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Il y a dans les mots employés correctement une magie spéciale, et cette magie c’est la discipline du langage qui en est la source.

Certaines personnes, fort intelligentes du reste, s’abusent au point de penser que le souci du mot juste n’est plus de mise aujourd’hui. D’autres s’imaginent que c’est en quelque sorte un signe d’avant-gardisme que de parler et d’écrire d’une façon débraillée.

La vérité est qu’il n’a jamais été aussi important qu’à notre époque d’employer le mot propre, au moment et de la manière voulues, pour exprimer nos idées. Nous devons savoir comment nous servir du langage pour imposer une forme et un caractère à certaines choses dans la vie, qui de par leur nature sont indociles et rebelles.

Il suffit de jeter un coup d’oeil autour de soi pour se convaincre que le haut niveau de vie que nous avons atteint grâce à nos connaissances scientifiques et techniques, est menacé à l’heure actuelle par l’emploi fautif des signes de communication entre les hommes, entre les idéologies et entre les peuples. Le mauvais usage des symboles que sont les mots engendre le désordre dans les affaires humaines.

La transmission des idées est une des activités les plus importantes de l’homme. En inventant l’écriture, nous avons posé la première pierre de la civilisation. À l’origine, on a dû croire que le pouvoir des mots tenait de la sorcellerie, et il faut reconnaître, si nous regardons en arrière, que les miracles opérés par la pensée verbale justifient cette impression.

Les mots sont à la base de toute notre vie ; ils sont la marque de notre humanité ; les instruments de notre action, l’expression de nos affections et les archives de nos progrès. Comme le dit Susanne Langer : « Entre le plus clair cri d’amour, d’alerte ou de colère de l’animal et le plus banal des mots de l’homme, il y a une journée entière de création ou, en langage moderne, tout un chapitre d’évolution. »

L’importance de la parole est si transcendante qu’il est de notre devoir de nous appliquer à bien l’utiliser. Dans les affaires, il n’y a pas d’incompétence plus grave que celle qui résulte de la pauvreté de la langue.

L’homme incapable de s’exprimer d’une façon claire et compréhensible est un maladroit, qui gaspille son temps et celui de ses associés.

Le mot essentiel dans la définition du langage est évidemment « communication ». Les idées enfermées dans notre tête n’apportent ni profit ni plaisir aux autres ; mais de même que le voyageur doit se servir de la monnaie du pays où il séjourne, ainsi est-il nécessaire d’employer les mots qui ont officiellement cours si l’on veut assurer la circulation de ses idées. Dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, l’apôtre saint Paul faisait cette recommandation aux Corinthiens : « si vous ne faites pas entendre avec la langue des paroles distinctes, comment saura-t-on ce que vous dites ? Vous parlerez en l’air. »

Importance dans les affaires

Les ouvriers qui construisaient la tour de Babel étaient des hommes de métier, versés dans leur spécialité. Si on leur avait ôté leurs outils, ils les auraient remplacés. Si on leur avait enlevé leurs métiers, ils les auraient appris de nouveau. Mais on les priva de la possibilité de communiquer entre eux, et l’on sait ce qui est arrivé.

Le problème de la communication des idées dans les affaires est si important que l’on peut dire que l’unique raison d’être des efforts déployés pour rédiger une lettre est en définitive les trois minutes critiques où elle doit, seule et sans aide, vaincre l’apathie et l’inattention du destinataire.

L’aspect matériel de votre lettre : l’élégance de l’en-tête, la qualité du papier, le format, la netteté de l’impression, tout cela est plutôt secondaire. Il ne suffit pas que le musicien soit en grande tenue pour que les fausses notes se changent en notes justes.

Ce qui compte, c’est tout simplement ceci : exprimer ce que l’on veut dire en termes clairs et précis. Le style est la façon de chacun de trouver ou de créer des expressions pour rendre sa pensée. L’écrivain ou le rédacteur consciencieux se posera ces deux questions : « Qu’est-ce que je me propose de dire ? » et « Les mots que j’emploie traduisent-ils bien ma pensée ? » Un mot ne remplit pas son office s’il n’éveille pas chez le lecteur la même idée que celle qu’il représente dans l’esprit de celui qui écrit.

Il n’existe pas de moyen facile de choisir les mots. Ils ne doivent être ni trop généraux ni trop restreints, car ils risqueraient alors, ou de dire ce que nous ne voulons pas, ou de ne pas dire ce que nous voulons. C’est le sens qui est alors le guide suprême.

Un mot est ambigu si le lecteur ne parvient pas à fixer son choix entre diverses significations, toutes également plausibles d’après le contexte.

Si tant d’écrits sont obscurs, c’est en grande partie parce qu’il s’y trouve trop de mots vagues et indécis, dont les sens possibles sont si nombreux que l’on perd le fil de la pensée. Plus les mots sont généraux, plus le message est faible ; plus ils sont précis, plus il a de l’éclat.

Socrate nous a indiqué la voie de la clarté en enseignant à ses disciples que leur discussion sur la justice serait vaine s’ils ne commençaient pas par s’entendre sur la définition exacte des mots qu’ils employaient. Il tenait ainsi à s’assurer que tous parleraient de la même chose.

Si vous passez en revue les divergences d’opinions qui se sont manifestées dans les conférences, les notes de service et la correspondance, au cours de la semaine écoulée, vous serez étonné de voir combien de fois l’exclamation suivante est revenue sur vos lèvres ou sur celles de quelqu’un d’autre : « Pourquoi ne l’a-t-il pas dit tout de suite ? » C’est là un refrain trop bien connu dans les bureaux, les ateliers et les usines.

Il n’y a qu’un moyen de s’assurer qu’il y a effectivement communication des idées : c’est d’exiger que ce que l’on nous dit soit exprimé en termes compréhensibles pour nous et de discipliner notre langage de façon à lui faire dire ce que nous voulons effectivement dire.

Si vous débutez dans la rédaction, que votre première règle soit d’être clair. Même si la nature veut que vous deveniez un écrivain de talent, votre succès et votre valeur dépendront en définitive de l’habileté que vous acquerrez dans l’art de manier les mots.

En attendant, dites ce que vous avez à dire ou ce que vous voulez dire dans les termes les plus simples, les plus directs et les plus justes. Il se trouvera peut-être quelqu’un, qui n’a rien de mieux à faire, pour chercher la petite bête dans vos textes, mais vous aurez écrit de façon à satisfaire le sens commun de ceux qui lisent pour comprendre.

Le style simple suppose une habileté consommée. C’est en évitant l’emphase, l’ambiguïté et la complexité que l’on atteint à la simplicité, c’est-à-dire à l’art difficile entre tous de communiquer directement sa pensée aux autres, sans aucun effort de leur part. La simplicité produit aussi une impression de sincérité et d’honnêteté, car qui pourrait douter des motifs d’un homme qui parle clairement et sans recherche.

Ce que sont les mots

Les mots sont notre seul moyen d’échanger des idées, même avec nous-mêmes. C’est par les mots, qui représentent les êtres et leurs actions, que nous percevons ce qui se passe dans le monde.

Cette importance universelle des mots nous oblige à être aussi précis que possible dans leur emploi. Une certaine inexactitude est inévitable, parce que la pensée refusera toujours de se laisser exprimer avec une précision parfaite par les symboles verbaux. Les mots, en effet, ne sont pas, comme le fer et le bois, l’eau et le charbon, des choses qui se voient et qui se touchent. Ce ne sont que des intermédiaires, mais ils constituent les seuls signes sensibles que nous ayons pour décrire les choses et y réfléchir. Nous parlons du soleil même lorsqu’il fait nuit, sachant bien que le mot « soleil » évoque une image dans l’esprit de celui qui nous écoute ; l’enfant raconte ce qu’il a vu parce qu’il a déjà acquis la certitude que son récit est comme une projection animée pour ses auditeurs.

Ce qui importe, c’est d’assujettir notre langage intérieur et extérieur à la discipline du sens des mots et des phrases. Il est impossible de former des idées et d’élaborer un raisonnement sans choisir et ordonner ses mots. Bien des gens ont des idées d’une valeur et d’une richesse inimaginables ; malheureusement, ces idées s’agitent dans leur cervelle sans pouvoir revêtir la forme qui leur permettrait de s’extérioriser, ou ne nous parviennent qu’à l’état de baragouin ou de fragments sans grande utilité pratique.

Un bon vocabulaire

L’étude des mots n’est pas fastidieuse. Les mots sont de charmants compagnons, dont le bonheur semble être de servir notre pensée, dans les choses sérieuses comme dans les choses légères, en affaires comme en amour. Toutefois, la véritable étendue de notre vocabulaire ne se mesure pas aux mots que nous comprenons, mais au nombre de ceux que nous pouvons utiliser en respectant leurs significations propres.

Celui qui possède un bon vocabulaire est à même d’exprimer toutes les nuances de la pensée. Trop souvent, dans le cours ordinaire de notre vie, les mots demeurent un trésor inerte et inexploité. Nous préférons en user un petit nombre jusqu’à la corde. Et l’indigence volontaire de notre vocabulaire ne semble pas trop nous gêner.

Un excellent moyen pour bien connaître sa langue est l’étude des synonymes, c’est-à-dire des mots dont la signification est semblable, mais non identique. Deux mots qui semblent avoir le même sens peuvent avoir beaucoup de ressemblance, mais aussi quelque chose de particulier et de distinctif, qui les sépare l’un de l’autre, une individualité naturelle ou acquise par l’usage.

Tout le monde sait qu’il y a une différence entre enfant et gamin, entre main et poing, entre erreur et mensonge. C’est une question de degré qui portera la mère à s’offusquer si on emploie le mot « chétif » au lieu de « délicat » en parlant de son fils. Les gens persistent à confondre « instruction » et « éducation » lorsqu’il s’agit de notre système scolaire. La première offre à l’enfant des connaissances, des faits et des renseignements ; la seconde puise pour ainsi dire à l’intérieur du sujet ; elle fait jaillir des fontaines qui sont déjà dans son esprit au lieu de remplir une citerne avec de l’eau provenant d’ailleurs.

Étudiez les différentes nuances de sens qu’expriment les synonymes d’un mot d’usage courant comme « dire ». Quand faut-il employer « affirmer » ? Dans quelles circonstances « prétendre » ou « soutenir » seraient-ils plus justes ? Voyez les effets différents que produira dans votre esprit le remplacement de « dire » par les verbes indiqués dans cette phrase : « Il a dit (affirmé, donné à entendre, supposé, maintenu, soutenu, signalé) que la police accomplissait bien son travail. » Et essayez par curiosité de remplacer regarder par des synonymes dans le cas suivant : « Jean regarda (fixa, contempla, considéra, toisa, dévisagea) Marie. »

On peut employer indifféremment les adjectifs « arrogant », « présomptueux » ou « insolent » en parlant d’une façon vague, mais si on les examine de près, on a tôt fait d’y déceler trois idées distinctes : revendication comme un dû de l’hommage des autres ; accaparement de certaines choses avant d’y avoir acquis le moindre titre ; violation des normes établies du comportement social. Il y a une différence de sens considérable entre inconduite, incartade et délinquance ; entre vice, erreur, faute, transgression, défaillance et péché.

Ces distinctions sembleront peut-être futiles aux uns et ennuyeuses aux autres. Mais le rédacteur qui désire bien concevoir ses idées et les énoncer clairement – et qui voudra passer pour un barbouilleur ? – en discernera tout le prix et en viendra avec la pratique à trouver facilement les mots qu’il faut sans toujours avoir à consulter un dictionnaire des synonymes.

Les mots nouveaux

Il est bon de passer son vocabulaire usuel en revue de temps en temps, afin de marcher de pair avec les us et coutumes de son époque. Chaque jour, des mots naissent tandis que d’autres meurent.

Certains pédants s’aviseront peut-être de soutenir que les mots et les tours d’autrefois sont toujours les meilleurs, mais on ne peut pas s’exprimer toute sa vie comme les gens du XVIIe siècle. Imaginez Mme de Sévigné ou Bossuet en train de nous entretenir des engins nucléaires et des véhicules spatiaux dans la langue de leur temps.

Mais il ne suffit pas, pour bien écrire, d’enrichir notre vocabulaire et de combattre la facilité et la négligence. Il faut s’intéresser à l’art du beau langage au point de chercher sans cesse à améliorer nos idées, notre langue et nos écrits au lieu de suivre la loi du moindre effort et de nous complaire dans la confusion et la médiocrité.

Au culte des mots comme tels, il importe de joindre le souci d’employer les termes appropriés aux circonstances. L’avocat qui parle dans un salon comme au prétoire, l’ingénieur qui emploie des mots techniques pour montrer à sa femme comment remplacer un fusible et l’homme d’affaires qui écrit aux clients en argot d’atelier sont des prétentieux qui n’ont aucun sens des convenances ou des gens qui ne se soucient pas de se faire comprendre.

Les fautes volontaires

En plus de l’imperfection inhérente du langage et de l’obscurité et de la confusion qu’il est si malaisé d’éviter dans l’emploi des mots, il y a beaucoup de fautes et de négligences intentionnelles dont les humains se rendent coupables et qui contribuent à restreindre davantage la clarté et la précision des signes dont nous disposons pour communiquer avec nos semblables. Il conviendrait que les hommes politiques en particulier tiennent suffisamment compte des nuances et de la propriété des termes pour nous parler d’une façon sensée.

La déformation du sens des mots pour les besoins de la politique est devenue monnaie courante. Les discours que reproduisent les journaux et les comptes rendus des débats parlementaires fourmillent de mots obscurs, incertains et vagues. L’éloquence politique est une chose, la communication des idées en est une autre.

Celui qui désire acheter une lampe pour son radiorécepteur, son téléviseur ou son ciné-projecteur sait ce qu’il veut et va droit au but. Il demande au marchand une « PAT 1673 » ou quelque chose du genre, en précisant bien le numéro. Si nous apprenons un jour à parler des questions sociales comme nous parions des tubes électroniques, peut-être pourrons-nous alors traiter nos affaires politiques et morales avec la même exactitude et la même rigueur que les questions techniques.

On peut se demander si notre langue n’est pas en train de se transformer en un instrument émoussé et sans valeur entre les mains des agences d’informations et des rédacteurs de publicité. Leurs abus, leurs fautes grossières contre le génie de la langue, leurs anglicismes, leurs licences ne sont pas toujours imputables à la hâte, à la négligence ou à l’ignorance ; il y a aussi les créations élaborées à dessein par des esprits cultivés, et qui ne sont que des trucs savamment calculés pour plaire aux masses et accrocher l’attention.

La presse, la radio et la télévision ne doivent pas oublier qu’elles ont de graves responsabilités envers leur public même en ce qui concerne la forme de leurs informations. Leurs textes, leur style, leur vocabulaire, leur exemple exercent une profonde influence sur la langue parlée et écrite des jeunes et des adultes. Il y a encore beaucoup trop de « gens qui sont appréhendés en rapport avec quelque chose », de « députés en faveur d’un projet », d’« automobilistes blessés quand leur voiture fait une embardée », dans les reportages de nos journaux écrits et parlés.

Dans les titres et les manchettes des journaux, la brièveté et la sacro-sainte symétrie l’emportent trop souvent sur la correction. On veut faire court et bien équilibré et à tout prix. Accrocs à la grammaire, contractions audacieuses, glissements de sens, abréviations et sigles indéchiffrables, tout semble permis aux « faiseurs de titres » de certains de nos quotidiens et de nos hebdomadaires.

Pompe et emphase

La grandiloquence – qui est la pompe du style – n’ajoute rien au sens, à la clarté ou à la valeur d’un article ou d’une lettre, bien au contraire, et pourtant la conviction que la profondeur de la pensée se manifeste par la complexité des termes est assez largement répandue. « Si vous ne savez pas ce que vous voulez dire, conseille un humoriste, employez des grands mots… cela mystifie souvent les petits esprits. »

Certains auteurs ou rédacteurs, plus intéressés par les mots que par les idées, tombent amoureux de certains vocables et cherchent des prétextes pour les utiliser. Il en est même, dit-on, qui dressent des listes de mots rares ou empanachés, dont ils s’inspirent pour dicter leurs lettres, croyant ainsi impressionner le lecteur.

Le souci de satisfaire notre vanité ou de plaire au lecteur par la nouveauté ou l’originalité ne peut que nous éloigner des sentiers de la simplicité et du naturel, et nous faire tomber dans l’affectation.

Les nécessités de l’heure

Si un étudiant échoue en mathématiques ou en économie politique, c’est qu’il est faible dans ces matières ; mais s’il rate les langues, il manque fondamentalement de culture.

Pourtant, la manie actuelle de l’image et du son, et la répugnance de plus en plus grande pour la lecture, sont en train de produire une génération de jeunes gens et de jeunes filles qui ont de la difficulté à parler et à écrire avec une précision suffisante pour satisfaire aux exigences des emplois modernes.

De peur de surcharger l’enfant de savoir, l’institutrice de quatrième année aux États-Unis emploie un livre de lecture de quelque 1,800 mots seulement. Par contre, l’écolier russe a un livre de lecture de 2,000 mots en première année et de 10,000 mots en quatrième. De plus, il lit déjà Tolstoy en première année, tandis que le petit Américain parcourt laborieusement un manuel intitulé A Funny Sled. Cette comparaison est tirée d’un article du numéro de juillet 1963 de la revue Horizon.

Pour combler la mesure et, comme si notre paresse naturelle avait besoin d’encouragement, on a inventé les questionnaires d’examen à choix multiple. L’élève n’a qu’à mettre une croix dans la case voulue. Il n’a plus aucun effort intellectuel à faire pour ordonner ses idées et les exprimer avec logique.

Certains instituteurs vont même jusqu’à proscrire toute distinction de « bien » ou « mal » dans les rares compositions qu’ils donnent à leurs élèves. Pour eux, la correction du langage et du style n’est qu’une question d’usage. Ils souscriraient volontiers à l’opinion quelque peu anarchique de l’oeuf Humpty-dumpty : « Quand j’emploie un mot, il veut dire ce qu’il me plaît de lui faire dire. »

Nous courons le danger d’avoir avant longtemps à faire face à une pénurie de gens capables de parler de nos immenses progrès techniques ou de les exploiter intelligemment, et de sombrer ainsi dans une espèce de barbarie raffinée.

Quel est le remède ?

Pour apprendre à écrire, il faut d’abord s’exercer, c’est-à-dire passer beaucoup de temps à noircir du papier à sa table de travail. Le sens des mots ne s’acquiert pas tout seul, pas plus que les principes de la physique et de la chimie ne s’assimilent par hasard ou par accident.

Après avoir écrit son texte avec application et l’avoir corrigé sans indulgence, il importe de le relire, afin de s’assurer qu’il ne s’y trouve pas d’ambiguïtés et que le fond, les mots et le ton en sont justes.

La deuxième condition pour bien écrire, c’est de lire. « La lecture est le grand secret, dit Albalat. Elle apprend tout, depuis l’orthographe jusqu’aux constructions de phrases. » Plus vous vous plongerez dans les oeuvres des grands écrivains, plus votre vocabulaire sera riche et précis, et plus votre style aura de la vigueur.

La vie passe, et certains tentent avec la plume ou la machine à écrire d’en fixer quelques parcelles sur le papier. Le grand malheur, c’est que si beaucoup ont une vision sublime des choses, les moyens de l’exprimer leur échappent. Voilà ce que nous ne devons pas être. Mais ce n’est que par l’effort, l’étude et l’application que nous apprendrons à rendre nos idées et nos sentiments avec aisance et même avec art.

La rédaction n’a pas encore atteint le stade de l’automatisme. Elle reste, même au vingtième siècle, une activité « manuelle ». C’est un travail que chacun doit faire soi-même. Il faudrait alors avoir le goût bien faussé pour se contenter de platitudes quand il ne tient qu’à nous de produire de l’excellent.

Qu’il s’agisse d’informer, de divertir ou de défendre un façon de vivre, les mots bien choisis ont une puissance extraordinaire. Confucius résume ainsi la nécessité d’en faire soigneusement le choix : « Si le langage, dit-il, est incorrect, ce que l’on dit n’est pas ce qu’on veut dire ; si ce qu’on dit n’est pas ce qu’on veut dire, ce qui devrait se faire ne se fait pas », et il en résulte que la morale, l’art et la conduite de la vie dégénèrent et « que le peuple demeure comme frappé d’inertie dans son désarroi ».