvent qu’ils paraissent ainsi beaucoup moins terribles. Imaginez un peu quel service Copernic a rendu à l’humanité quand il s’est décidé à tracer une carte de la voûte céleste avec le soleil au centre du système solaire et les planètes décrivant leurs orbites tout alentour avec une belle symétrie !

Il est certain que si l’on n’arrive pas à formuler ses soucis d’une façon claire et nette, dans son esprit ou sur le papier, ces soucis ne pourront jamais se concrétiser et que partant il sera impossible de leur trouver un remède.

Les remèdes

Un seul acte de la volonté ne saurait supprimer toute tension, mais nous pouvons quand même nous en débarrasser en grande partie par des pensées et des actes positifs.

On conseille fortement de céder lorsque la chose en question ne nous fient pas trop à coeur. Il est parfois préférable de rester neutre, état d’esprit qui permet de mieux juger si les tracas du moment en valent réellement la peine, ou encore de s’intéresser à autre chose. On recommande aussi de ne pas manquer l’occasion de se dérider un peu en écoutant une bonne blague, ou même en racontant ses propres mésaventures avec une pointe d’humour.

Somme toute, il faut être réaliste. La tension et son triste cortège nous guettent constamment à la maison, au bureau, dans la rue, en un mot partout où nous nous trouvons. Il s’agit donc de laisser notre gros bon sens prendre le dessus et de ne pas nous entêter à vouloir éviter ce qui est inéluctable.

Si, au lieu de nous dérober devant le malheur ou l’incertitude, nous apprenons à leur faire face, nous nous apercevons qu’il est des solutions propres à améliorer la situation. Le moindre effort pour sortir d’embarras nous est salutaire, car c’est en affrontant une épreuve que l’on acquiert la force de surmonter la prochaine.

L’idéal est donc de maintenir un juste équilibre entre la tension et l’énergie que l’on doit dépenser pour la combattre.

Il importe aussi de ne pas essayer de tout entreprendre à la fois, quand on veut effectuer des changements ou apporter des améliorations. On commence par faire le nettoyage de ses tiroirs et de ses placards, puis le grand ménage de la vie mentale, familiale, etc., va pour ainsi dire tout seul. Une fois qu’on a pris une décision et qu’on est passé à l’action, le corps se libère en quelque sorte des émotions nuisibles qui sont à la base même de toute tension indésirable.

Attitude positive

Dans la vie, on peut être ni grand ni petit, ni gras ni maigre, mais il est impossible de n’être ni positif ni négatif. Ceux qui ont une attitude négative balancent entre les idées et voient leur tension augmenter. Mais les esprits positifs, eux, vont au-devant des idées dans l’espoir d’en tirer profit dans leur vie personnelle ou sociale.

Les positifs font preuve de plus de maturité que les autres ; ils connaissent leurs points forts et savent les mettre en valeur ; d’autre part, ils admettent leurs points faibles sans passer leur temps à se torturer à leur sujet. La pensée et les actes doivent marcher de pair vers la réalisation, et, pour les esprits positifs, l’échec même est encore préférable à une morne indifférence.

Mener une vie régulière n’est pas nécessairement synonyme de monotonie. La beauté de la vie, comme son utilité et son attrait, ne se manifeste dans toute sa splendeur qu’à celui qui sait employer une partie de son énergie pour atténuer les mauvais effets de la tension. Le repos véritable ne se trouve ni dans le stoïcisme absolu ni dans les comprimés. Il résulte de l’agencement harmonieux des nécessités et des contingences, des possibilités, des espoirs et des actes de la vie. C’est la calme suprématie de l’esprit sur les circonstances.