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Du berceau à la tombe, toute la vie de l’homme est orientée et influencée par les rapports familiaux.

La famille est mêlée à tous les grands problèmes de l’existence. Elle est le centre des relations les plus étroites et les plus intimes. C’est le cadre où se déroulent les événements les plus importants que l’on puisse imaginer : la naissance, le mariage, la mort et l’initiation des enfants à la vie en société.

Cette cellule primordiale se trouve actuellement soumise à la tension et aux secousses d’un monde en transformation. On dirait que quelque chose est soudain venu interrompre avec fracas notre paisible balade à travers les âges. Les changements de base qui se sont produits dans nos conditions de vie depuis cinquante ans sont plus nombreux et plus profonds que ceux dont le monde a été témoin au cours des deux et même trois mille ans qui les ont précédés.

La mobilité que nous a conférée la science, dans l’espace, sur terre et dans le travail, a apporté avec elle la mobilité de la pensée et du désir, mais aussi l’instabilité et la disparition de nos points d’appui.

Mais ce qui a une portée encore plus considérable que ces effets de la science, c’est la vague de démocratisation qui a déferlé sur la société. Dans la famille d’autrefois, le père était l’unique soutien, le chef religieux, le protecteur et le législateur. En même temps que nous progressions vers la démocratie politique, nous avons vu grandir notre désir de démocratie au foyer, et la démocratie est un mode de vie particulièrement difficile. Il exige non seulement un certain code de comportement, mais aussi du désintéressement, des qualités de caractère, de l’indulgence, de la tolérance et de l’humour.

On n’oublie pas facilement les vieilles coutumes : celles du maître et des serviteurs, du patriarche et de sa famille.

Les traits les plus saillants de la famille fondée sur la camaraderie, que nous connaissons aujourd’hui, sont la démonstration des sentiments d’affection, le dialogue enfants-parents, les échanges de vues et de confidences, la participation de tous aux décisions et le fait que les enfants en viennent graduellement mais rapidement à accepter leurs devoirs d’adultes. Pourtant, à travers toutes ces transformations, la famille doit s’efforcer de conserver les idéaux, les normes et les principes qui se sont révélés efficaces dans le passé et qui paraissent encore valables à notre époque.

L’importance de la famille dans la société canadienne est si grande et les problèmes qui se posent à elle sont si urgents, que S. E. le gouverneur général et Mme Vanier ont accepté de patronner une conférence nationale sur la famille, qui aura lieu en 1964.

L’époux et l’épouse

L’homme et la femme qui se marient dans l’espoir de fonder une association permanente doivent posséder certaines aptitudes et certaines dispositions d’esprit. Il leur faut savoir s’adapter l’un à l’autre, pouvoir résoudre leurs problèmes mutuels, être prêts à faire des concessions dans la recherche de l’harmonie, avoir un dévouement tel que le souci du conjoint domine leurs préoccupations personnelles.

Les gens n’arrivent pas au mariage comme des poussins qui sortent de leur coquille. Chacun d’eux a des antécédents, qui influent sur sa vie. Le conseiller d’une agence matrimoniale affirmait fort justement que s’il n’avait que trente secondes pour donner des conseils à un couple, il lui dirait : « Apprenez à vous connaître ». Il n’y a pas de mariage heureux qui ne soit basé sur la compréhension réciproque.

Il y a quelques années, le juge en chef de l’Ontario, l’honorable J. C. McRuer, président d’une commission d’étude sur le mariage et le foyer chrétiens, écrivait dans son rapport : « L’identification complète de la vie de chacun avec celle de son conjoint est le couronnement de l’union de l’époux et de l’épouse. »

Tous les rapports humains soulèvent des problèmes, et le mariage ne fait pas exception à la règle. Ainsi, aujourd’hui, en Amérique, on peut dire que beaucoup de familles gravitent autour de l’enfant. Comme l’affirmait dernièrement un rabbin de Toronto, « le culte de l’enfant a atteint de telles proportions qu’à bien des points de vue nos enfants ne sont plus des enfants. Ce sont des dictateurs obstinés, des Césars en miniature, de petits Napoléons, qui en sont venus à faire la pluie et le beau temps dans la vie familiale. »

Certes est-il facile de se moquer des mères et des pères consciencieux qui étudient ensemble la psychologie de l’enfant, mais on aurait tort de le faire s’ils ont le sens de la mesure. Les gens qui ont le respect d’eux-mêmes, qui savent se regarder avec intelligence, ont parfaitement raison de vouloir accroître leurs connaissances afin de mieux comprendre les besoins de leurs enfants dans notre monde nouveau.

Ils doivent le faire en collaboration. Chaque fois que l’on sous-estime le rôle de l’un des parents ou que l’on surestime les droits des enfants, l’harmonie de la famille en souffre et la formation s’en ressent.

La mission de la femme

Jusqu’à une époque encore assez récente, les femmes devaient suivre les voies étroites tracées à leur intention dans les temps anciens. La révélation pour elles qu’elles sont aussi des personnes a contribué encore plus que la révolution industrielle et l’automation à donner une nouvelle orientation à toutes leurs activités. Aujourd’hui, elles sont sollicitées de plusieurs côtés, libres de faire des choix à propos d’une foule de choses que d’autres décidaient autrefois à leur place.

Les hommes de l’époque victorienne pensaient flatter leurs femmes et éluder en même temps un devoir qu’ils n’aimaient pas en les chargeant de s’occuper pour eux des tâches culturelles. Les épouses de banlieue de notre siècle détestent qu’on les considère comme de simples objets décoratifs dans le foyer ou les représentants culturels de la collectivité. « Plusieurs études indiquent, lisait-on dans le rapport de 1960 de la Carnegie Corporation, que le plus grand gaspillage de ressources humaines qui sévisse présentement aux États-Unis est que l’on n’utilise pas suffisamment les talents des femmes intelligentes. »

Suivant une idée largement répandue, les robots électro-ménagers ont libéré la femme de l’ingrate et pénible corvée quotidienne du ménage, et celle-ci devrait se contenter des loisirs dont elle bénéficie de ce fait. Malgré l’allégement apporté aux travaux domestiques par les inventions de toutes sortes, il reste mille et une tâches courantes tout à fait incompatibles avec les capacités et la formation d’une femme cultivée.

Cet état de choses pose deux problèmes importants : il y a divergence entre ce que la femme est capable de faire et ce que la société lui permet de faire ; de plus, la nouvelle situation présente un grave problème en matière de formation des enfants, car l’école de discipline que représentait le fait de vaquer ensemble aux travaux du ménage et de jouer ensemble dans le cadre familial n’existe plus.

Une épouse ne peut se consacrer entièrement à son mari et à ses enfants, mais ils doivent demeurer la première et la plus importante de ses préoccupations. La mère reste toujours le pivot de la famille. Elle demeure au centre de l’éducation familiale. Aussi doit-elle être patiente, aimante et compréhensive. Il lui faut avoir la force nécessaire pour porter le poids des ennuis domestiques, tout en conservant son charme et ses attraits. Un de nos plus grands humoristes, Thomas Haliburton, fait dire à l’un de ses personnages féminins : « Je le laisse croire qu’il est maître dans sa maison, car lorsque les dames portent la culotte, il importe que leur jupon soit assez long pour la cacher ».

Le chef du foyer

Lorsqu’on parle du foyer, on pense le plus souvent à l’épouse et à la mère, mais le mari et le père y ont aussi des devoirs à remplir. Dans les moments de difficulté et d’incertitude, le rôle du mari prend une importance incontestable.

L’idée du « vénérable vieillard de la tribu » apparaît très tôt dans l’histoire humaine. Il est le chef, celui que l’on craint. La sentimentalité, il laisse cela à sa femme.

Dans notre culture occidentale actuelle, la puissance patriarcale a pour ainsi dire disparu, mais le père est toujours considéré comme le chef symbolique de la famille. L’un de ses problèmes, c’est qu’on veut qu’il conserve ses responsabilités, mais qu’il partage son autorité avec tous les membres de la famille.

Pour qu’un directeur réussisse dans les affaires, le simple bon sens exige que son autorité soit égale à sa responsabilité. Mais une bande illustrée américaine bien connue nous représente la condition actuelle de beaucoup de pères et de maris. Le héros est bon, dévoué, diligent, bien intentionné, mais il a complètement abandonné toute prétention à l’autorité.

La vie âpre des affaires ne prépare guère un homme à jouer son rôle d’époux et de père au foyer. Le commerçant ou l’industriel n’entre pas facilement dans le monde fantastique des enfants. Il est malaisé pour lui de jouer à faire semblant, d’assister à des thés où les tasses et les gâteaux sont imaginaires. Parce qu’il lui est impossible d’appliquer au foyer les normes pratiques qu’il utilise au dehors, il essaie de se persuader qu’il faut diviser le travail de telle sorte que lui se chargera de gagner l’argent nécessaire tandis que sa femme élèvera les enfants.

La famille en souffre. La femme a tout ce qu’il faut pour assurer l’éducation du coeur, mais elle ne saurait inculquer à ses fils les qualités viriles toutes spéciales qui sont indispensables à leur réussite comme hommes, ni donner aux garçons et aux filles la formation qui servira de pont entre l’unité de la famille et le grégarisme du monde extérieur.

Le mari a une autre excellente raison de participer à la vie familiale, car c’est au foyer qu’il trouvera sa sécurité émotive. En contact perpétuel avec des gens et des situations de toutes sortes, au bureau et à l’usine, l’homme a besoin d’un refuge où il peut se reposer l’esprit et retremper son moral. Le mari ne manque pas d’exutoires, ce qu’il lui faut c’est un lieu pour se refaire.

L’adolescence

Si les parents ont leurs problèmes, leurs grands enfants ont aussi les leurs. La vigueur, la souplesse et l’enthousiasme sont le propre de la jeunesse, et ces caractéristiques conduisent parfois garçons et filles à ce qu’on a appelé la « révolte de l’adolescence. »

Lorsque les enfants arrivent à l’adolescence, il incombe aux parents de tenir compte du changement qui s’opère en eux et de résoudre les problèmes de chacun sans laisser s’ouvrir aucune fissure dans la solidarité familiale.

Il importe d’aider les enfants à avancer étape par étape dans la voie de l’assurance, de l’habileté, de l’affection, de la responsabilité, de l’intelligence, de développer leurs idées d’année en année et même, pendant les périodes critiques, de mois en mois. Ne leur offrez pas des fleurs coupées au lieu de leur montrer à cultiver leurs plates-bandes.

Les enfants abordent la maturité lorsqu’ils commencent à penser, à travers l’écheveau de leurs désirs contradictoires et des conseils discordants qu’ils reçoivent, en fonction d’une série de convictions personnelles sur le bien et le mal, le juste et l’injuste. Mais c’est graduellement qu’ils doivent acquérir le sens des responsabilités et de la liberté. À mesure qu’ils s’affranchissent des liens étroits de la famille, il faut qu’ils éprouvent le sentiment de devenir plus importants et plus influents dans le groupe familial.

Comment convient-il d’orienter les enfants à travers les sautes qui accompagnent leur recherche de l’indépendance et vers l’âge où ils prendront conscience du besoin d’interdépendance, si ce n’est selon les principes qu’ils ont appris à connaître dans le milieu familial ? Comment pourront-ils prendre convenablement la relève des parents si on ne les habitue pas progressivement à assumer une responsabilité de plus en plus grande ? Si vous faites manger un enfant qui peut manger tout seul, c’est que votre amour de l’autorité passe avant le bien de l’enfant. L’enfant à qui l’on n’enseigne pas à prendre des responsabilités restera dans un état de dépendance jusqu’au jour où il pourra se révolter.

Le programme d’études traditionnel de l’enseignement primaire devrait comporter une matière de plus : celle des rapports sociaux. Ce voeu, formulé par le doyen de la faculté de pédagogie de l’Université de la Saskatchewan, se fonde sur le principe que l’éducation a pour but de préparer les garçons et les filles à mener une vie heureuse et féconde dans toutes les sphères de leurs relations humaines.

L’homme est un animal sociable, qui serait absolument incapable d’exister sans entretenir des rapports étroits avec ses semblables. Faire comprendre cette nécessité aux enfants et leur apprendre à y mettre toute la bonté et la beauté souhaitables, voilà la tâche des parents.

Les qualités requises

Si nous voulons conduire les jeunes vers la maturité et les préserver de l’écueil de la délinquance, il y a certaines qualités que nous devons posséder et pratiquer. Ce sont notamment la sincérité, le partage des joies et des peines, la générosité, la bonté, l’humour, la joie, la courtoisie.

L’essence véritable de la vie familiale réside dans la sincérité de ses membres. Les gens sincères dans leurs rapports peuvent surmonter bien des difficultés, et leur affection réciproque est l’une des plus grandes sources de bonheur.

Dans la vie d’une famille, la sincérité engendre la meilleure des sympathies, celle qui consiste à pouvoir reproduire dans son esprit les sentiments d’une autre personne, qu’il s’agisse d’indignation, d’amour ou d’approbation. La sympathie réelle et profonde est la manifestation de ce qu’il y a de plus noble dans l’être humain. Partout, mais surtout dans la famille, elle doit dépasser la simple communauté de sentiments et atteindre jusqu’au dévouement au service des autres.

Et c’est ainsi que l’on en arrive au partage des plaisirs et des peines. Les membres d’une même famille ont besoin de certaines normes communes, d’une certaine similitude de dispositions d’esprit, de la foi dans la persuasion, de la volonté de garder une bonne opinion des autres membres du groupe même lorsqu’ils ne sont pas de leur avis.

Communiquer sa joie, c’est l’augmenter, et raconter ses maux, c’est souvent les soulager. Dès le début de son existence, l’être humain éprouve le besoin de s’adapter, de se faire accepter, de s’intégrer dans un milieu. Le moral est excellent lorsque toute la famille a l’impression de baigner dans l’ambiance familiale. La reine Victoria écrivait autrefois dans une lettre au prince Albert : « Vous trouverez en cela une preuve de mon amour, car je dois partager avec vous tout ce qui me réjouit, tout ce qui me chagrine et m’attriste, et je suis sûre que vous en prendrez votre part. »

La troisième qualité est la générosité. Il faudrait apprendre dès l’enfance que l’égoïsme est le pire de tous les maux. L’égocentrique ne pense qu’à satisfaire ses désirs, tandis que les parents ou les enfants désintéressés et généreux trouvent le moyen, par l’entremise des autres membres de la famille, de vivre une vie beaucoup plus riche et plus rayonnante.

Le foyer est un lieu où la joie doit régner. Il n’est pas suffisant de nourrir et vêtir les enfants, et de les envoyer à l’école. Il faut mettre de la beauté et de l’enthousiasme dans leur vie. Les parents ne doivent pas seulement savoir faire face aux difficultés de la famille ; ils ont également le devoir de se réjouir dans les situations heureuses et d’entretenir en eux et autour d’eux un climat de sérénité et de bonne humeur.

L’un des plus précieux cadeaux que l’on puisse faire à quelqu’un, c’est la vertu de compréhension à l’égard des autres. Pour cela, il faut parfois donner des conseils, mais pas toujours. Il importe de tenir compte du point de vue, des mobiles et du comportement général des jeunes. Les grands-parents ne font en général qu’ennuyer les adolescents en leur racontant comment ils se levaient à quatre heures du matin pour traire les vaches et comment ils amassaient leurs sous pour acheter des livres. S’il est pénible de se faire rire au nez, il est beaucoup plus affligeant encore de voir ses auditeurs étouffer des bâillements.

La courtoisie devrait obliger les enfants à écouter avec patience, mais elle exige aussi que les grandes personnes parlent de ce qui intéresse les enfants. Il faut que leur savoir et leur expérience soient empreints de douceur et exempts de toute arrogance.

La responsabilité

Il existe peu de prérogatives dans la vie familiale, car la prérogative est un droit qui ne comporte pas de devoir correspondant. L’une des grandes leçons de la vie consiste à nous enseigner l’obligation de nous rendre utile et de porter notre part du fardeau.

Il peut se présenter, dans la vie d’une famille, beaucoup de situations susceptibles de forcer ses membres à modifier leurs manières de vivre. Tels sont, par exemple, le changement du lieu de résidence, l’exercice d’un nouvel emploi par le père, le travail de la mère à l’extérieur, le chômage, surtout s’il s’agit du père, la maladie ou l’invalidité, la mort, les naissances, la délinquance d’un frère ou d’une soeur.

Toutes ces circonstances demandent un surcroît de solidarité de la part de tous, non seulement en paroles mais aussi en actes. Il faut alors savoir faire des concessions, reprendre courage et consentir à modifier ses habitudes.

La vie en commun

Il est certes nécessaire de disposer de règles de conduite générales pour vivre ensemble et de règles spéciales adaptées à chacun, selon son âge, et aux nécessités de la famille, mais il importe aussi d’observer ces lois non écrites que sont les rites familiaux.

Les rites familiaux embrassent à peu près tout ce qui se passe dans la famille, depuis les soins de toilette et la cuisine, jusqu’à la disposition des meubles et la décoration des pièces. C’est par ces gestes rituels de tous les jours que se transmet la culture, que se façonnent les personnalités et que se gravent dans notre subconscient les valeurs fondamentales et les fruits de l’expérience acquise par les générations antérieures.

Les rites de la famille tendent à réunir les divers éléments du groupe familial en un tout harmonieux. Ils reflètent et développent les intérêts communs de la famille en tant que collectivité ; ils stimulent la fierté familiale et ennoblissent les rapports personnels.

Il s’agit là non pas des manifestations solennelles que l’on organise dans les grandes circonstances, mais des gestes simples que l’on refait tous les jours. Comme le dit l’auteur d’un manuel de savoir-vivre, nous accomplissons de petites cérémonies chaque fois que nous disons « bonjour » et « bonsoir », que nous fêtons un anniversaire de naissance ou que nous assistons à une distribution de prix.

On n’a pas encore trouvé de meilleur moyen que la discussion pour mettre les idées au point, et dans le conseil de la famille chacun a la possibilité de contribuer aux décisions en faisant connaître ses vues. Sans le flux et le reflux des opinions contradictoires et des désaccords, il serait impossible d’extirper les vieilles erreurs et d’ouvrir de nouveaux horizons. Le rôle du conseil de famille est précisément de permettre de régler les conflits avec ordre et d’assurer que les dissidents pourront se faire entendre et que leur point de vue sera pris en sérieuse considération.

Sur le plan émotif, le conseil de famille représente pour tous un élément de sécurité. Là, chacun a voix au chapitre et apporte son concours. Il y aura certes des divergences d’opinions, mais elles seront conciliées par voie de discussions amicales et de concessions mutuelles. Il est infiniment plus profitable pour une famille de consacrer ses soirées à des conférences de ce genre que d’en profiter pour donner des ordres, prononcer des jugements et imposer des punitions.

Accepter le changement

L’édification d’un foyer est une oeuvre sans fin. Elle ne convient pas à ceux et à celles qui voudraient « un mariage aux trois quarts », à la mode de ces Arabes qui, nous dit sir John Lubbock, se mariant légalement pour trois jours sur quatre, se réservent leur entière liberté pour le quatrième.

Même si beaucoup de rapports sociaux se sont modifiés avec le temps, il doit nécessairement y avoir une certaine constance dans la vie familiale. Cela ne veut pas dire qu’il faut être intransigeant, mais que les changements doivent avoir une certaine justification et se fonder sur des principes.

Les idées admises depuis longtemps ne sont pas intangibles pour les générations qui nous suivent. Chaque nouvelle vague de jeunesse opère une sélection parmi ce qui est ancien et se forme un univers bien à elle. Elle doit faire face à de nouvelles nécessités et à de nouveaux problèmes, et la façon dont elle s’adapte aux changements de son époque reflète jusqu’à un certain point le degré de civilisation par lequel elle passe.

« Il n’y a rien de mal dans le changement, s’il se fait dans la bonne direction », a dit Churchill avec une logique déconcertante. La sagesse consiste, semble-t-il, à effectuer les changements qui sont nécessaires à un moment quelconque et à ne jamais faire de plus grands changements qu’il ne faut. La fidélité à la vie de famille ne s’identifie ni avec l’inertie de l’usage ni avec le branle-bas du changement, mais plutôt avec un sens de la continuité que l’imagination vient vivifier et avec le déploiement de l’effort requis pour la fortifier au fil des jours.

L’amour, l’amitié et l’esprit de solidarité sont autant de conditions essentielles de la vie familiale. Certains pensent à tort que l’affection se résume aux clairs de lune et aux cadeaux, mais elle est beaucoup plus que cela. Elle est faite d’intérêts, d’impressions communes, de fidélité, de courtoisie, de générosité, de dévouement, ainsi que des préoccupations et des ambitions de la vie quotidienne.

C’est là la vie de famille que préconise la religion judéo-chrétienne. L’Église, en effet, s’est toujours intéressée à la famille. Les textes sacrés de toutes les grandes religions abondent en rites destinés à protéger la vie familiale, et les églises d’aujourd’hui ont organisé des cours de formation qui portent non seulement sur la préparation au mariage, mais aussi sur sa réussite par la suite. Nulle mieux que l’Église, avec son universalité et sa pérennité séculaire, n’est à même de se faire la gardienne et l’interprète des valeurs familiales.

Le foyer est pour ainsi dire le laboratoire où se prépare toute notre existence. C’est ce que nous y faisons qui détermine l’orientation de notre vie lorsque nous quittons le toit familial. « Voilà pourquoi, comme l’a dit Rosenberg, en dépit de toutes les nouvelles inventions et des découvertes… de l’ère moderne, personne n’a encore inventé ni n’inventera jamais un succédané satisfaisant de sa propre famille. »