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Travailler dans une entreprise ou un établissement doté d’une bonne bibliothèque spécialisée, organisée et dirigée par un bibliothécaire intelligent et dynamique, c’est à la fois un avantage professionnel et une source d’enrichissement.

Pour l’organisation qui désire se fonder sur des faits et des renseignements plutôt que sur des conjectures et des opinions, la bibliothèque bien organisée représente l’instrument de recherche le plus efficace et l’économie de temps et d’effort la plus appréciable. Elle contribue à assurer les trois fonctions fondamentales de la civilisation : la découverte du savoir, la conservation du savoir et la transmission du savoir.

Dans le monde d’aujourd’hui, avec son abondance d’information, son rythme de vie accéléré et ses vastes horizons, le rôle du bibliothécaire professionnel est vraiment d’une grande importance. On prévoit qu’au cours des prochaines années, le Canada aura besoin de quelque cinq cents nouvelles bibliothèques par an pour subvenir à la demande toujours croissante de bibliothèques scolaires, universitaires, commerciales ou techniques, ainsi que de plusieurs autres sortes de bibliothèques spécialisées. Mais ce qui permettra à ces bibliothèques d’être vraiment utiles, c’est le bibliothécaire, car il faut des connaissances spéciales pour trouver ce que veulent les lecteurs parmi la masse déroutante des textes imprimés.

Au Canada, l’origine des bibliothèques générales remonte, semble-t-il, aux premiers prêts de livres faits par Marc Lescarbot à l’Habitation de Port-Royal en 1606, à l’ouverture de La Bibliothèque du Collège des Jésuites de Québec en 1635, ainsi qu’aux dons de livres offerts par John Graves Simcoe à l’Assemblée législative du Haut-Canada en 1791. Quant aux bibliothèques spécialisées, destinées par définition à répondre aux besoins des écoles, des collèges, du gouvernement et des professions libérales, l’histoire indique qu’elles firent leur apparition de bonne heure dans notre pays.

L’Annuaire des bibliothèques spécialisées du Canada, établi pour l’Association canadienne des bibliothèques par les soins de Mlle Beryl Anderson, du Graduate School of Library Science de l’Université McGill, et publié en juin 1968, fait mention de 640 bibliothèques de ce genre. Un nouveau relevé fait un peu plus tard par Mlle Anderson indique qu’il en existait 669 en octobre 1968 et qu’il y en avait probablement 250 autres qui auraient pu être inscrites dans l’annuaire, mais qui n’y figuraient pas.

L’Association des bibliothèques spécialisées

Le sujet du présent Bulletin mensuel nous a été inspiré par la Conférence annuelle de l’Association des bibliothèques spécialisées qui aura lieu à Montréal en juin. Il s’agit là d’un organisme international groupant plus de 7,000 bibliothécaires et documentalistes professionnels. Créé en 1909 en vue de favoriser l’application des plus hautes normes professionnelles par les bibliothèques et les bibliothécaires, il compte aujourd’hui 36 sections régionales, dont deux au Canada : celles de Montréal et de Toronto.

La section de Montréal a été fondée en 1932, grâce en grande partie à l’initiative d’une ancienne bibliothécaire de la Banque Royale, Mlle Mildred Turnbull. La section de Toronto existe depuis 1940.

La devise assez significative de l’Association – « Mettre le savoir à contribution » – résume bien le but que poursuivent les bibliothécaires spécialisés dans tous les domaines. Loin de se contenter de réunir des collections de volumes, ils s’attachent sans relâche à accroître l’utilité et la valeur des ressources de leurs bibliothèques.

Ce que sont les bibliothèques spécialisées

Les bibliothèques spécialisées ont pour mission de fournir à leurs usagers des renseignements détaillés sur un sujet ou un domaine limité. Elles comprennent notamment les bibliothèques qui se consacrent à la publicité, aux sciences biologiques, aux affaires, aux finances, à la géographie, aux hôpitaux, à l’assurance, à la métallurgie, aux forces armées, aux musées, à l’édition, aux sciences et à la technologie, à la religion, aux sciences sociales, aux transports et à l’enseignement.

Selon la brochure de l’A.S.L. (Association of Special Libraries), « une bibliothèque spécialisée est un monde qui comprend non seulement les ouvrages de référence traditionnels, mais aussi d’autres textes imprimés, comme les monographies, les manuels et les revues. Elle est aussi un monde de quasi-imprimés, comme les documents, les rapports techniques, les catalogues commerciaux et les reproductions. Elle devient de plus en plus un monde de documents non imprimés, comme les photographies, les dessins, les partitions musicales, les enregistrements et les microcopies, auxquels s’ajoutent, bien sûr, les cartes et les bandes perforées, les disques et les tambours magnétiques. »

Il n’est pas nécessaire qu’une bibliothèque spécialisée soit grande pour être utile et il n’est pas indispensable non plus qu’une entreprise soit considérable pour avoir sa bibliothèque. Si petite que soit une entreprise, il est rare que son chef n’ait pas besoin d’une bibliothèque, même si celle-ci ne se compose que de quelques livres de base, de quelques périodiques, de quelques cartonniers et d’un bibliothécaire compétent.

La bibliothèque est le centre des nouvelles et de l’information enregistrées au sujet de l’activité qu’exerce l’entreprise dont elle fait partie. Elle s’emploie à recueillir des renseignements sur les autres entreprises de même nature, ainsi que sur les conditions d’ordre national, continental et international qui influent sur les opérations de la société à laquelle elle est attachée.

Parce que la bibliothèque spécialisée est un service organisé en vue de mettre à la disposition de l’entreprise qu’elle dessert toute l’expérience et la science qui en favoriseront les progrès, elle se distingue par une particularité fondamentale de la bibliothèque publique ou universitaire. L’unité de base de la bibliothèque publique est habituellement le livre, la brochure, le périodique ou d’autres objets matériels ; dans le cas de la bibliothèque spécialisée, cette unité est un élément particulier d’information, quelle que soit la forme qu’il revête. Ce sont des renseignements plutôt que des documents que rassemble ou classe la bibliothèque spécialisée, et c’est pourquoi elle exige des techniques spéciales de la part de son personnel.

Mais la bibliothèque spécialisée, si bien organisée soit-elle, ne pourra réussir à seconder efficacement la direction, les chefs de service et les employés dans la conduite de l’entreprise et la solution de ses problèmes que dans la mesure où ceux-ci se montreront disposés à recourir à ses services et à la considérer comme un centre actif d’échange de documentation et de renseignements.

L’un des sorts les plus malheureux que l’on puisse faire subir à une bibliothèque spécialisée, c’est de la laisser dégénérer en simple collection de livres. Dans une causerie qu’elle prononçait à l’École de bibliothécaires de l’Université McGill, Mlle Turnbull affirmait : « Je me dis parfois que l’emploi même du mot « bibliothèque » empêche de saisir les véritables fonctions du bibliothécaire d’entreprise. En plus d’éveiller une malencontreuse idée d’aridité dans l’esprit de bien des gens, ce terme donne l’impression que notre devoir consiste à assurer la conservation des textes imprimés seulement, plutôt que l’utilisation de toutes les sources de documentation, qu’il s’agisse de renseignements imprimés, dactylographiés, photographiés ou recueillis auprès des spécialistes. »

Un service d’utilité pratique

La bibliothèque spécialisée digne de ce nom n’est ni un cimetière de livres destiné à épater les visiteurs de marque ni un temple dédié à l’érudition et à la culture. C’est un service pratique appelé à desservir tous les autres services en mettant rapidement à leur disposition des renseignements fondamentaux et d’actualité. Son rôle est de mettre au service de tous ce qu’il serait impossible à chacun de garder dans son bureau pour son usage personnel.

Plus la bibliothèque spécialisée sera indépendante des autres services et plus elle sera près de la haute direction, mieux elle s’acquittera de sa fonction essentielle, qui consiste à mettre les connaissances et les renseignements à la portée de tous ceux qui en ont besoin dans l’entreprise.

Le travail du bibliothécaire commence dès la réception de la demande de renseignements, et l’une des qualités les plus importantes dans son métier est assurément la faculté de se représenter ce que le chercheur désire réellement savoir. Le bibliothécaire doit avoir assez d’imagination pour saisir d’emblée quelle est la réponse qui sera la plus utile à celui qui veut se renseigner.

Les sources de renseignements

Selon Mlle Turnbull, le bibliothécaire compétent qui disposerait d’un téléphone, d’un Annuaire du Canada, d’un almanach, d’un Larousse et d’un quotidien aurait plus d’utilité pour son entreprise qu’une collection de milliers de volumes dont personne ne serait chargé de diriger l’utilisation. La liste de titres qu’elle mentionne aurait sans doute besoin d’être allongée, mais la catégorie de livres qu’elle recommande, les ouvrages de référence, est toujours d’actualité : annuaires de toutes sortes, dictionnaires techniques, répertoires géographiques, encyclopédies, manuels, aide-mémoire, etc.

Le bibliothécaire doit tous les jours se référer aux bibliographies et aux index que publient régulièrement les maisons d’édition, les revues et les organismes spécialisés, ainsi qu’à une foule d’autres guides de recherche et de documentation. Ces instruments de travail lui permettront de mettre le doigt sur les textes qui ont le plus de chances de se révéler utiles.

Dans beaucoup d’entreprises, la documentation conservée dans les classeurs a parfois plus d’importance que les livres rangés sur les rayons. Les lettres, les coupures de journaux, les dépliants, les périodiques commerciaux et techniques, les bulletins comme ceux du Bureau fédéral de la statistique, offrent des renseignements d’actualité ; ils indiquent non seulement la situation du moment, mais aussi les tendances qui se dessinent. Heureux le chef qui peut compter sur son bibliothécaire pour suivre de près les périodiques et signaler rapidement à son attention les études et les renseignements les plus récents sur les questions qui l’intéressent.

Feuilleter ce que reçoit la bibliothèque spécialisée, sélectionner ce qui est utile ou peut le devenir, en informer les intéressés éventuels, mettre sur les rayons ou classer ce qui mérite d’être conservé, afin que le tout soit aisément accessible, voilà tout l’art du bon bibliothécaire.

L’un des services les plus importants de la bibliothèque d’entreprise est celui de la circulation des périodiques. À chaque périodique doit correspondre une liste de ses lecteurs habituels, mais ce n’est là que la moitié de l’opération. Le bibliothécaire prend connaissance des périodiques au fur et à mesure qu’il les reçoit et, sachant quels sont les besoins et les centres d’intérêt des membres du personnel, il en réunit les sommaires dans un bulletin de diffusion générale de la bibliothèque. Les articles portant en particulier sur des sujets qu’il sait être l’objet d’une étude spéciale de la part d’un employé de l’entreprise, sont envoyés sans retard à la personne en cause. Lorsque ce service de diffusion sélective devient trop considérable pour pouvoir être assuré par le personnel dont il dispose, le directeur de la bibliothèque spécialisée peut recourir à l’aide du centre de calcul de l’entreprise et faire établir un service de traitement par ordinateur pour faciliter les choses.

Au Canada, aucune bibliothèque commerciale ne saurait se passer des publications du Bureau fédéral de la statistique. Il y a intérêt aussi à recevoir les brochures et les bulletins que diffusent les gouvernements provinciaux ainsi que diverses associations et grandes entreprises. On y trouve souvent des renseignements intéressants sur différents aspects de la vie économique et culturelle de notre pays.

La bibliothèque de la Banque Royale

Comment la bibliothèque de la Banque Royale du Canada pourvoit-elle à tous ces besoins et services ? Cette bibliothèque, dont la bibliothécaire, Mlle Miriam Tees, présidera la Conférence de 1969 de l’Association des bibliothèques spécialisées, compte 50,000 volumes et est abonnée à 800 périodiques. Elle se spécialise dans la documentation relative à l’argent et aux opérations de banque, aux finances internationales, aux conditions économiques régnant au Canada, aux Antilles et en Amérique latine.

Voici la tâche qui était assignée à cette bibliothèque dans une circulaire qui en annonçait la création au personnel le 17 septembre 1913 : « Une bibliothèque a été établie au Siège social en vue d’encourager le personnel, et en particulier les jeunes cadres, à lire les ouvrages classiques sur la banque, les finances, le change et les sujets connexes. » Le catalogue qui l’accompagnait renfermait 398 titres ; le budget se chiffrait à $2,000 ; une étagère pouvant contenir 1,200 livres représentait une dépense de $265.

La bibliothèque a élargi son champ d’activité à une vitesse accélérée. Au lieu d’avoir sur ses rayons des volumes se rapportant entre autres choses aux coopératives de crédit, comme il y a plus d’un demi-siècle, elle offre aujourd’hui à ses lecteurs des livres sur l’informatique et les ordinateurs. On envisage même la possibilité de faire appel au calculateur électronique dans certains cas pour répondre aux impératifs de la rapidité.

En plus d’accroître l’étendue de ses collections, de façon à y inclure l’automation, la commercialisation, la direction du personnel, le perfectionnement et les techniques de la gestion, la bibliothèque a connu une expansion matérielle appréciable. « Notre service a pris beaucoup d’ampleur, dit la bibliothécaire. Nos bureaux régionaux et nos succursales du Canada et d’outre-mer recourent maintenant aux services de notre bibliothèque. Les trois quarts environ de nos succursales du Canada s’adressent à nous pour obtenir des renseignements. »

Le bibliothécaire

Il serait puéril de confier une bibliothèque bien équipée à un homme qui n’a jamais vu plus que quelques douzaines de livres réunis en un même lieu. Les trésors dont il disposerait seraient trop riches pour qu’il puisse en tirer pleinement parti. Il ressemblerait au naufragé mourant de soif au milieu de l’océan.

La personne la mieux en mesure d’aider l’homme d’affaires à trouver les renseignements qu’il désire, soit dans un livre ancien, soit dans le journal d’hier, ne peut être que le bibliothécaire diplômé. Il est l’agent de liaison entre celui qui cherche à se renseigner et la source de renseignements.

Ce qu’il faut à la bibliothèque spécialisée, ce n’est pas tant un personnel rompu à toutes les finesses de l’art que des bibliothécaires capables de flairer la demande imminente de certains documents et de faire en sorte qu’ils soient prêts et accessibles en tout temps. Le bibliothécaire est une personne bien informée et cultivée, qui a reçu la formation professionnelle nécessaire pour constituer et enrichir un fonds de bibliothèque, ainsi que pour aider les individus et les groupes à repérer et à obtenir les documents qui s’y trouvent. Il doit bien connaître l’entreprise dont il fait partie, ainsi que ses objectifs et son personnel.

Peu de gens se rendent compte de la grande diversité des fonctions qu’exerce le bibliothécaire. Il doit certes avoir une connaissance exacte du contenu de sa bibliothèque. Mais il lui faut aussi savoir comment trouver un document, si étrange soit-il, et comment s’y prendre pour se le procurer auprès des éditeurs, des ministères gouvernementaux, des associations professionnelles, des autres bibliothèques, des journaux ou des particuliers.

Sa vivacité d’esprit, son intérêt pour les affaires humaines, son instinct du travail d’équipe, tout doit concourir à faire du bibliothécaire de la bibliothèque spécialisée un excellent chercheur. Grâce à sa patience, à son intuition, à son imagination et à son esprit méthodique, il saura renseigner le lecteur de façon complète, rapide et exacte sur la question qui lui est soumise ou encore prendre l’initiative de signaler de la documentation aux intéressés.

Celui qui dirige une bibliothèque spécialisée doit surveiller tout particulièrement les événements qui peuvent influer sur son entreprise. Comme le dit Mlle Tees, le bibliothécaire n’est pas un ermite enfermé dans une tour d’ivoire, mais une personne qui s’intéresse aux gens et aux choses et qui a conscience de la responsabilité qui lui incombe en tant que partie intégrante d’un organisme en activité. Il doit avoir un goût prononcé pour la solution des problèmes, la curiosité intellectuelle de suivre la situation mondiale et un tempérament avide de découvertes. Il est nécessaire qu’il sache faire face avec enthousiasme aux problèmes qui se posent et qu’il ait assez de souplesse d’esprit pour passer facilement d’un sujet à un autre.

Acquisitions et diffusion

Une bibliophile à qui l’on demandait si elle achetait ses livres en consultant les catalogues ou après les avoir vus faisait cette réponse : « On entre dans une librairie et on en sort avec un livre. » Le bibliothécaire d’une bibliothèque spécialisée frémit à la seule pensée d’une telle désinvolture dans l’exercice de l’une de ses fonctions les plus importantes. Sa réputation, en effet, ne tient pas à la richesse des collections qu’il a réunies, mais bien à son art de choisir, à son jugement et à sa perspicacité.

L’une des tâches du bibliothécaire est de mettre tous les usagers éventuels en contact avec les ressources dont il dispose. Pour s’acquitter de cette mission, le bibliothécaire est amené à établir et à diffuser des documents assez divers : listes polycopiées des nouveaux livres et résumés de leur contenu ou listes des périodiques avec mention des articles d’intérêt particulier. À l’occasion, il enverra un livre approprié à une personne qu’il sait être intéressée par le sujet traité. Souvent, et de plus en plus, il devra faire appel aux méthodes propres à l’art de la vente et de la publicité, ainsi qu’aux contacts personnels avec les employés pour mettre chacun au courant de la documentation disponible.

L’usage d’une bibliothèque comporte des obligations. L’usager obtiendra un service plus rapide s’il a soin de se demander ce qu’il cherche exactement et de formuler une demande précise au lieu de rester dans le vague. Il rendra service au bibliothécaire, comme à lui-même, s’il se donne la peine de téléphoner ou de se présenter en personne plutôt que de faire transmettre sa demande par un autre, ce qui est, souvent préjudiciable à la clarté.

Pourquoi utiliser la bibliothèque ?

Si la bibliothèque spécialisée fait sans cesse le point, comme toute bonne bibliothèque est tenue de le faire, afin de savoir si elle remplit pleinement son rôle, il ne peut être qu’avantageux en retour que le chef d’entreprise examine de son côté s’il fait le nécessaire pour tirer le parti maximum de la bibliothèque. Peut-être s’épuise-t-il dans les affaires de tous les jours à rechercher des réponses à des problèmes dont son bibliothécaire pourrait lui offrir la solution s’il s’adressait à lui. Edison expliquait sa vaste érudition en disant qu’il avait voulu commencer à travailler où les autres s’étaient arrêtés au lieu de refaire ce qu’ils avaient accompli.

On dit et on écrit beaucoup de choses sur la nécessité pour l’homme d’affaires ou le technicien de prendre soin de sa santé physique ; mais il est tout aussi nécessaire pour lui de veiller sur sa santé intellectuelle et de cultiver son esprit.

Une heure par jour consacrée à la lecture organisée et orientée vers un but fait souvent la différence entre un spécialiste et un amateur, entre le succès et l’échec dans l’acquisition du savoir et de l’intelligence essentiels à la vie. C’est un piètre administrateur de ses loisirs que celui qui ne peut trouver le temps nécessaire à ce fructueux exercice de l’esprit.

Recherche de la culture personnelle

Il existe d’autres raisons pour que les hommes d’affaires, et notamment les cadres supérieurs, fassent usage de la bibliothèque. Ces motifs n’ont rien à voir avec les questions de bénéfices, d’équipement ou de formules chimiques. Ils ont trait à la culture personnelle.

Certains hommes peuvent savoir manier tous les boutons d’un ordinateur et pourtant être complètement sourds à la culture. D’autres, au contraire, envisagent les ordinateurs dans leurs rapports avec la vie et les grandes questions du perfectionnement de l’homme. Comme le disait Nietzsche, la culture les distingue des chevriers.

Un large éventail d’activité intellectuelle stimule, rafraîchit et enrichit chacune des autres qualités de l’homme ; il contribue également à l’acquisition d’une riche philosophie personnelle.

Les ouvrages de base qu’il faut lire ne doivent pas nécessairement se limiter à l’histoire des produits de l’entreprise. Des livres de portée plus universelle vous fourniront peut-être les éléments dont vous avez besoin pour vous former une conception de l’univers. L’Iliade est une grande oeuvre parce que toute vie est un combat ; l’Odyssée, parce que toute vie est un voyage ; le livre de Job, parce que toute vie est une énigme.

Les livres de ce genre allègent le poids du travail quotidien et nous font participer à des siècles et des millénaires de civilisation. Ils élargissent notre expérience et nous permettent de discerner les rapports des choses. En brisant les murs de la spécialisation étroite et en nous ouvrant mille mondes inconnus, leur lecture révèle à nos yeux de nouveaux aspects de la vie.