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Nous sommes si occupés à surveiller tous nos économiseurs de temps que nous n’avons presque plus le loisir de faire autre chose. Nous sommes tellement submergés par les nouvelles et les opinions des autres que nous ne trouvons guère l’occasion d’exprimer nos propres idées.

Le présent Bulletin voudrait vous inviter à secouer un moment ce joug des personnes et des choses, et à diffuser vos idées à vous par le truchement de la lettre. Écrire des lettres, c’est à la fois amusant, utile et facile !

Ceux qui écrivent des lettres n’aspirent pas à la renommée réservée presque entièrement de nos jours aux auteurs de romans. Il reste cependant qu’ils communiquent plus d’idées et atteignent plus de personnes en une semaine que ne le font les romanciers en une année. Ils incitent plus de gens à agir et sont une source de satisfaction pour un plus grand nombre de lecteurs. Ils expédient les affaires de la nation. Pour eux, il n’y a ni médaille du Gouverneur général ni subvention du Conseil des arts. Mais ils ont le sentiment d’être utiles et la consolation de contribuer ainsi à l’expression de leur personnalité.

La lettre bien écrite ne se fait pas remarquer comme telle. Elle est centrée sur trois éléments principaux : l’auteur, le message et le lecteur. Tout ce qu’il faut, c’est d’avoir quelque chose à dire, de savoir à qui on va le dire, puis de présenter ce qu’on a à raconter d’une façon agréable. Ceci vaut pour la correspondance privée comme pour les lettres d’affaires.

Beaucoup de personnes qui regrettent de ne pas être de brillants causeurs trouveront une compensation dans la correspondance. C’est Samuel Johnson qui a dit : « Personne n’est aussi sot que Goldsmith quand il n’a pas la plume à la main ni plus intelligent que lui lorsqu’il écrit. » Napoléon était un orateur plutôt frustre, mais il a su acquérir un style rapide, vigoureux et lucide qui l’a placé parmi les grands épistoliers.

La correspondance familiale

L’information n’a qu’un rôle secondaire dans les lettres destinées aux membres de sa famille. Il s’agit ici d’une conversation naturelle et spontanée, qui peut contribuer pour beaucoup à assurer la cohésion de la famille à notre époque de dispersion prématurée et générale de cette société fondamentale. Il n’y a rien de si doux au monde qu’une lettre imprégnée de sentiments familiaux. Elle augmente les joies et soulage les peines.

La lettre que s’écrivent les membres d’une famille porte le plus souvent sur des banalités. Elle parle des faits du jour, des distractions et des nouvelles connaissances. Comme les conversations d’un thé, elle est remplie de propos sans importance.

Mais elle a aussi de la consistance. Comme le disait Hélène à Ménélas : « Raconte-moi les aventures qui ont marqué ton retour de Troie. Je ne gagne rien à les connaître, mais, parce que tu m’es cher, je veux partager tout ce que tu as éprouvé. »

La gaieté et l’esprit ont leur place dans la lettre familiale. On peut très bien y évoquer les jours heureux d’autrefois. Tout comme celle de la Fée bienfaisante, au théâtre, son arrivée suffit parfois pour arranger les choses.

Les lettres d’affaires

En ce qui concerne les lettres d’affaires, vos fonctions vous obligent à en écrire ; pourquoi cela ne deviendrait-il pas une tâche agréable ?

Vous avez dans votre travail autant de possibilités d’être original, de convaincre et d’appliquer les règles de la logique que quiconque est appelé à écrire.

La lettre d’affaires doit viser à rendre service. Elle doit avoir quelque chose d’important à dire. Son effet est instantané ; elle met en cause et le scripteur et le lecteur. L’affectation et les subtilités n’y sont pas de mise.

Selon un des meilleurs auteurs de manuels de correspondance commerciale, il y a sept règles à suivre dans la lettre d’affaires : (1) réunir tous les faits ; (2) dire ce que l’on pense ; (3) ne pas prendre une éternité pour le dire ; (4) écrire en termes polis ; (5) centrer son message sur le lecteur ; (6) y mettre une note d’amitié et d’humanité ; (7) songer qu’il y a « tact » dans le mot « contact ».

Si vous tenez compte de ces conseils, votre lettre sera peut-être considérée comme un petit chef-d’oeuvre, ce qui n’est pas désagréable. Mais vous saurez, vous, qu’elle est le fruit de la réflexion et du travail.

Sachez de quoi vous voulez parler. Ne comptez pas uniquement sur l’appellation « Monsieur » pour vous apporter l’inspiration. Vous ne gagnerez la confiance de votre lecteur qu’en démontrant clairement que vous connaissez votre sujet.

Jamais une lettre d’affaires ne doit donner l’impression qu’elle a été écrite pour une personne d’un niveau intellectuel inférieur. Faites la gentillesse à votre lecteur de le traiter comme s’il était au-dessus de la moyenne.

La principale qualité de la lettre d’affaires est d’être claire, et cela suppose l’emploi d’un langage adapté aux circonstances. Rappelez-vous la colère que fit une Reine parce que son premier ministre s’adressait à elle comme s’il parlait devant une assemblée publique.

Si vous croyez que la lettre que vous venez de dicter est indigeste ou obscure, appelez votre secrétaire et faites-lui-en la lecture à haute voix. Le style coule-t-il facilement ? Est-elle dans la note voulue pour votre lecteur et le but que vous recherchez ? Touche-t-elle les points que vous voulez signaler sans verbiage inutile ?

Il n’y a pas de raison pour que les lettres d’affaires n’aient pas un certain cachet d’aménité. Certaines des lettres les plus efficaces sont celles qu’on n’est pas du tout tenu d’écrire. Ce sont les notes de remerciements, les mots de félicitations pour un travail bien fait, les bons souhaits à l’occasion des anniversaires privés ou d’affaires et des jours de fête. Certaines entreprises, connaissant la valeur des lettres, demandent à leur personnel de trouver des prétextes opportuns pour écrire même si les affaires courantes n’ont rien à y gagner.

L’entrée en matière

Ce qui importe d’abord, dans les lettres privées comme dans les lettres d’affaires, c’est de captiver l’attention du lecteur. La méthode que suit ordinairement Shakespeare dans ses pièces est de commencer par une courte scène qui est pleine de vie et d’émotion ou qui frappe l’auditoire de quelque façon. Puis, s’étant ainsi assuré l’attention du public, il poursuit le récit à un rythme plus lent, où il y a peu d’action mais beaucoup d’information. Jules César s’ouvre sur une foule en ébullition. Après que ce stratagème a exercé l’effet désiré sur les spectateurs, l’auteur présente de calmes dialogues où se révèle la cause du tumulte.

Mme de Sévigné, si célèbre par ses lettres au XVIIe siècle, commence ainsi l’une de ses missives : « Je m’en vais vous mander les choses les plus étonnantes, les plus surprenantes, les plus merveilleuses… », et ainsi de suite avec une quinzaine d’autres épithètes aussi vibrantes.

Où allez-vous trouver des idées, soit pour le début, soit pour le corps de la lettre ? Prenez une feuille de papier et notez les questions qui vous paraissent intéressantes. Une bonne douzaine surgiront dans votre esprit sans trop de difficulté.

À Télémaque, fils d’Ulysse et de Pénélope, qui appréhendait de parler à Nestor, Athéna donnait ce conseil : « Tu trouveras de toi-même certaines paroles, les dieux t’en inspireront d’autres ». Homère recueillit la poésie orale des aèdes grecs et en tira l’immortel chef-d’oeuvre de l’Odyssée ; mais il sut la rendre sienne en l’exprimant dans ses propres mots.

Si vous ne savez plus quoi écrire à un certain moment changez de point de vue. Le photographe ne constate-t-il pas qu’il suffit de se déplacer d’un pas pour modifier l’image qui apparaît dans son viseur ? Essayez aussi de penser d’une façon originale. C’est là ce qui fait l’art d’écrire des lettres. Sur des thèmes anciens greffez des considérations nouvelles.

Ne dédaignez pas l’accessoire. Dans un film, les figurants ne sont pas vraiment indispensables à l’intrigue, mais, comme les menus propos dans les lettres, leur rôle est très utile pour donner le sentiment de la réalité.

Si la lettre d’affaires doit suivre un ordre assez rigoureux, il convient que la lettre d’amitié saute, comme une conversation familière, d’idée en idée. Elle sera surtout sincère, sachant discerner à la fois les larmes qu’il y a au fond des choses et les rires qui en sont à la surface.

On peut affirmer sans ambages qu’écrire une lettre sera une corvée ennuyeuse si l’on en reste au style enfantin du fils qui raconte à son papa absent une visite au cirque avec l’oncle Jean. Et songez combien elle sera assommante pour le lecteur.

Évoquez dans vos lettres les choses agréables de la vie, et évitez de faire le pénible récit de vos maux. Si vous parlez trop souvent de vos peines et de vos épreuves, votre correspondant en conclura que vous vous y délectez, ou à tout le moins que vous éprouvez du plaisir à les raconter.

La lettre mérite du soin

« Et le style ? » demandera-t-on. Point n’est besoin de vous préoccuper d’acquérir un style si vous pensez à votre lecteur, si vous traitez d’un sujet qui l’intéresse, si vous exprimez vos pensées clairement et si vous avez du goût.

Cela ne veut pas dire que l’on peut se permettre d’être négligent. Il est injuste envers la personne à qui vous écrivez de supposer qu’elle ne s’attend pas à ce que vous fassiez de votre mieux. Votre succès dépend pour beaucoup de l’enchaînement de vos idées. Il faut savoir puiser à la fois dans l’histoire et dans son imagination ; choisir les fragments et les couleurs à utiliser ; puis, ce qui est très important, savoir relier le tout.

Écrivez avec clarté et vigueur, utilisant beaucoup de verbes actifs. Exprimez-vous de façon que votre lecteur ait le moins d’excuses possible pour ne pas comprendre. Peut-être ne sera-t-il pas d’accord avec vous, mais au moins dites clairement ce que vous avez à dire.

Efforcez-vous d’exposer votre pensée et non pas d’en imposer par vos vues. Il existe aujourd’hui un certain penchant pour le style imagé, mais cela ne favorise pas plus la communication des idées que le travail des moines qui enjolivaient autrefois les lettres de leurs manuscrits avec tant d’ornements que la lecture en était laborieuse.

Si vous recevez une réponse obscure à votre lettre, reportez-vous à ce que vous avez écrit. Peut-être vous êtes-vous mal exprimé ? Les meilleurs auteurs se laissent prendre en défaut. Napoléon écrivait à l’un de ses officiers : « J’ai reçu votre lettre. Je n’en comprends pas un mot. Je n’ai pas pu m’expliquer clairement. »

Un impérieux devoir de celui qui écrit des lettres est d’éliminer les phrases ternes, banales et difficiles à saisir. Vous constaterez que plus vous vous appliquerez avec sérieux à expliquer quelque chose, plus votre langage sera simple. L’homme difficile à lire est celui qui se dit « n’importe quoi fera l’affaire pourvu que je m’en débarrasse ».

La clarté a aussi un autre avantage. Plus votre lettre sera claire, mieux vous comprendrez vous-même. Ne vous êtes-vous jamais arrêté à penser combien la phrase que vous venez d’écrire a contribué à élucider la question dans votre esprit ?

Les lettres sont des mots

Il y a un proverbe chinois qui dit : « Une image vaut mille mots ». Mais dans mille mots on peut faire entrer le Pater, le Sermon sur la montagne, le Serment d’Hippocrate, un sonnet de Shakespeare et la Grande Charte … et aucune image au monde ne peut les remplacer.

Dans la correspondance privée, nous employons les bons mots familiers, mais qu’il s’agisse de lettres d’affaires ou de lettres personnelles, celles-ci doivent se composer de mots qui transmettent au lecteur ce que nous avons dans l’idée.

Les mots enjoués et audacieux, qui n’ont pas leur place dans les bureaux, sont parfois exactement ce qu’il faut pour illuminer la vie d’un ami, alors que les mots sérieux et les graves réflexions des affaires n’ajouteraient rien à l’amitié familiale.

Lorsque vous traitez d’un sujet sérieux, n’oubliez pas que les mots ne sont, après tout, que des moyens imparfaits pour dire ce que nous pensons, et tentez d’utiliser le meilleur terme possible, et non pas un équivalent quelconque que vous connaissez mieux. Les dictionnaires de synonymes sont ici très utiles.

Il n’est pas nécessaire de posséder un énorme bagage de mots rares et ténébreux, dont chacun compte plusieurs syllabes. Le français, comme l’anglais d’ailleurs, possède un terme aussi lourd que long : in-com-pré-hen-si-bi-li-té, qui désigne exactement ce qui ne doit pas se trouver dans nos lettres.

La brièveté

Une opinion assez répandue actuellement veut qu’il suffise de couper pour tout arranger, et que plus une lettre est courte, mieux c’est. Cela ne résiste pas à l’examen. Un style condensé comme celui qui caractérise certaines revues est beaucoup plus difficile à suivre d’une façon intelligente, que celui, plus coulant, des journaux.

Beaucoup de raccourcis produisent le contraire de ce que l’on espérait. Il oblige le lecteur à perdre son temps. La seule façon honnête d’écrire brièvement, en matière de correspondance, est de choisir des mots forts et solides, de façon à aider le lecteur à comprendre.

Etre bref, ce n’est pas faire comme un avare qui rédige un télégramme. Hacher les choses en morceaux pour le plaisir de raccourcir fait songer aux terribles forfaits de Procuste. Ce brigand de l’Attique attachait ses victimes sur un lit de fer et leur coupait les pieds quand ils dépassaient le lit. La plupart du temps, il est plus important d’être poli et clair que d’être bref, même si cela exige plus de mots.

S’il s’agit d’une lettre d’affaires, on pourra lui donner plus de vigueur et d’élan, et même en rendre le but plus évident, en omettant tout ce qui est sans rapport avec le sujet.

La condensation des idées doit se faire avec jugement et intelligence. Certaines choses méritent d’être écrites tout au long à cause de leur valeur littéraire. Celui qui est esclave de la concision à tout prix réussira peut-être à résumer en une dizaine de mots l’un des grands exploits du siège de Troie : « Achille poursuivant Hector fit trois fois le tour de la ville. » Mais il lui faudra sacrifier l’émouvant chant XXII de l’Iliade.

D’autres questions doivent être exposées presque au complet en vue d’éclaircir un sujet obscur. D’autres encore ont besoin de développement pour atteindre leur but : si vous voulez décrire chacune des pièces de votre maison, c’est le nombre de pièces qui décidera de la longueur de votre lettre.

Rappelez-vous que la plupart des lettres d’affaires ont pour objet de dire au lecteur ce qu’il veut savoir, et non pas tout ce qui concerne le sujet. Un visiteur de l’Expo ayant demandé l’heure au Pavillon de la Suisse, le préposé lui raconta comment une montre est faite.

Lorsque votre lettre est finie, arrêtez-vous. Ne faites pas comme le romancier qui doit soigner son dernier chapitre et régler le sort de ses personnages. Ne cherchez pas à tourner une conclusion pathétique et fleurie. Cela ne servirait qu’à dresser une barrière entre le véritable objet de votre message et votre nom.

L’intérêt du lecteur

Parlez de ce qui intéresse votre lecteur. Étudiez la nature des émotions humaines et essayez d’en faire vibrer la corde. Le jour où vous aurez appris à le faire avec aise et élégance, vous serez un bon rédacteur de lettres.

Posez certaines questions qui fourniront à votre correspondant un point de départ pour sa prochaine lettre. Exprimez une idée exhaltante ou répondez à une idée de ce genre émise par votre correspondant. En parlant d’un événement, décrivez-le comme la personne à qui vous écrivez l’aurait vu si elle avait été à votre place.

Éclairez ce que vous écrivez avec le flambeau de l’imagination. Peut-être ne traitez-vous que d’une seule chose, mais vous pouvez tirer des images, pour le faire, de l’expérience de votre vie toute entière. Comme nous devons paraître terre à terre lorsque nous parlons des événements avec des phrases usées au lieu de le faire avec fraîcheur et une pointe de fantaisie.

Toute composition suppose un certain dosage des lumières et des ombres. Le sculpteur le réalise par la nature du relief. Le peintre le crée par son choix des couleurs. Le musicien dispose de la gamme du pianissimo au fortissimo et de ses multiples variations. Celui qui écrit des lettres choisit ses mots de façon à ciseler, à représenter et à agencer sa pensée par le contraste de leur force et de leur douceur.

Une chose qui se révèle très importante en définitive est la courtoisie. Les dictionnaires nous disent qu’elle est faite « de politesse raffinée, d’affabilité, de civilité et de savoir-vivre ».

Soyez calme, courtois et correct. Il est pénible de répondre à certaines lettres parce qu’elles tendent à éveiller notre colère, et c’est une grave erreur que de manifester de la mauvaise humeur dans une lettre. Ayez présent à l’esprit l’exemple du galant homme du XVIIIe siècle. Il ne se départissait jamais de sa politesse mesurée, d’une part parce que la bienséance lui en faisait un devoir envers autrui et d’autre part parce que sa dignité personnelle lui en faisait un devoir plus impérieux encore envers lui-même.

Ne pas forcer son talent

Se préoccuper de trouver de brillantes idées littéraires est un obstacle au succès dans la rédaction des lettres. N’ayez pas honte de vos ratures : le lecteur ne va pas examiner votre prose à la loupe. Un homme d’affaires allait même jusqu’à faire à dessein des erreurs, afin de pouvoir faire des corrections au stylo et de rendre ainsi sa lettre incontestablement personnelle.

Éviter de faire du chichi, ce n’est pas négliger les choses importantes, mais simplement ne pas s’éterniser sur des bagatelles, comme ceux qui arpentent leur bureau pour trouver le mot parfait, l’unique mot parfait. Dans un ouvrage d’Albert Camus, un homme travaille à un livre depuis 30 ans, sans n’avoir fait jamais plus que polir un magnifique premier paragraphe.

Vous n’écrivez pas un traité savant. Il peut y avoir une demi-douzaine de bourdes dans votre lettre sans que personne ne vous donne des coups sur les doigts. Ce qui importe, c’est que votre lettre intéresse le destinataire et l’informe de ce qu’il veut savoir et de ce que vous voulez lui dire. Poussé à l’excès, le polissage finit par estomper le dessin.

Quand écrire ?

Il est d’usage courant dans les affaires d’écrire dès que l’occasion se présente, mais nous sommes moins soigneux dans la correspondance privée. Beaucoup de bonnes lettres restent inécrites faute du vigoureux esprit de détermination qu’il aurait fallu pour les écrire.

C’est malheureux, car les lettres familiales et d’amitié ont tellement d’importance. Il n’est pas nécessaire d’attendre qu’un événement sensationnel se produise. Les faits spectaculaires sont chose plutôt rare pour la femme dans sa cuisine comme pour l’homme dans son jardin ! Il suffit d’avoir assez de discernement pour se dire : « Un tel serait heureux de savoir ceci », puis de s’asseoir et d’écrire. Chassez de votre esprit l’éternel excuse : « J’attends l’inspiration ». C’est avouer que l’on manque d’imagination, d’intérêt et de jugeote.

La lettre d’amitié doit apporter une bouffée de détente et de fraîcheur. Couchez le sablier sur le côté afin que le temps suspende son vol.

Écrire une lettre à un ami dans ces dispositions sera pour vous une précieuse expérience émotive. Nous sommes des êtres sociaux et nous nous sentons mieux lorsque nous communiquons nos pensées aux autres. C’est probablement là le secret des sonnets de Shakespeare. Il affirme que le souvenir de son ami lui faisait accepter la vie, mais le fait d’écrire ses sonnets lui permettait probablement de mieux atteindre ce but encore que son ami lui-même.

Écrire une lettre est un moyen de s’élargir l’esprit. Cela permet de préciser nos vues et de découvrir de nouveaux aspects des choses ; en remuant nos idées, la lettre contribue à les mettre en ordre. Écrire à un ami au sujet d’une lecture, c’est rafraîchir nos connaissances et les graver mieux encore dans notre esprit en signalant les passages qui nous ont frappés dans nos propres mots.

Le choc brutal et quotidien des grands moyens d’information nous maintient continuellement en état d’alerte. La publicité nous empoigne par le revers de nos vêtements en nous criant dans les oreilles ses arguments de vente. L’instabilité mondiale nous tord les poignets avec des menaces de guerre et d’inflation.

Au milieu de cette tourmente, la moindre accalmie est toujours bien accueillie. La lettre agréablement potinière d’un ami incite à la tranquillité d’esprit, et nous ne devons pas avoir honte de nous en réjouir ni hésiter à en écrire de semblables.

En vous installant pour écrire, ayez cette pensée : « Je veux écrire une lettre comme celle que j’aimerais recevoir ». Étalez ensuite vos idées à côté de votre feuille de papier et recopiez-les.