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Le prochain recensement présente une importance particulière. D’abord parce qu’il intervient six ans à peine avant le centenaire de la Confédération. Ensuite parce que ce sera le plus grand dénombrement jamais entrepris dans notre histoire. Les renseignements recueillis serviront de base aux mesures de sécurité sociale de l’État, aux programmes de production des industriels et aux prévisions des entrepreneurs en construction de maisons.

Le recensement est un procédé utilisé en démographie, science ayant pour objet l’étude statistique des populations, soit dans leur état actuel ou passé, soit dans leur évolution probable. Il porte non seulement sur le chiffre de la population, mais aussi sur le sexe, la profession, la mobilité et certaines autres caractéristiques mesurables des personnes dénombrées.

Presque toutes les statistiques imaginables peuvent être traitées par le cerveau électronique du Service du recensement. On vous posera, sur les membres de votre famille, 26 questions qui sont reproduites dans le présent Bulletin grâce à l’amabilité de Mr O.-A. Lemieux, directeur de la Division du recensement du Bureau fédéral de la statistique. Il vous faudra peut-être répondre aussi aux 28 questions d’une autre feuille consacrée à l’habitation si le numéro qui vous est attribué sur la liste du recenseur se termine par un « 3 » ou un « 8 ». Enfin, une troisième formule, à remplir à titre confidentiel par tous ceux qui ont 15 ans ou plus, recueille des renseignements sur le salaire, les revenus de placements, etc.

Trouver tout le monde

À cause sans doute de l’immensité apparente de la tâche, on demande souvent s’il y a des gens qui échappent au recensement ? La réponse est oui, mais pas autant au Canada, il faut l’espérer, que lors du recensement de 1960 aux États-Unis, où 323,654 personnes furent « oubliées » dans la ville de New-York. La métropole américaine vota la somme de $10,000 pour faire son propre dénombrement et tenter ainsi de sauver le million et demi de dollars qu’elle risquait de perdre, en contributions de bienfaisance de la part du gouvernement de l’État, parce que le recenseur n’avait pas trouvé ces gens.

L’opération même du dénombrement pose toujours des problèmes difficiles à résoudre ; elle exige non seulement la mise en oeuvre de techniques compliquées, mais aussi de l’imagination chez ceux qui sont chargés de son exécution. À Hong-Kong, les recenseurs de l’Organisation de l’alimentation et de l’agriculture des Nations Unies durent inventer un moyen pour compter les nombreuses familles qui vivaient dans des bateaux de pêche sans jamais accoster au même endroit deux nuits de suite. À Bornéo, les employés de l’ONU constatèrent que beaucoup de familles quittaient la forêt pour la plaine, puis la plaine pour la forêt, selon les saisons, ce qui ne simplifiait guère leur tâche.

Au Canada, la Division du recensement a des méthodes efficaces pour dénicher les citoyens les plus difficiles à trouver. Les propriétaires d’hôtels et de motels, par exemple, apportent leur concours en mettant les voyageurs en relations avec le recenseur. Le ministère de la Défense pour sa part se charge de faire le compte des membres des forces armées.

Peu importe où une personne habite – que ce soit dans un appartement somptueux, une bicoque, un grenier ou un ancien poulailler – la mission des recenseurs est de la trouver et de l’inscrire.

À qui servent les renseignements recueillis ?

C’est là, penseront certains, se donner beaucoup de mal pour des choses qui n’ont qu’un intérêt théorique. Mais il n’en est pas ainsi. Les chiffres recueillis ont une importance capitale pour l’État, l’industrie et l’aide sociale. Le nombre des questions doit être limité, sinon le recensement serait impossible, mais elles sont si bien conçues que l’ensemble des réponses fournit un vaste tableau, précis et pratique, de la vie canadienne.

Il suffit de cinq minutes de réflexion pour comprendre l’utilité qu’il y a, pour des milliers d’individus et d’organismes, de savoir combien de familles ont des revenus inférieurs et combien ont des revenus élevés ; si ces familles vivent sur des terres ou dans les villes ; si elles sont nombreuses ou non ; quel est l’âge du chef de famille ; s’il travaille ; quelle est son instruction ; s’il est propriétaire ou locataire ; si son logement est en bon état ou non. On posera des questions spéciales aux cultivateurs au sujet des récoltes, de l’irrigation, .de la qualité du sol, des machines agricoles, du bétail, des produits forestiers, des produits laitiers, etc.

Le simple fait d’habiter une région urbaine ou rurale retentit profondément sur la façon de vivre des gens et leur attitude vis-à-vis de la société, ainsi que sur l’organisation familiale et même sur la santé. La comparaison du prochain recensement avec les précédents nous donnera une idée des changements sociaux, des nouvelles habitudes de vie et de la hausse des niveaux d’existence.

Les résultats définitifs du recensement seront d’abord publiés sous forme de bulletins, avec toute la célérité possible, par le Bureau fédéral de la statistique, mais ils pourront par la suite être réunis en volumes. Les neuf volumes publiés après le recensement de 1951 portaient sur les sujets suivants : population, habitation, main-d’oeuvre, salariés, agriculture, distribution en gros et au détail.

Ces comptes rendus détaillés fournissent des renseignements pour l’étude des marchés ; guident les industriels et les distributeurs dans l’élaboration de leurs programmes de publicité et de vente ; apportent des éléments d’information indispensables pour l’assistance sociale, la santé publique, l’instruction et les services publics.

On voit par là que le travail de la Division du recensement est l’un des plus souvent et des plus largement utilisés de la machine gouvernementale, même s’il se poursuit sans beaucoup de bruit pendant les dix années qui séparent les recensements.

Le recensement se fait encore pour d’autres raisons. En fait, sa raison d’être initiale, selon la loi, est de déterminer la représentation à la Chambre des communes. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 prévoyait, en effet, que la première redistribution des sièges de la Chambre aurait lieu au terme du Recensement de 1871 et que chaque recensement décennal ultérieur serait suivi d’une répartition analogue.

Cet inventaire national sert aussi à fixer les subventions versées aux provinces et aux écoles, ainsi que les autres dépenses publiques dont les montants varient suivant la population. Les chiffres recueillis fournissent aux gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi qu’aux conseils municipaux, une base statistique solide pour juger de la nécessité et de l’effet des lois relatives aux questions économiques et sociales. Quel autre moyen qu’un dénombrement indiquant l’âge et là situation matrimoniale des citoyens permettrait à un organisme public d’évaluer le coût des mesures de sécurité sociale comme les allocations familiales et les pensions de vieillesse ? Sans les statistiques de l’emploi dans les diverses professions, sur quoi se fonderaient les conseillers d’orientation scolaire pour guider le choix des diplômés ?

Le recensement n’est pas une nouveauté

Du point de vue historique, le recensement est un procédé fort ancien. Les pays évolués sont aujourd’hui en mesure d’établir des statistiques détaillées, mais dans le royaume de Mari, la dixième ville qui attrait été fondée après le Déluge, le dénombrement de la population se pratiquait assez couramment pour fixer l’assiette des impôts et les conditions du service militaire. Les documents mis à jour par les archéologues, il y a quelques années, nous apprennent que, pour que l’opération – qui durait plusieurs jours – marche rondement, le gouvernement ordonnait une distribution gratuite de pain et de bière.

L’honneur d’avoir procédé au premier recensement au sens moderne du mot revient au Canada. En 1666, en effet, l’intendant de la Nouvelle-France, Jean Talon, faisait un recensement officiel de la colonie pour mesurer l’accroissement de la population depuis la fondation de Québec par Champlain en 1608. Le dénombrement de Talon, qui indiquait un total de 3,215 habitants, faisait connaître le nom, l’âge, le sexe, la situation familiale et la profession de chacun d’eux. L’histoire nous dit que le célèbre intendant lui-même effectua une grande partie du dénombrement, « allant de porte en porte visiter toutes les habitations de Mont Réal, Trois Rivières, Cap-de-la-Madeleine et tous les lieux en amont de Québec ».

La population du Canada

Malgré le fait que notre population soit passée de 3,215 habitants à plus de 18 millions en moins de trois cents ans, beaucoup de Canadiens semblent éprouver un sentiment d’infériorité à ce sujet. Nous disons souvent : « Notre population n’est que de dix-huit millions d’habitants ».

En réalité, l’étude de la population du Canada depuis le premier recensement de 1666 révèle un taux de progression remarquable. Chaque décennie a contribué à cet accroissement, mais trois d’entre elles l’emportent nettement sur les autres. De 1901 à 1911, notre population a augmenté de 34.2 p. 100 ; de 1911 à 1921, en dépit de la guerre et de la grippe espagnole, l’augmentation a été de 21.9 p. 100 ; et de 1941 à 1951, l’accroissement a atteint 18.6 p. 100 ou 21.8 p. 100 si l’on tient compte de l’union de Terre-Neuve aux autres provinces en 1949.

Notre taux d’accroissement naturel, c’est-à-dire l’excédent des naissances sur les décès, est l’un des plus élevés du monde. Il dépasse celui des autres pays industriels de l’hémisphère occidental : en 1958, ce taux était de 19.7 p. 1,000 habitants contre 14.8 pour les États-Unis et 4.7 pour l’Angleterre et le pays de Galles. Tous les ans depuis 1951 notre taux des naissances vivantes a excédé 19 p. 1,000.

La moyenne des naissances au Canada a été de 446,226 par an de 1952 à 1959 inclus. Pendant ces huit années, un enfant est né toutes les 70 secondes ½.

D’après les prévisions de la Commission royale d’enquête sur les perspectives économiques du Canada, en 1980, soit dans 20 ans seulement, la population de notre pays s’élèvera à 27 millions d’habitants, ce qui représentera une augmentation de 70 p. 100 par rapport à 1955.

En attendant, voici le Canada parvenu à son dixième grand recensement. Pour faciliter le travail des agents recenseurs, nous reproduisons dans les pages qui suivent les questions qu’ils poseront. Le lecteur aura le temps, d’ici au 1er juin, de les parcourir et de se préparer à y répondre.