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Des enfants mentalement défavorisés peuvent naître dans toutes les familles, qu’elles soient riches ou pauvres, grandes ou humbles, nombreuses ou petites. L’arriération mentale n’a pas de préférence. N’importe qui ou n’importe quel de nos voisins peut avoir un pareil problème dans sa famille. Il n’y a ni mal, ni honte, ni faute à cela.

Pearl Buck, l’auteur du célèbre roman la Terre chinoise, a révélé au monde, dans son livre intitulé l’Enfant qui ne devait jamais grandir, qu’elle était la mère d’un enfant arriéré. Grâce à cette oeuvre, franche et émouvante, elle a fait naître l’espoir dans le coeur de milliers de mères et de pères d’enfants arriérés de tous les pays.

Donner naissance à un enfant arriéré mentalement, écrit-elle, n’est pas une raison pour éprouver des sentiments de culpabilité. Dépouillé de sa terminologie technique, l’arriération se réduit tout simplement à ceci : par suite du concours de centaines de facteurs médicaux, psychologiques et sociaux, dont beaucoup demeurent obscurs, l’évolution mentale de l’enfant se trouve limitée et n’atteindra pas un stade égal à celui des personnes normales du même niveau d’âge. L’enfant arriéré apprend plus lentement que les autres et est borné dans ce qu’il peut apprendre. Réduite à sa plus simple expression, voilà tout ce qu’est l’arriération.

Ce n’est pas là nier la gravité de l’arriération, mais refuser de la considérer comme un châtiment du ciel et, partant, comme une épreuve qu’il faut supporter avec résignation. Bien au contraire, c’est une invitation aux parents et à la société à aider l’enfant qui en est affligé à tirer le meilleur parti de sa vie.

Les enfants arriérés étaient jadis des parias. On les traitait avec crainte et répulsion. Mais, avec le temps et sous l’influence de l’éducation et de la science, ce sentiment a fait place à la pitié, puis à l’acceptation et à la compréhension.

Nous savons aujourd’hui qu’il est possible d’intégrer avec succès dans le courant général de la vie canadienne la grande majorité des arriérés. Un nombre considérable d’entre eux peuvent même en arriver à prendre complètement soin d’eux-mêmes ; beaucoup peuvent acquérir une semi-indépendance et un bon nombre peuvent parvenir à suffire à leurs besoins.

Les obligations du Canada

Affirmer que ce problème intéresse profondément les Canadiens et qu’ils accomplissent de grands efforts pour le résoudre ne signifie pas que notre pays compte un nombre exceptionnel d’arriérés. Cela veut dire en fait que l’arriération mentale est un état de choses permanent et qu’en tant que tel il se manifeste souvent dans les sociétés évoluées et techniciennes.

Notre société met en quelque sorte en vedette ceux qui ne peuvent suivre la masse, mais elle leur offre aussi des espoirs. Nous croyons que tout enfant canadien, quelles que soient ses limites, mérite de droit d’avoir la chance de se développer conformément à ses possibilités. Si nous voulons respecter nos principes, nous devons lui donner ce qui est nécessaire pour lui permettre de faire valoir tous ses talents si modestes soient-ils.

Les vingt dernières années ont été témoin de notre prise de conscience de nos obligations dans ce domaine. Nous avons assisté à une augmentation frappante des travaux de recherche sur la prévention, le traitement et les soins. Dans presque toutes les villes et les villages, les parents ont uni leurs efforts pour assurer l’application des connaissances acquises. Les gouvernements se sont intéressés à la question et ont reconnu que les enfants mentalement défavorisés ont droit, selon leurs aptitudes et leurs besoins, aux mêmes avantages, aux mêmes chances et à la même protection que les autres citoyens.

Lors de la Conférence fédérale-provinciale de 1964, un délégué a proclamé le devoir qu’a la société d’offrir aux arriérés mentaux la possibilité (1) d’atteindre leur épanouissement ; (2) de conserver leur dignité personnelle et de bénéficier de la protection des droits ; (3) de participer et de contribuer à la vie de la société ; (4) de connaître le bonheur.

C’est là un idéal élevé, mais il ne l’est pas plus que la situation ne l’exige. L’arriération mentale est la plus grande cause d’invalidité au Canada ; elle fait dix fois plus d’invalides que le diabète, vingt fois plus que la tuberculose et dix fois plus que la polio même au plus fort des épidémies. Notre population compte approximativement 600,000 enfants et adultes mentalement arriérés, et il y a dans leurs familles deux millions de personnes qui s’en ressentent.

Qui sont les arriérés ?

L’arriération se mesure en fonction du quotient intellectuel, communément appelé Q.I. Ainsi, l’enfant légèrement arriéré se situe généralement entre 50 et 70 dans l’échelle du Q.I. ; l’enfant moyennement arriéré entre 35 et 50 ; l’enfant gravement arriéré entre 20 et 35 et l’enfant profondément arriéré au-dessous de 20. Un quotient intellectuel de 90 à 110 dénote un esprit ordinaire ou dans la « moyenne ».

Il y a moins d’une génération, beaucoup de spécialistes soutenaient encore que l’intelligence était fixée une fois pour toutes à la naissance. L’enthousiasme qui anime aujourd’hui ceux qui oeuvrent dans ce domaine se fonde sur la preuve concrète que la capacité mentale se développe si elle est nourrie de chaleur humaine et d’encouragement. Par contre, l’intelligence peut se dégrader si elle est négligée.

Il est amplement démontré aujourd’hui que le milieu exerce une forte influence sur l’intelligence. Ce sont ces nouvelles connaissances qui, en offrant l’espoir de réussir à récupérer des vies d’enfant, soutiennent l’effort actuellement en cours dans le Canada tout entier. Parents, écoles, clergé, membres des professions libérales, pouvoirs publics, tous reconnaissent qu’ils ont le devoir d’assurer aux enfants arriérés le milieu où ils pourront devenir des membres actifs de la société.

Ce qui importe au plus haut point, dans ce domaine, c’est le dépistage précoce de l’arriération. Cette tâche incombe en premier lieu aux parents et au médecin de famille, mais elle appartient principalement aux parents pendant les premières années de l’enfant. Entre l’âge où l’enfant reçoit ses dernières vaccinations, c’est-à-dire vers dix-huit mois ou deux ans, et celui où il commence l’école, il y a solution de continuité dans la surveillance médicale. Toutes les statistiques relatives aux arriérés indiquent que le nombre des enfants dont on diagnostique pour la première fois l’arriération à six ou sept ans demeure élevé.

Dès qu’un enfant semble retarder en matière d’efforts personnels, de locomotion, d’alimentation ou de langage, les parents doivent immédiatement consulter le médecin.

Le rôle du médecin est alors décisif. Il a la formation et les connaissances professionnelles nécessaires pour faire une appréciation médicale de l’état de l’enfant. Sa vigilance peut lui permettre de repérer une arriération plusieurs années plus tôt qu’on ne l’aurait diagnostiquée s’il en eut été autrement et, par conséquent, de prescrire un traitement utile susceptible de modifier ou d’invertir le cours du trouble.

L’aide professionnelle

L’élément critique dans le dépistage de l’arriération est l’écart avec le développement habituel des enfants normaux. Le médecin, l’infirmière hygiéniste, l’assistante sociale et l’institutrice sont au courant des divers jalons de la croissance. Ils décèleront un trouble éventuel si un enfant ne parvient pas, à l’âge voulu, à s’asseoir ou à saisir avec les mains, à marcher et à parler, à s’intéresser à son entourage immédiat ou à suivre des directives simples.

Si bien renseignés soient-ils, les parents ne peuvent se fier uniquement à leur savoir pour juger si un enfant est arriéré ou non. Un jugement à la légère peut nuire à l’enfant. Il est possible qu’il souffre d’une ouïe ou d’une vue défectueuse, d’une paralysie cérébrale, d’un trouble émotif ou de langage, ou d’une maladie chronique quelconque.

Certains enfants sont lents, sans être nécessairement arriérés, et peuvent se rattraper au second tour. Parce que le rendement d’un enfant n’est, à un certain moment, que de la moitié de celui qui correspond à son âge chronologique, il ne faut pas en conclure que son Q.I. sera de cinquante dans les années ultérieures. Seuls les avis concordants du médecin, du psychologue, de l’instituteur et de l’assistante sociale doivent permettre d’établir s’il s’agit d’arriération.

Grâce au dépistage précoce, les parents seront à même, avec les conseils des spécialistes, d’aider l’enfant à bénéficier au moins d’une chance égale, dans la vie, à celle des enfants normaux.

La cause de l’arriération mentale est difficile à déterminer. Parmi les quelques 200 facteurs éventuels, reconnu à la suite de vastes recherches, il y a lieu de mentionner les accidents génétiques, les maladies infectieuses, les agents toxiques, les traumatismes à la naissance, les troubles endocriniens, l’accouchement prématuré et la négligence culturelle.

Un cours à suivre

Toute personne devrait apprendre, avant le mariage, les principes des troubles d’origine génétique. Les éléments génétiques qui déterminent nos caractéristiques physiques et mentales héréditaires sont contenus dans 46 corpuscules que l’on retrouve dans le noyau de chaque cellule vivante. Ces corpuscules s’appellent des chromosomes. Or, il arrive que quelque chose se détraque dans nos cellules originelles ou pendant la première division des cellules, ce qui provoque des anomalies. La science n’a pas encore trouver le moyen d’éviter ces accidents. Ce qui importe, c’est de reconnaître qu’ils peuvent se produire, afin de ne pas être pris au dépourvu et impuissant à y remédier.

La constatation qu’un enfant est arriéré est toujours un moment pathétique, même dans les familles les mieux informées. Cette situation soulève ordinairement trois grands problèmes : l’effort que doivent faire les parents pour accepter et évaluer cet enfant différent ; l’effet de cet événement sur les autres membres de la famille ; le soin continuel de l’enfant et de l’adulte qu’il deviendra.

Les sentiments de honte ou de culpabilité ne peuvent être que préjudiciables aux parents comme à l’enfant. Ils pousseront les parents à adopter une attitude de refus ou trop protectrice, et l’une et l’autre font souvent plus de tort à la sensibilité de l’enfant que l’arriération elle-même si elle est accueillie comme il convient.

Les parents peuvent non seulement accepter la situation de façon réfléchie, mais aussi envisager le problème avec courage et intelligence. Ils doivent s’efforcer d’obtenir les meilleurs conseils auprès des personnes spécialisées dans l’étude et le traitement de cette maladie. Leur attitude doit être réaliste, et ils doivent apprendre à vivre en faisant face à la situation sans excès de tension. Les moments difficiles et extraordinaires qu’ils auront à surmonter développeront leur ingéniosité et leur débrouillardise. Par la chaleur de leur affection et la tendresse de leurs soins, ils aideront l’enfant arriéré à se développer positivement et à mener une vie utile et heureuse.

Lorsqu’on constate qu’un enfant est arriéré, il y a lieu d’arrêter un programme bien conçu afin de lui assurer des soins permanents et lui permettre de réaliser pleinement ses possibilités. Faisant, au début, une large place aux câlineries et aux caresses, afin que l’enfant ressente tout de suite qu’il fait partie de la famille, le programme passera graduellement par plusieurs stades, y compris, en dernier lieu, le choix d’un tuteur qui veillera sur l’arriéré après la mort des parents.

Il ne suffit pas de montrer à l’arriéré mental à subvenir à ses besoins. Il est également essentiel de l’aider à s’intégrer complètement dans l’axe de la société. Sur ce point, le rôle du clergé est fort important.

Certaines églises offrent des cours spéciaux auxquels peuvent assister les enfants arriérés afin d’apprendre à participer au culte avec leurs familles. Dans certains endroits, des comités religieux pour les arriérés fournissent la documentation et les ressources nécessaires pour épauler les pasteurs et les fidèles dans leur apostolat auprès des enfants arriérés et leurs familles.

Ce qui se fait

Un nouvel espoir surgit au Canada. Il n’y a qu’une trentaine d’années, les arriérés étaient encore considérés comme des « cas désespérés, condamnés à passer leur vie dans des institutions ou au foyer, sans aucun espoir de guérison. Jusqu’à ces dernières années, le problème de l’arriération n’était pas reconnu par le public ; il n’existait pas de cours spéciaux dans les universités ; les services officiels de santé, de bien-être et d’enseignement manifestaient très peu d’intérêt pour cette question ; l’action des gouvernements se bornait à la construction d’établissements de garde. Et ce en dépit du fait que, dès 1871, l’inspecteur des asiles et des prisons de l’Ontario, M. J. W. Langmuir, proposait au gouvernement de créer des écoles de formation distinctes pour les enfants arriérés.

Aujourd’hui, les autorités publiques consacrent des millions de dollars à cette oeuvre, même si leurs contributions ne représentent qu’une fraction du coût des services encore très limités qui sont assurés. Une partie des fonds nécessaires sont réunis par les 325 sections locales de l’Association canadienne pour les arriérés mentaux, grâce à la campagne annuelle « Fleurs d’espoir ». Lors de la « Croisade nationale pour les arriérés », organisée par l’Association en 1966, le public a souscrit près de quatre millions de dollars. Cette souscription avait pour but d’aider cet organisme à lancer à travers le pays des séries de démonstrations et de travaux de recherche.

Le président de la campagne était le vice-président de la Banque Royale, M. Donald Anderson. Profondément frappé par ce que cette campagne lui avait révélé, M. Anderson résumait ainsi ses impressions : « Sous bien des rapports, la Croisade nationale et la mise en oeuvre de travaux de recherche et de démonstration ont été les plus significatives de toutes les manifestations spéciales qui ont marqué le centenaire de la Confédération. La Croisade représente une mise de fonds dans le projet de développement d’une grande ressource humaine nationale jusqu’ici inutilisée : un demi-million de jeunes Canadiens qui pourraient devenir des citoyens productifs et utiles si on leur permettait de profiter des progrès scientifiques et techniques. Elle a été la première tentative vraiment nationale de faire plus pour les arriérés que de leur assurer tout simplement le vivre, le gîte et l’entretien courant. Ce fut pour nous l’occasion de reconnaître de façon tangible le droit d’égalité des chances à ce groupe de citoyens désavantagés. »

Constituée en société en 1958, en tant qu’organisme non confessionnel, apolitique et sans but lucratif, l’Association canadienne pour les arriérés mentaux (A.C.A.M.) est une association bénévole qui, composée au début d’une poignée de classes de fortune installées dans les sous-sols des églises et les mairies, possède aujourd’hui un réseau national de services de formation groupant plus de 325 sections locales et 10 divisions provinciales. Elle dirige le travail de quelques 20,000 membres actifs et de plus de 150,000 membres bénévoles.

L’A.C.A.M. a joué un rôle important en contribuant à faire établir des cliniques, des centres de diagnostic et des services de traitement à travers le pays. Ses sections disposent de plus de 700 classes et écoles spéciales ; elles dirigent au-delà de cent ateliers protégés ; elles organisent et administrent des résidences rattachées aux localités, des camps d’été, des programmes de loisirs, des classes préscolaires et des écoles du dimanche, des services d’orientation et de consultation pour les parents, ainsi que des séminaires et des conférences.

Priorité à l’action pratique

L’Association pour les arriérés mentaux vise avant tout à marcher de pair avec toutes les nouvelles découvertes. Quatre-vingts pour cent de ses fonds sont consacrés à la recherche de développement plutôt qu’à la recherche théorique. Son programme de services de démonstration s’étend à toutes les provinces. Cet organisme a fait preuve d’une telle initiative par son oeuvre de pionnier et par les services qu’il a rendus aux arriérés que la Fondation Joseph P. Kennedy Junior lui a décerné la médaille internationale Raphaël.

Le plus remarquable de ces services de démonstration est sans contredit l’Institut National Kinsmen pour l’arriération mentale. Les quatre cents associations de Kinsmen du Canada ont fait de cet Institut leur oeuvre nationale et y ont versé une contribution de $350,000.

Doté de son propre conseil d’administration, qui est responsable à l’Association canadienne pour les arriérés mentaux, et guidé par un groupe représentatif de conseillers professionnels, l’Institut sera le centre d’échange de tous les résultats des travaux de recherche effectués au Canada et à l’étranger. Il sera chargé de réunir, d’étudier et de diffuser tous les renseignements importants, afin que les arriérés de toutes les parties du Canada puissent en profiter sans délai.

L’Institut National s’efforcera d’allier les éléments d’information scientifiques et professionnels hautement théoriques aux services très pratiques qu’assurent les associations régionales et les autres organismes locaux. Dès que la valeur d’une technique ou d’une théorie nouvelle sera démontrée, l’Institut veillera à le faire savoir dans tout le Canada, aussi rapidement que les moyens de transmission le permettront.

La preuve que l’Association est fermement résolue à porter partout son message d’espoir et à renseigner le profane comme le spécialiste sur les progrès qui motivent cet espoir, nous la trouvons dans sa revue intitulée Déficience mentale, dont le tirage est passé de quelques douzaines à 13,000 exemplaires. Ses « bulletins d’information » provinciaux et locaux atteignent environ 50,000 autres lecteurs.

L’effort local

Après la seconde guerre mondiale, un mouvement de parents ou de nature populaire commença à se dessiner dans plusieurs parties du Canada. Les groupements locaux ainsi formés tenaient à faire quelque chose dans ce domaine fort négligé. Ils travaillèrent si bien et avec tant d’ardeur qu’ils finirent par éveiller l’intérêt des services publics et alerter la conscience de la population. Leur conviction profonde était que si le public se joignait à ceux qui se dévouaient déjà pour les arriérés mentaux, tous les arriérés pourraient connaître une vie plus complète, plus productive et plus heureuse. L’Association canadienne pour les arriérés mentaux est le porte-parole de tous ces groupements.

Les associations locales oeuvrent sur le plan paroissial ou municipal. Elles organisent des cours spéciaux dans les écoles ou en liaison avec ces dernières ; elles tiennent des réunions pour partager leurs expériences et échanger des idées ; elles possèdent des pouponnières et des classes préscolaires, ainsi que des services de garderie et d’aide familiale, des centres d’information, des ateliers protégés et de petites résidences. Leurs efforts ont contribué à faire mieux accepter les arriérés dans leurs milieux, à faciliter le recrutement de bénévoles pour de nombreuses activités et à assurer le succès des campagnes destinées à recueillir des fonds.

Ces associations n’ont pas la prétention d’être expertes dans le domaine de l’arriération, mais elles s’appliquent à rapprocher les parents et ceux dont les services professionnels peuvent leur être utiles.

Le point de vue de l’enfant

Quiconque désire contribuer à accroître le bonheur des enfants arriérés dans la vie doit de temps en temps mettre un genou à terre et regarder le monde du point de vue de l’enfant.

À ce niveau, la vue est un tissu de frustration et d’angoisse. Très sensible à son arriération, l’enfant n’arrive pas à comprendre pourquoi il est incapable de suivre les autres. Il est exposé aux sarcasmes de ses camarades et souffre de l’incompréhension de ses parents et de ses instituteurs. Parfois, l’impatience des adultes de le voir faire des progrès le pousse vers des choses qui sont au-dessus de ses forces, et il se réfugie alors dans un silence obstiné. Ce qu’il réclame, c’est de la compréhension ainsi qu’une affection et un soutien constants. Ces sentiments l’encourageront à voler de ses propres ailes et à persévérer dans ses efforts.

De notre palier d’adulte, nous devons penser à ceux pour qui la vie est moins facile, découvrir leurs ressources et les développer. Il n’existe pas de formule magique pour accroître l’intelligence ; tout ce que nous pouvons, c’est montrer à l’enfant déficient à utiliser au maximum les talents qu’il possède.

Notre tâche consiste à nous appliquer à améliorer les conditions relatives à la santé, la personnalité, l’adresse manuelle, le régime de vie, l’éducation et tout ce qui est de nature à assurer à l’enfant arriéré de meilleures chances d’affronter les désagréments et les revers de la vie.

Une immense vague d’intérêt et d’enthousiasme stimule aujourd’hui les efforts de tous ceux qui vouent leur action ou leur appui à la rééducation des arriérés.

Le travail de ces personnes dévouées se fonde sur les convictions suivantes : les arriérés sont des êtres humains ; ils ont besoin d’amour et d’affection et savent répondre à ces sentiments ; ils peuvent vraiment apprendre ; il faut leur fournir l’occasion de s’exprimer et de satisfaire leur désir de création ; ils ont un besoin profond de camaraderie.

Personne n’a mieux résumé le devoir et le champ d’action de notre pays à cet égard que le regretté Georges Vanier, ex-gouverneur général du Canada, dans l’appel qu’il adressait à la population, en 1965, pour qu’une juste place soit faite aux arriérés mentaux dans notre société. « Je lance ce défi, disait-il, à tous ceux qui croient en la valeur de l’être humain, il y a des centaines de milliers de personnes insuffisamment soignées qui ont besoin de vos connaissances scientifiques, qui réclament votre tendresse, votre affection et votre amour. Ils ont déjà trop attendu. »