Skip to main content
Download the PDF Version

On n’arrive pas sans peine à tirer le meilleur parti de sa vie. Même si l’on croit comme les partisans de l’hédonisme que le plaisir est le souverain bien, il faut faire un certain effort pour rendre ce plaisir possible.

La manière de vivre canadienne repose, entre autres choses, sur le principe de la nécessité du travail. Chacun est tenu d’apporter sa contribution à la vie économique, sociale ou culturelle de la collectivité.

Mais une fois rompus à l’observance quotidienne de cette règle universelle, nous éprouvons le désir d’ajouter pour ainsi dire des notes d’agrément en introduisant dans notre vie des activités plus particulièrement destinées à enrichir notre personnalité. Six domaines s’offrent généralement à notre choix : l’esthétique, l’économie, la politique, la sociologie, la religion et la philosophie. Certains parviennent à réunir trois ou quatre de ces occupations secondaires pour meubler ce qu’ils considèrent comme les meilleurs moments de leur existence.

En quoi consiste une vie bien remplie ? Tout d’abord à s’efforcer de toujours demeurer alerte et actif. Il faut aussi se torturer un peu les méninges afin de saisir et de comprendre une fouie de choses qui ne s’imposeront pas d’elles-mêmes à notre esprit. Cela suppose encore la faculté de discerner et d’apprécier la beauté. Enfin, il faut être capable de prendre soi-même sa destinée en main et être à la hauteur des exigences de la vie, mais aussi savoir s’incliner avec respect devant les mystères inéclaircis de l’existence. L’essentiel, en somme, est d’envisager la vie avec sérénité et dans son ensemble.

Il ne suffit pas, cela va de soi, d’apprendre par coeur des traités de persévérance et de ponctualité pour tirer tout le parti possible de sa vie. Ce qui est nécessaire c’est d’en assimiler les préceptes et de les adapter à sa personnalité propre, à son milieu et à son idéal.

En passant de l’adolescence à l’âge adulte, le jeune homme apprendra à s’ajuster aux conditions d’une nouvelle étape de sa vie, afin de mieux s’intégrer dans le tout social. Il sera maître de son destin dans la mesure où cet ajustement se fera d’une façon intelligente.

Le moment est venu de devenir homme, et devenir homme c’est avant tout acquérir la maîtrise de ses impulsions et coordonner des activités laissées jusque-là plus ou moins au hasard. Le monde adulte, que ce soit dans les affaires, les professions libérales ou les spécialités techniques, n’a que faire des jeunes qui y entrent en exaltant l’infantilisme… comme des bambins criant victoire parce qu’ils ont réussi à monter une marche.

Ne craignez pas que vos efforts pour conquérir votre maturité creusent des rides sur votre front. Il n’y a rien de moins intéressant qu’un visage où la vie n’a laissé aucune inscription. Parmi les ruines de Pompéi, on peut voir une peinture murale de Narcisse, le beau jeune homme qui, selon la mythologie, s’éprit tellement de sa propre image en se regardant dans les eaux d’une fontaine, qu’il lui devint impossible de s’arracher à la contemplation de cet autre lui-même. Oublieux de son passé, indifférent au présent, il ne se préoccupait aucunement de l’avenir. Un mythologue affirme que même pendant le passage du Styx, après sa mort, Narcisse demeura penché sur le bord de la barque pour admirer ses traits.

L’ambition

Rechercher l’épanouissement de sa personnalité, voilà l’ambition la plus noble. Elle est le fait de l’homme qui, après avoir pesé ses talents, ses goûts, ses aspirations, les nécessités de la carrière commerciale, libérale ou scientifique qu’il veut choisir, se met en frais de perfectionner ses aptitudes pour mieux atteindre son but. On ne saurait imaginer tout ce que l’on peut faire avec des possibilités simples et sans apprêt, si elles sont guidées par une détermination indomptable et le bon sens.

Quel est votre premier et véritable but dans la vie ? Le métier que vous choisissez influera sur vos relations avec le monde. Le seul fait de choisir vous munit déjà d’un plan d’action miniature, qui servira à vous encourager et à vous aiguillonner, à vous exciter à faire ce qu’il faut et à vous éloigner des fausses pistes.

Se réaliser, donner toute sa mesure, ce n’est pas toujours atteindre l’apogée de la perfection. La perfection pour l’arbre qui naît sur le flanc rocheux d’un coteau consiste à faire tout ce qu’on peut attendre d’une telle plante compte tenu du sol et du milieu où elle croît. Que cet arbre soit miséreux, tiraillé par la faim, battu par la tempête, dépouillé de son écorce, rabougri même, peu importe s’il parvient à être le meilleur arbre possible dans les circonstances.

Le désir de réussir doit s’appuyer sur deux facteurs, au moment de l’entrée dans le monde du travail : ce que l’on a à offrir et ce que l’on est disposé à faire pour en améliorer la qualité. Au cours des trente années qui vont suivre, le jeune homme ou la jeune fille seront appelés à vendre environ soixante-dix mille heures de leur temps ou de leurs efforts. Le produit qu’ils en retireront dépendra essentiellement du réalisme et de la résolution avec lesquels ils exploiteront ces deux facteurs.

Etes-vous pratique ? Au lieu de se servir de leur imagination pour atteindre quelque chose de grand et d’accessible, certains se contentent de passer leur temps à se débattre et à gémir sur ce qu’ils appellent leur « mauvais sort ». Ils appartiennent à cette espèce de gens qui, sachant qu’ils vont faire naufrage et vivre sur une île déserte, emporteraient avec eux une caisse de petits romans et d’illustrés pour se distraire. L’homme réaliste demanderait plutôt du papier et des crayons.

Les véritables valeurs

Les personnes douées de discernement savent distinguer entre ce qui plaît à la masse et ce qui a réellement de la valeur. Pour elles la plupart des plaisirs que recherche le commun des hommes sont vains, pour ne pas dire ennuyeux et pénibles.

Qui dit discernement, dit choix, préférence de ce qui est le meilleur. C’est l’art d’apprécier ce qui pourrait être plutôt que ce qui est. Il faut rechercher les possibilités, mépriser la médiocrité, rejeter la camelote. Que vous vous intéressiez à la poésie, aux sciences ou aux affaires, il vous est toujours loisible de vous mettre à l’école des plus grands esprits et de rechercher en tout la plus haute qualité.

Tout dans votre vie n’est-il pas fonction de ce que vous choisissez comme norme de succès ? Ne craignez donc pas de viser haut.

Quand vous vous démenez pour faire de l’argent, obtenir une place ou étendre votre pouvoir, vous devez lutter contre de nombreux concurrents, mais lorsqu’il s’agit de réaliser votre propre personnalité, afin de donner à la vie son maximum d’efficacité, il n’existe pas de concurrence extérieure. Le bien suprême que vous recherchez est quelque chose qui vous appartient en propre et dont il n’est pas facile de vous déposséder.

Il est possible d’ajouter beaucoup à son bonheur, a dit un grand philosophe allemand, si l’on sait reconnaître au moment opportun la vérité élémentaire selon laquelle la vie de chacun est réellement et principalement en lui-même et non pas dans l’opinion des autres. Nous devons avoir le courage d’être ce que nous sommes et de suivre la route que nous avons arrêtée.

Tout cela présuppose de l’activité d’esprit. Mais n’allons pas confondre cette qualité avec l’accumulation de connaissances fragmentaires ou l’emmagasinage de détails techniques. Elle exige d’abord le choix d’un idéal, qui nous servira de norme pour juger de façon critique de la valeur des choses.

Une question qu’il est bon de se poser de temps en temps est celle-ci : « Jusqu’à quel point me suis-je rapproché de ce que je devrais être à l’heure actuelle ? » Il n’y a rien de tel pour faire le point. Cette question nous rappellera aussi que, même s’il n’y a aucune raison pour qu’un homme ne puisse trouver tout le bonheur dont il est capable, il faut sans cesse faire un effort pour l’atteindre.

La recherche du bonheur

Le bonheur est quelque chose de personnel et dont les principaux éléments sont le travail, les centres d’intérêt, l’amitié, l’idéal et la santé.

Il n’est pas nécessaire de suer la gaieté par tous les pores pour être heureux. On peut être heureux en profondeur. C’est le bonheur le plus durable, celui qui nous suit dans tous les âges, comme dirait Montesquieu.

Pour tirer tout le parti possible de la vie, il faut travailler de son mieux, choisir avec le plus grand soin des activités secondaires pour occuper ses loisirs et résoudre ses problèmes de la meilleure façon possible. Le superlatif désigne ici la plus grande perfection compatible avec nos talents. Il s’agit plutôt de ce que nous donnons à la vie que de ce que nous lui ravissons.

Une vie riche et bien remplie ne s’évalue pas en argent, en puissance ou en prestige. On ne peut pas dire non plus qu’une telle vie consiste à acquérir la notoriété, car la gloire n’est qu’un grand nom pour désigner notre démangeaison de faire parler de nous. La vie pleine, ainsi que l’écrit Renan dans ses Souvenirs d’enfance, c’est le dévouement à un rêve ou à un devoir. On ne saurait trouver meilleure formule de succès et de bonheur.

Il n’y a ni feinte ni comédie dans une pareille existence. On n’y vit pas pour plaire aux autres ou pour épater la galerie, mais pour faire chaque soir l’examen critique de soi-même. Et notre moi, notre conscience ne s’embarrasse guère de ce que disent de nous les personnes de notre entourage pendant la journée. Ces gens n’ont pas qualité pour juger de nos obligations et de nos buts, et, si nos principes sont élevés, nous n’avons pas à nous soucier de leurs critiques tatillonnes.

Ce qu’il importe d’éviter, c’est la tournure d’esprit qui consiste à toujours chercher quelque chose contre quoi se défendre. Pour envisager l’avenir avec confiance et d’une manière positive, il faut pouvoir passer résolument de la vie en vase clos du foyer et de l’école à la vie trépidante du monde du travail. Après avoir bien réfléchi à la direction que vous voulez prendre, mettez-vous en route hardiment. Parvenu aux rives du Rubicon avec une petite armée d’infanterie et de cavalerie, César, dit-on, s’arrêta pour considérer l’ampleur de son entreprise. Puis, ayant pesé les difficultés et les avantages, il s’écria : « Alea jacta est ;! » (Le sort en est jeté !) et franchit le Rubicon avec ses troupes pour s’emparer de Rome.

En quoi consiste le caractère

Tous les préceptes examinés jusqu’ici contribuent à la formation du caractère. Avoir du caractère, c’est avoir de la force d’âme, de la volonté, de la fermeté. L’homme de caractère n’a pas nécessairement bon caractère, mais il déteste la cruauté et la violence, méprise la mollesse et a horreur de ceux qui s’élèvent en montant sur le dos des autres. Il reconnaît l’éminente dignité du devoir, de la loyauté, de la solidarité, de la collaboration et de toutes les autres vertus qui rendent la vie sociale possible et même agréable. Il a du goût, faculté qui fait préférer instinctivement et instantanément un objet à un autre sans aucune raison apparente.

Ces qualités sont indispensables pour tirer tout le parti possible de la vie. Elles sont à la base de l’épanouissement de l’homme tout entier et de l’harmonisation de toutes ses facultés.

Pour vivre pleinement sa vie, il est nécessaire d’avoir de nombreux centres d’intérêts, de ménager des issues variées et multiples à son énergie et à ses possibilités. Celui qui n’a pas la sagesse de diversifier ses activités et ses préoccupations mènera une vie médiocre et monotone, et connaîtra tôt ou tard le dégoût ou l’ennui.

Voyez les gens qui végètent dans les affaires. Ne sont-ils pas des hommes qui se sont enfermés dans leurs occupations immédiates ? Ils ne songent jamais à ce qu’ils devraient savoir ou faire pour se préparer à leur prochain pas en avant. Ils regardent les faits isolément ou par deux ou trois à la fois, mais leur vue faiblit et s’embrouille dès qu’ils essaient d’embrasser dans ses grandes lignes la multitude des éléments dont se compose une situation à venir.

Si vous êtes bien formé, vous ferez tout ce que vous entreprendrez avec enthousiasme, jugement, imagination et assurance.

Vivre sans enthousiasme, c’est vivre à moitié, se contenter de subsister. Cette qualité extraordinaire de l’homme, ce « dieu intérieur qui mène à tout », comme l’appelait Pasteur, n’est-elle pas l’idéal descendu sur terre pour lutter avec le réel. C’est l’élan du coeur qui permet de vaincre les obstacles et le train-train quotidien.

Si votre enthousiasme se heurte un jour ou l’autre à un mur inébranlable, faites appel à votre sens des valeurs. Vous aurez ainsi l’occasion de mettre vos principes à l’épreuve, d’accorder la priorité à ce qui est essentiel, de sacrifier un bien moindre à un bien plus grand. Tant que vous n’avez rien perdu de ce qui compte vraiment dans votre vie, continuez avec le même entrain de vous attacher aux choses importantes.

Servez-vous de votre imagination

Il est bon de cultiver son imagination si l’on ne veut pas passer sa vie à peiner, mais encore faut-il être capable de rêver sans se laisser gouverner par ses rêves. L’imagination n’est pas un refuge destiné à adoucir la vie, mais bien plutôt une force qui tend à la rendre plus riche et plus abondante. C’est la faculté qu’a l’esprit de combiner des idées d’une infinie variété en se représentant des faits anciens et en les rattachant à des situations nouvelles.

Notre imagination exigera parfois une certaine mise en train. On ne saurait la laisser inactive pendant longtemps, puis y avoir recours dans un moment difficile. Ce qui fait la différence entre l’homme qui va de l’avant et le routinier, c’est que le premier n’a jamais cessé de faire travailler son imagination. Sans doute le souffle de l’inspiration est-il important, mais on peut toujours accroître la certitude qu’il se produira en ajoutant sans cesse à la collection d’idées où puisera l’imagination. L’idée géniale, la trouvaille surgira dans votre esprit si vous avez pris soin d’observer, d’étudier avec persévérance, de réfléchir sérieusement et de chercher un lien entre ce qui existe et ce qui n’est pas encore inventé.

Que votre esprit demeure accueillant aux idées nouvelles. Lorsqu’une idée nouvelle se présente, elle semble parfois timide et mal dégrossie ; il nous appartient alors de l’encourager et d’en arrondir les arêtes. Même s’il ne s’agit que d’une toute petite idée, ne la méprisez pas. Reportez-vous aux années passées et vous constaterez que vos idées vraiment importantes ont d’abord été bien modestes, peut-être même de vagues velléités.

Le plaisir le plus noble, le plus varié et le plus durable est celui de l’intelligence qui, jouant en quelque sorte avec les idées, en arrive à leur donner une forme que personne encore ne connaissait.

On dit que ceux qui donnent libre cours à ce genre de puissance créatrice sont des non-conformistes et que la différence qui les distingue des autres réside dans leur esprit et non pas nécessairement dans leur comportement extérieur. Si un homme semble marcher à contre-pas de ses semblables, c’est peut-être, comme le disait Henry Thoreau qu’il « n’écoute pas le même tambour. Qu’on le laisse donc suivre la musique qu’il entend, si scandée ou si lointaine soit-elle. »

Mais l’originalité authentique ne consiste pas à tomber dans les extravagances de mise ou de conduite. L’excentricité du comportement ou du costume permet certes de se faire remarquer, mais pour quelle raison valable ? Le culte de la singularité fait croire que vous voulez donner une certaine idée de vous-même. Ne vaudrait-il pas mieux chercher à être quelque chose ou quelqu’un ?

Au lieu de travailler à accroître leur savoir personnel et leur compréhension, en vue de tirer le maximum de profit de leur vie, certains jeunes gens passent leur temps à assister à des congrès et à se produire dans des réunions, où ils se plaignent qu’on ne leur accorde pas assez d’attention. Comment l’habitude de s’écouter, de ne penser qu’à soi et de se donner en spectacle peut-elle contribuer à remplir une vie ?

Ce genre d’attitude est bien différent de la calme assurance de l’esprit pratique qui cherche à extraire de la vie tout ce qui s’y trouve de beau et de bon. Il connaît les difficultés, mais il ne recule pas devant elles. C’est un homme qui ne compte pas sur les autres, qui ne craint pas de regarder la réalité bien en face et qui n’a pas besoin de se faire remonter à tout bout de champ.

La vie intense

Le jeune homme qui veut réussir dans la vie ne doit pas rechercher le confort, mais la possibilité d’exercer ses talents. Le désir d’aller oeuvrer au loin, dans la gêne et l’inconfort, n’est pas donné à tout le monde, mais tous ceux qui tentent d’accomplir quelque chose savent bien qu’il est impossible de mener une vie vraiment utile et heureuse si l’on refuse de participer à la vie qui bat autour de soi.

L’indolence est un état fort déplorable. Il faut agir pour être heureux. L’effort et la lutte contre les difficultés sont aussi naturels chez l’homme que l’instinct de creuser le sol chez les animaux fouisseurs. Il deviendrait vite intolérable de voir tous nos besoins satisfaits. Ce serait la négation de toute vie féconde.

On se rappelle l’allocution célèbre que prononçait Théodore Roosevelt, à la fin du siècle dernier, sur la nécessité de l’effort. « Je veux prêcher, disait-il, non pas la doctrine de l’ignoble oisiveté, mais la doctrine de la vie intense ; de la vie d’effort et de fatigue ; de la vie de labeur et de lutte ; prêcher cette forme supérieure de succès qui n’est pas accordée à l’homme qui ne désire qu’une tranquillité facile, mais à l’homme qui ne recule pas devant le danger, les difficultés ou le travail ardu, et qui en triomphant de ces obstacles remporte la grande et suprême victoire. » Aujourd’hui, à soixante ans d’intervalle, les gens qui réfléchissent encore croient plus que jamais qu’il est nécessaire de revenir aux principes énoncés par Roosevelt si nous voulons que la vie vaille la peine d’être vécue.

L’absorption de l’homme moderne dans l’aisance et les plaisirs passagers est l’un des signes les plus évidents, sinon les plus inquiétants, de notre décadence actuelle ou imminente. On dit que quelqu’un « se repose sur ses lauriers » lorsqu’il abandonne ses efforts après avoir mérité une couronne, une médaille d’or ou un avancement quelconque. Pourtant, un prix n’est que la récompense d’un succès passé. Renoncer à toute ambition une fois que l’on a atteint un palier, c’est accepter l’amoindrissement de notre qualité même d’être humain.

« Le confort, écrit le poète libanais Kahlil Gibran, est une chose furtive qui entre dans la maison en invité, puis devient un hôte, puis enfin un maître. » Veillons à le démasquer avant d’apprendre à trop le chérir.

Tenir bon

Les difficultés dont s’accompagne le succès sont plus agréables que celles qu’entraîne l’échec, mais elles n’en sont pas moins réelles pour cela. Pour réussir à résoudre un problème, quel qu’il soit, il faut peser les possibilités, laisser de côté les détails inutiles, déceler les règles générales qui président aux événements et soumettre ses décisions à l’épreuve de l’expérience.

Tous les éléments d’un problème ne sont pas d’égale valeur. Certains sont importants dans votre situation, d’autres ne le sont pas. Il est nécessaire de pénétrer à l’intérieur de son problème, d’en palper les contours, afin d’y mettre de l’ordre et d’en déterminer les dimensions. Cela vous évitera l’inconvénient des solutions trop hâtives, qu’il faut ensuite contrôler en revenant sur ses pas. Le seul fait de travailler avec calme et méthode vous donnera de l’assurance.

Il y aura fatalement, dans votre vie, des jours et des tâches dont vous serez mécontents. On ne peut pas tout réussir parfaitement, mais on peut apprendre à tirer parti de l’échec, à profiter des erreurs. Le chercheur scientifique ne s’attend pas à ce que chacune de ses hypothèses se révèle exacte.

Ne vous laissez pas décourager facilement dans les efforts que vous faites pour trouver la satisfaction dans la vie. Beaucoup abandonnent la partie trop tôt. Ils sont comme les lotophages (mangeurs de lotus) dont parle l’Odyssée et qui, paresseusement allongés sur le rivage, se nourrissaient d’un fruit, doux comme le miel, ayant pour effet de faire perdre aux voyageurs tout intérêt pour le travail et tout désir de revoir leur patrie. Ce qui est le plus grave dans la vie, ce n’est pas d’échouer, c’est de ne pas essayer de réussir ; de se complaire dans un demi-jour terne, qui n’est ni la clarté ni l’obscurité, ni la victoire ni la défaite.

Il va sans dire que l’on ne pourra pas toujours tout faire de gaieté de coeur ; il faudra même parfois vous réjouir de penser que votre bonheur est d’avoir échappé à un malheur. Peut-être en arriverez-vous, comme Robert Louis Stevenson, à vous affranchir de toute pitié envers vous-même. Il était d’une santé si fragile qu’il dut quitter son foyer et s’en aller dans des pays lointains. L’un de ses essais est intitulé Du charme des lieux désagréables.

Que vos préparatifs en vue de donner le maximum d’utilité à votre vie soient à la mesure de vos aspirations et de la grandeur de votre entreprise. Soyez bien assuré qu’il n’y a pas de billet de faveur pour accéder à une vie pleine. Mais si l’effort que vous faites semble fastidieux et ingrat, rappelez-vous votre but et l’objet de vos désirs, et les contrariétés de la vie quotidienne vous paraîtront sans importance.

Ce sont là quelques éléments d’une vie bien équilibrée, mais la vie ainsi compartimentée perd son attrait et sa joie. La vraie vie n’est pas dans la sécheresse des abstractions ni dans le formalisme des préceptes ; vous la trouverez enrobée dans la forme vivante et concrète de votre propre personnalité après avoir compris et fait vôtres tous ces principes.

Alors, vous pourrez, chaque soir, envisager le lendemain avec sérénité et dans l’expectative, car chacune de vos journées aura été pleinement vécue.