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On aura beau dire que les mots sont des instruments fragiles, émoussés par l’usage et souvent récalcitrants, ils n’en constituent pas moins notre seul moyen d’exprimer notre pensée et de nous faire comprendre.

Ils se sont élaborés avec lenteur au cours des âges, et l’emploi souvent fautif que nous en faisons en notre siècle de vitesse supersonique est loin d’être étranger à notre désarroi personnel et au désordre qui sévit dans les affaires humaines. Examiner la question du choix des mots, ce n’est donc pas ressasser un sujet oiseux et pédantesque, mais aborder un aspect essentiel de nos rapports d’êtres raisonnables avec le monde qui nous entoure.

Beaucoup de lettres commerciales sont lamentablement éculées. Les unes disent des choses inutiles, sous une forme qui dénote la plus grande indifférence de la part de celui qui écrit. D’autres ont une tenue extérieure fort acceptable, car elles sont dactylographiées et disposées avec soin sur du papier de qualité, mais elles demeurent aussi indigestes qu’un gâteau de béton que l’on aurait recouvert d’une glace affriolante.

Le choix des mots n’a pas beaucoup d’importance pour l’employé qui se croit investi de la haute mission de noircir des pages à la file. Pourtant, cet homme renonce ainsi à un bien très estimable. Il se prive du plaisir de communiquer ses idées et ses émotions, de capter l’attention des gens, de les amener à faire ce qu’il désire.

Ce qui fait la beauté d’une langue aussi riche que le français ou l’anglais, c’est la possibilité d’en combiner les mots de manière à dire la même chose de plusieurs façons différentes. Il y a des mots lourds et denses comme l’argile ; des mots éthérés, légers comme des bulles de savon ; des mots-projectiles, rapides, incisifs et explosifs. Mais ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que tous ont le mystérieux pouvoir de transmettre avec des nuances infinies ce que nous voulons faire entendre à ceux qui nous lisent.

Le langage n’est pas né dans une grammaire ; il a été créé parce que les hommes voulaient converser entre eux. Son édification à travers les âges est une grande aventure, à laquelle nous pouvons encore participer.

Pourquoi lisons-nous avec délice des lettres écrites il y a des centaines d’années ? Parce que leurs auteurs ont su tracer, avec leurs rudimentaires plumes d’oie, des mots riches de sens et de sentiments.

Pensons au lecteur

Dans tout ce que nous écrivons – sauf les textes de circonstance que nous griffonnons pour le seul plaisir d’aligner des phrases – il importe de songer à l’agrément, aux goûts et à la capacité de comprendre du lecteur. C’est sa personnalité plutôt que la nôtre qui nous dictera les mots à employer, même si notre caractère, nos dispositions et notre dessein doivent forcément se refléter dans notre prose. Qu’il s’agisse de lettres de vente, de réponses aux réclamations, de textes d’accueil pour les nouveaux clients, même de souhaits et de civilités, cette règle joue un rôle capital dans la communication efficace des idées.

Ainsi, on ne se servira pas des mêmes mots pour écrire une lettre dont le fond est exactement identique à deux personnes de situations et d’activités très différentes. Malheureusement, cette vérité élémentaire se trouve souvent battue en brèche par notre passion des lettres-formules et le peu d’exigence que l’on montre à l’égard de la correspondance commerciale.

À quoi servent les lettres si ce n’est à renseigner le lecteur. Avant l’avènement de la diligence et de la poste aérienne, les nouvelles se transmettaient au moyen de signaux de fumée sur notre continent. Mais lorsqu’un Peau-Rouge émettait un signal, c’est lui et non pas le destinataire qui avait les yeux piqués par la fumée. C’est au point de départ qu’il faut faire un effort si nous voulons que notre message parvienne clair et net à notre correspondant.

Nous devons choisir nos mots de telle sorte que le lecteur comprenne sans perdre son temps à s’interroger. Et cela n’est possible que si ces mots expriment les renseignements nécessaires dans un vocabulaire adapté au lecteur, tout en lui laissant deviner quels sont nos sentiments à son égard.

Adressez-vous avant tout au destinataire ; c’est lui qu’il faut intéresser. Si vous parlez trop de vous-même, de votre société ou de votre produit, votre lettre finira par devenir un monologue. Cherchez plutôt à engager le dialogue en amenant en quelque sorte votre lecteur, à qui vous supposez de l’intelligence et de l’éducation, à prendre part à la conversation. Surtout, ne commencez pas par lui répéter ce qu’il vous a dit dans sa dernière lettre : il le sait déjà. Dites-lui tout de suite quelque chose de nouveau.

Le choix des mots est en somme une question de savoir-vivre. C’est à la fois un devoir de bienséance de la part de celui qui écrit et une marque d’attention à laquelle le lecteur est en droit de s’attendre.

Quand un homme reçoit une lettre dont le texte s’applique directement à son cas, il en conclut tout de suite qu’un autre être humain, en chair et en os, s’est donné la peine de trouver des mots pour rédiger un message qui lui est spécialement destiné.

Le temps et l’effort consacrés à cette tâche se justifient-ils dans l’horaire très chargé du secrétaire ou de l’homme d’affaires ? Remarquez bien ceci, avant de répondre : ce qui compte vraiment dans la vie d’une lettre, ce sont les cinq minutes décisives où elle doit, seule et sans aide, lutter contre l’affairement du lecteur et forcer l’attention de celui à qui elle s’adresse.

Le choix des mots est d’une importance capitale dans ce duel entre la lettre et le lecteur. S’il ne s’en dégage pas une impression d’intérêt et d’amitié, de sincérité et de conviction de la part de l’expéditeur, le destinataire lui fera tout simplement prendre le chemin de la corbeille à papier.

Ne soyez pas nébuleux

Personne ne peut rédiger avec succès une circulaire ou une note de service ni formuler des règlements ou dicter une lettre sans avoir le sens de la propriété des termes. Il se peut que vous ne soyez pas enjoué par nature, mais vos textes ne doivent jamais être froids et mornes si vous voulez réussir dans l’important domaine de la rédaction commerciale ou administrative.

Le mot propre est celui qui dit quelque chose, qui représente la même réalité pour le lecteur et pour l’auteur. Les mots employés dans un sens spécial n’ont souvent aucun sens. On connaît l’anecdote de l’aviateur réfugié sur un radeau, qui, se voyant menacé par les requins, crut bon de leur citer à haute voix un guide des naufragés, où l’on disait que les squales s’attaquent rarement à l’homme. Mais comme il ne parlait pas la langue des requins, ses paroles parurent exciter leur fureur eu lieu de les apaiser.

Il faut que les mots aient du sens. Le langage ne peut faire abstraction des idées. Le milieu ambiant a aussi son importance – le milieu où vit le lecteur comme les circonstances qui entourent votre message – car il influe sur la signification des mots employés.

L’essentiel est d’adapter ses mots aux idées, et non pas ses idées aux mots. Si vous voulez prendre des libertés et employer des mots dans un sens autre que leur signification ordinaire, sachez au moins quelle est cette signification et quelles sont vos chances de faire comprendre votre trouvaille au lecteur. On ne gagne rien, sauf peut-être une espèce de satisfaction puérile, à s’exprimer en un style filandreux, ampoulé et rebutant.

Les mots doivent être clairs. Même si votre interlocuteur n’est pas de votre avis, écrivez de façon que l’on n’ait aucun doute sur vos paroles. Le fait de coucher sa pensée dans les termes appropriés, afin que le message soit clairement compris, contribue assurément à la rendre plus réaliste, plus plausible et plus croyable que si l’on se contente de mots vagues et clinquants.

S’il s’agit d’un sujet obscur, ou encore si une erreur vous a particulièrement irrité ou si vous traitez d’un projet qui vous est très cher, peut-être importe-t-il encore davantage dans ce cas d’employer un langage non équivoque.

Les mots doivent être précis. Il faut en retrancher tout ce qui est superflu pour mieux manifester ce que nous voulons exprimer. Nous sommes parfois déçus de ne pouvoir étendre le sens d’un mot afin de traduire exactement notre pensée. Il ne suffit pas alors de froncer les sourcils : il faut trouver un autre mot ou recourir à une périphrase.

Tous ceux qui sont chargés de fonctions de direction savent combien les mots imprécis sont agaçants. L’un des principes fondamentaux de la rédaction commerciale et technique est que l’on ne peut y altérer le sens formel des termes. Le prix d’un article est de tant de dollars, la pièce de rechange porte tel ou tel numéro de série, la tolérance est de tant de milliers de millimètres. Pour exprimer des réalités de cette nature, la précision est indispensable. Les généralités ne sont de mise que dans les circonstances qui s’y prêtent.

Tenez le lecteur en éveil

Les mots doivent avoir de la vigueur. Il est inexcusable de rédiger une lettre où il n’y a pas plus de vie que dans une éponge imbibée d’eau, puis de la clore avec nonchalance par une salutation finale stéréotypée. L’emploi à bon escient de mots énergiques, dans une lettre, communiquera votre enthousiasme au lecteur. Vos phrases vivantes et alertes tiendront son esprit en éveil.

Les mots doivent aussi avoir de la force. Ne choisissez pas un mot en le jugeant sur sa mine. Il a un rôle à jouer : choisissez-le parce qu’il a du muscle. Les mots usés, décolorés, ne produisent aucun effet sur l’esprit.

Réservez les mots très forts, comme urgent, crise, grave, essentiel, etc., pour les grandes circonstances. L’emploi à contretemps des mots forts et longs les dégrade à un tel point qu’ils ne remplissent plus leur office. Dans un sujet léger, les mots massifs risquent d’affleurer à la surface comme les pierres dans une eau peu profonde.

Les mots doivent être simples. Ce n’est pas à dire qu’il faut se confiner dans le vocabulaire élémentaire. Ceux qui exigent de pouvoir tout comprendre sans réfléchir à ce qu’ils lisent ne peuvent guère s’attendre à dépasser de beaucoup le niveau des bandes illustrées et des caricatures.

Employer des mots simples, c’est en somme exprimer sa pensée avec le maximum de pureté, de clarté, de précision et de brièveté. La fameuse expression de Churchill : « du sang, des sueurs et des larmes », n’aurait certes pas électriser la nation, si l’auteur avait mis « transpiration », par exemple, au lieu de « sueur ».

Enfin, les mots doivent avoir du rythme. Quand vous regardez un paysage ou une peinture, ou que vous écoutez un concert ou le gazouillis d’un ruisseau, vous éprouvez une sensation de rythme. Il y a de l’harmonie dans tout cela. Les mots aussi doivent avoir du rythme.

Beaucoup de lettres et d’autres écrits ne sont qu’une longue suite de phrases de structure parfaitement identique. La trilogie sujet, verbe, complément s’y répète avec une régularité qui a tôt fait de rebuter le mieux disposé des lecteurs.

Le rythme n’est pas la poésie, mais le mouvement et la variation, de façon agréable, des syllabes et des phrases. Il se discerne dans les oeuvres des bons auteurs d’autrefois et d’aujourd’hui, qui demeurent notre meilleure école dans ce domaine.

Mots descriptifs et imagés

Il y a trois grandes sources de couleur dans le langage, et toutes trois se fondent sur les mots : ce sont l’éclat, la vivacité et l’agrément. La première engendre la clarté, la seconde la vie, et la troisième l’attrait du style.

Les mots imagés ne sont ni des mots savants ou compliqués, ni des mots lourds, ni des mots à la mode, mais ceux qui expriment mieux que tous les autres ce que l’auteur veut dire. Certains mots qui s’adressent à d’autre sens qu’à la vue, possèdent de ce fait plus de force et d’expressivité. Ainsi, la phrase « il ferma la porte » ne fait appel qu’au sens de la vue, mais si vous dites « il claqua la porte », l’ouïe entre aussi en jeu. De même « sangloter », qui évoque à la fois un geste, un bruit et un mouvement, est beaucoup plus expressif que « pleurer ».

On a prétendu que le dicton chinois « une seule image vaut mieux que mille mots » s’explique du fait qu’il est très difficile d’écrire autant de mots en caractères chinois. Quoi qu’il en soit, nos mots, qui s’écrivent beaucoup plus facilement que le chinois, feront image s’ils sont choisis et agencés de façon à susciter dans l’esprit du lecteur la scène, l’objet ou la personne dont il est question. Beaucoup de lettres commerciales auraient plus d’efficacité si leur auteur veillait à ne pas parler de son produit, de son entreprise ou de ses services comme de choses qu’il n’aurait jamais vues ni examinées, mais seulement regardées dans un catalogue.

Exprimez vos pensées abstraites d’une façon concrète. Un texte est toujours plus facile à lire lorsque les idées générales qu’il renferme sont couchées en termes qui désignent quelque chose de réel et positif.

Dans l’Écriture sainte, Job ne dit pas qu’il est d’une maigreur extrême, mais que ses « os se dénudent comme des dents ». Lorsque Salomon discourt sur la folie de l’abus du repos et de la détente, il donne un tour concret à ses conseils en faisant allusion aux bras qui se croisent pour dormir. Horace parle non pas de l’amour, mais d’une femme en particulier ; non pas de la vie austère de l’Italie ancienne, mais des fils portant des fagots sous le regard sévère de leur mère. Et il en est ainsi de tous les grands écrivains : ils nous forcent en quelque sorte à voir et à toucher ce qu’ils décrivent par la richesse et le réalisme des mots qu’ils choisissent.

Servez-vous de votre imagination

On peut avec les mots former des métaphores, c’est-à-dire des figures de mots par lesquelles on transporte la signification propre d’un terme à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison sous-entendue. La métaphore s’emploie pour aider le lecteur à mieux saisir une idée abstruse en lui en présentant une image tirée du monde sensoriel. C’est ainsi qu’on dira métaphoriquement : mettre un frein à la fureur des flots ; la terre frémit de terreur ; les vagues fouettent la proue du navire.

Grâce à la métaphore, les mots peuvent s’adresser à tous nos sens. Nulle figure mieux qu’elle, en effet, ne permet de mettre l’accent sur la couleur, la forme, le mouvement, l’odeur, le son et la douceur ou la dureté des objets.

Il ne faut cependant pas que la métaphore soit trop évidente, ni qu’elle porte sur des absurdités. Tout le monde connaît ces phrases célèbres : « Le char de l’État navigue sur un volcan » ; « Les jeunes zéphirs… ont fondu l’écorce des eaux ». Un char ne saurait naviguer, et quand une embarcation navigue, ce n’est pas sur un volcan. Fondre se dit de la glace ou du métal ; il s’applique assez mal, même au figuré, à l’écorce. D’ailleurs, appeler la glace l’écorce des eaux est une métaphore pour le moins forcée.

La hardiesse n’est pas la principale qualité d’un bon style. Il faut certes de l’imagination pour créer des images, éveiller l’intérêt, éclairer ce qui est obscur. C’est elle qui nous permet de sortir de l’ornière des lieux communs et de la banalité.

Mais la recherche de l’originalité ne doit pas nous faire tomber dans la fantaisie. Les affaires s’accommodent mal des cabrioles littéraires. La lettre qui veut attirer l’attention par la singularité de sa disposition ou par l’emploi de néologismes pour l’unique plaisir de faire neuf dénote un certain infantilisme chez son auteur.

La forme active

La vie se caractérise avant tout par le mouvement, et cette qualité se manifeste dans notre style par l’emploi de la forme active. Sachons résister à la facilité et à la médiocrité du passif, et recherchons le verbe actif, le verbe propre, le verbe qui fait balle.

Au lieu de dire « N’avait-il pas été entendu que la livraison en serait faite pour le 30 mars ? », écrivez « N’aviez-vous pas dit que vous livreriez la marchandise pour le 30 mars ? » Lorsqu’on lui demanda qui avait coupé le cerisier, George Washington ne répondit pas : « Cela a été fait avec un instrument tranchant », mais « C’est moi qui l’ai fait avec ma petite hache. »

Certains conseillent d’écrire comme on parle si l’on veut avoir un style vivant et alerte, mais il y a entre ces deux façons de s’exprimer des différences dont il importe de tenir compte.

Il est plus facile de faire passer une idée dans la conversation que dans un texte écrit. Dans la conversation, en effet, on peut appuyer sur les mots voulus et faire les pauses nécessaires. Dans un texte, au contraire, tous les mots sont écrits avec la même encre et placés exactement à la même distance les uns des autres. Essayer de parer à cet inconvénient en soulignant certains mots ou en se servant de majuscules ou d’italiques, c’est recourir à un expédient de paresseux qui, en plus de gâcher l’apparence d’une page, en rend la lecture assez pénible. La solution idéale est de mettre les inflexions et les accents d’insistance dans les mots et la construction des phrases.

Il faut être plus soigneux lorsqu’on écrit que lorsque l’on parle, car les fautes sont alors plus évidentes. On emploie la même langue pour parler et pour écrire, mais les termes qui entrent dans la conversation quotidienne ne sont pas toujours de mise dans la langue écrite.

Cela ne signifie pas qu’il faille rédiger nos lettres avec la méticulosité de l’horloger qui assemble un mouvement compliqué. Car il est possible de construire des phrases grammaticalement correctes, qui pourtant n’expriment pas ce que nous voulons dire. Il n’existe pas de règles de grammaire pour composer des chefs-d’oeuvre littéraires ou de bonnes lettres de vente.

Le rédacteur chevronné peut se permettre de traiter la grammaire avec une certaine désinvolture, à condition que son texte reste clair et produise l’effet désiré. Mais il doit au moins en connaître les règles afin de pouvoir distinguer ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, et de savoir dans quelle mesure il peut sans danger prendre des libertés.

Ne pas abuser de l’allitération

L’allitération est un procédé dont il faut user avec prudence. Trop fréquente ou exagérée, elle engendre presque inévitablement la cacophonie, la lassitude et la confusion.

Il importe surtout de retenir que l’allitération n’atteint vraiment son but que si elle passe inaperçue aux yeux du lecteur. Les meilleures allitérations sont celles qui se fondent sur l’assonance des mots plutôt que sur la répétition d’une ou plusieurs lettres. On y trouve des jeux de sons qui présentent une grande analogie avec les demi-tons dans une composition musicale.

Mais la répétition des sons comme celle des mots devient vite irritante pour le lecteur si elle est trop manifeste. On luttera contre ce défaut en enrichissant sans cesse son vocabulaire, non seulement en surface ou en quantité, mais aussi en profondeur et en qualité, c’est-à-dire en apprenant à connaître les multiples sens des mots.

Le premier mot que vous vient à l’esprit n’est pas toujours le meilleur. Il se peut qu’il soit excellent, mais vous en trouverez peut-être un meilleur encore en cherchant bien. Il ne faut pas cependant que la passion du mot juste étouffe en vous l’inspiration. Jetez d’abord vos idées sur le papier ; polissez ensuite ce que vous avez écrit.

Pour ce travail de correction, on conseille d’avoir sous la main un ou deux bons ouvrages de référence. L’un des plus utiles et des plus pratiques est le Dictionnaire des synonymes de Henri Bénac (Hachette). Le Dictionnaire des difficultés de la langue française (Larousse) rendra aussi de grands services. Le premier offre un vaste choix de mots dont il précise admirablement les acceptions, tandis que le second permet de dissiper les doutes et d’observer le bon usage.

Il vaut mieux, même dans une lettre d’affaires, s’exposer à sentir un peu l’huile que présenter ses idées dans un style pitoyable. Une lettre bien écrite est un hommage au destinataire.

Relisez-vous

Même après avoir observé tous les préceptes de l’art d’écrire, il reste encore quelque chose à faire. Vous devez relire votre manuscrit pour vous assurer que tous vos mots sont justes, qu’ils expriment bien votre pensée et que vos phrases sont harmonieuses et bien construites.

Le poète latin Ovide reconnaît humblement la nécessité de se corriger. « Quand je me relis, dit-il, je ne peux m’empêcher de rougir, car même moi qui suis l’auteur je découvre dans mon texte beaucoup de choses à effacer. » La Fontaine refaisait jusqu’à dix fois la même fable. Jefferson consacra dix-huit jours à la rédaction de la Déclaration de l’indépendance. Voltaire passait des nuits entières à polir ses phrases. Et Flaubert, on le sait, s’est tué à la tâche.

Il existe un juste milieu entre le fait de se contenter de son premier jet et la passion de la perfection. Les lettres que vous écrivez n’ont pas besoin d’être vingt fois remises sur le métier, comme le voulait Boileau, mais elles doivent être bien faites. Rédigez-les avec soin, sans cependant le laisser voir.

Les choses parfaitement réussies nous semblent souvent résulter d’un miracle. Mais il n’y a pas de miracles dans le choix des mots, il n’y a que du travail : travail de la documentation ou de l’invention, travail de la création ou de l’adaptation des images ; travail de l’exécution. Bref, le bon style s’obtient par l’application et par l’effort, alliés à l’imagination et à la sincérité.

Pensez toujours en écrivant que tous ceux qui vous liront s’attendent, consciemment ou non, que vos idées leur soient présentées sous la forme la plus parfaite qu’ils puissent concevoir. Comment pourriez-vous alors leur offrir quelque chose de médiocre quand il n’en tient qu’à vous de ne pas les décevoir.