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Il est difficile pour les Canadiens de se convaincre de la menace que représente la surpopulation pour la survie de l’homme. La raison, c’est qu’ils n’ont jamais connu la détresse de la faim, qu’ils sont bien logés, à l’abri des épidémies causées ou aggravées par les privations, amplement pourvus d’espace vital.

Pourtant, il y a sur la terre des millions d’hommes qui sont privés des nécessités courantes de la vie, et leur souffrance ne peut laisser les Canadiens indifférents. Il existe aujourd’hui une telle interdépendance entre les humains que les esprits cultivés de tous les pays ne peuvent moralement ni impunément éviter de ressentir de l’inquiétude.

Après avoir envisagé avec une certaine appréhension le problème de la pollution, qui retient de plus en plus l’attention au Canada, un récent numéro du Manchester Guardian faisait cette mise en garde : « Pourtant, l’avenir demeurera lourd de menaces tant que nous hésiterons à attaquer l’élément vraiment effréné de la situation mondiale : l’explosion démographique. D’ici une ou deux générations, il faudra nécessairement stabiliser la population mondiale si l’on veut éviter une catastrophe planétaire. »

Pour sa part, un professeur de zoologie à l’Université McGill écrit dans une publication du groupe chimique de la CIBA : « L’éventualité la plus sombre est que les humains ne soient pas assez intelligents dans l’ensemble pour limiter leur fécondité et s’acharnent à vivoter misérablement. Si tel doit être notre destin, il faut reconnaître que nous arrivons déjà au bout de notre corde, car jamais jusqu’ici une race n’a réussi à survivre sans se montrer capable de s’adapter aux nécessités imposées par l’évolution des circonstances. »

Nous avons été témoins ces dernières années d’une sensibilisation accrue au péril de la natalité. Dans les organismes internationaux, au Concile du Vatican, dans les assemblées intérieures de tous les pays, la question de la régulation démographique est l’objet d’une attention sans précédent dans l’histoire.

Peut-être les jeunes sont-ils plus conscients du danger que ne le sont leurs aînés chez qui le problème s’est insinué à leur insu. L’inquiétude de la jeunesse tient sans doute à son incertitude de connaître un lendemain. Et c’est là le problème devant lequel se trouvent les adultes en mesure d’exercer une action efficace. S’ils ne s’emploient pas à mieux s’assurer qu’ils ne le font maintenant que cette jeune génération aura un avenir, plus rien n’importe. Il ne suffit pas d’accorder des soins affectueux et tendres à la jeunesse ni de lui procurer une instruction coûteuse : tout cela est sans valeur si nous ne faisons pas le nécessaire pour qu’il y ait un monde dynamique où les jeunes puissent trouver place.

Le doute n’est plus permis

Les statistiques de tous les pays ne laissent subsister aucun doute sur les événements. Selon les auteurs d’une étude de l’O.N.U., le chiffre de la population mondiale surpasse en importance les problèmes économiques et sociaux d’ordre immédiat, si urgents qu’ils puissent sembler.

« Croissez, multipliez-vous et remplissez la terre », voilà un idéal qui était de mise lorsqu’il n’y avait que huit personnes sur le globe, après le déluge, mais aujourd’hui il y en a plus de trois milliards.

Une « horloge de la population » indiquerait qu’en moyenne 3.9 enfants sont nés à toutes les secondes en 1969 alors que la mortalité a été d’un peu moins de 1.7 personne pendant la même année. Cela représente un gain de 2.2 personnes par seconde, de 132 par minute, de 190,000 par jour et de plus de 1,330,000 par semaine. Le 1er juillet, l’année dernière, l’horloge marquait une population mondiale de 3,551 milliards. Ce chiffre constitue une augmentation de 72 millions en douze mois par rapport à un rythme d’accroissement de 20 millions par an seulement il y a moins d’un demi-siècle.

Il a fallu une période de temps immense – entre un quart de million et un million d’années – pour que la population mondiale atteigne quelque 2,900 millions, mais à la cadence actuelle ce chiffre aura doublé d’ici trente ou trente-cinq ans.

Selon les projections de l’O.N.U., le taux de progression pendant les dernières décennies du présent siècle est suffisamment élevé, si la même évolution se poursuit, pour permettre à la population mondiale de septupler en cent ans. En d’autres termes, au rythme actuel, il ne faudrait que 1,000 ans à une douzaine de personnes pour engendrer la population qui existe aujourd’hui.

Une projection de la population dans les années à venir n’est pas une prévision. Il s’agit d’un calcul mécanique fondé sur les tendances actuelles de la fécondité et de la mortalité. Cette extrapolation suppose qu’il n’y aura pas de réduction numérique soudaine imputable à la guerre et aux catastrophes naturelles.

Le président du Groupe de la Banque mondiale affirmait, devant un auditoire universitaire, l’année dernière, que d’ici six siècles et demi il y aurait un être humain par pied carré sur toute la superficie de la terre.

Il serait fastidieux de dresser la liste de toutes les voix autorisées qui reconnaissent la menace que constitue la surpopulation : économistes, anthropologistes, démographes, spécialistes de la santé et du bien-être, comités divers de l’O.N.U., etc.

L’Annuaire démographique des Nations Unies résume bien la situation : entre 1965 et 1966, la famille humaine a augmenté de 61 millions. Cela veut dire qu’en douze mois la population du globe a connu un accroissement équivalent à trois fois la totalité de la population actuelle du Canada.

Il serait peu sage de nous laisser affoler par des prédictions aussi fatalistes, mais elles ont l’avantage de nous faire prendre conscience qu’il existe en fait une situation qui exige réflexion.

Un grave problème

Le président des États-Unis déclarait dans un message au Congrès, en 1969, que l’un des problèmes les plus graves pour le destin de l’humanité pendant le dernier tiers de notre siècle sera celui de l’accroissement de la population. « Quant à savoir, ajoutait-il, si la réaction de l’homme devant ce problème sera un motif de fierté ou de désespoir, cela dépendra en grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui. »

Il a fallu trois siècles aux États-Unis pour atteindre la cote de 100 millions ; un demi-siècle plus tard, ils dépassaient le cap des 200 millions. Si le rythme actuel de croissance se maintient, la population y sera de 300 millions dans une trentaine d’années.

Mais les pays moins développés accusent une croissance beaucoup plus rapide. Dans l’ensemble, les pays non industriels ont connu une progression environ deux fois plus accélérée que les pays industriels. En 1900, la population de l’Amérique latine était de 63 millions ; aujourd’hui, elle est de 268 millions. À ce rythme, la population doublera en 23 ans.

Le taux de croissance naturelle de la population, dans les pays industriels de l’hémisphère occidental, s’élève rarement au-dessus de 15 p. 1000 par an. Il ne s’agit pas ici du taux de natalité, mais de l’excédent des naissances par rapport aux décès. Par contre, la croissance naturelle se révèle extrêmement forte dans les pays sous-développés : au cours des dix années qui ont précédé 1960, le taux a été en moyenne de 31 à Formose, de 27 à Ceylan, de 32 en Malaisie, de 28 en Albanie et de 32 au Mexique.

Il en résulte que beaucoup de pays déjà appauvris sont aux prises avec le handicap d’une augmentation excessive de population que les pays industrialisés n’ont jamais eu à affronter.

Il y a dans les pays riches et évolués plusieurs facteurs restrictifs de la natalité qui ne jouent pas dans les autres pays : la charge économique que sont les enfants ; la tendance des jeunes d’aujourd’hui à ne pas répondre à l’attente de leurs parents ; les autres sources de satisfaction qui entrent en concurrence avec les enfants.

L’allongement de la vie

La principale cause de la surpopulation est sans contredit l’abaissement du taux de mortalité. Même le plus pauvre des États est assez riche pour assurer à ses sujets un degré appréciable de protection contre la mortalité. Les organismes internationaux comme les gouvernements des pays opulents ont été ravis de jouer les bons Samaritains en mettant en oeuvre des programmes de lutte contre la maladie. Il suffirait aujourd’hui de quelques années pour faire passer un peuple de l’âge de pierre au faible taux de mortalité du XXe siècle.

Mais la pression démographique dans les pays qui n’y sont pas préparés est cause de souffrance, de malaise et d’instabilité politique. La formation de capital, l’industrialisation, l’instruction, la création de nouvelles zones de culture, tout cela est nécessaire, mais ne peut se faire à temps pour répondre aux exigences du rythme actuel de croissance de la population.

Il faut aussi tenir compte des personnes qui occupent l’extrémité supérieure de l’échelle des âges. Dans les pays développés comme dans ceux qui sont en voie de développement, la durée moyenne de la vie a connu une augmentation continuelle au cours des dernières décennies. Pendant toute l’histoire antérieure de l’homme, une fraction seulement des nouveau-nés parvenait à l’âge mûr ; aujourd’hui, dans les pays industriels de l’occident, il n’y en a que cinq pour cent qui meurent avant l’âge adulte, et un grand nombre atteignent la vieillesse.

Dans le haut moyen âge (XIVe et XVe siècles), l’espérance de vie en Angleterre était de 27 ans. À la fin du XVIIe siècle et pendant la majeure partie du XVIIIe, elle était de 31 ans en Angleterre, en France et en Suède, et, dans la première moitié du XIXe siècle, elle passa à 41 ans. Actuellement, l’espérance de vie à la naissance au Canada est de 68.35 ans chez les hommes et de 74.17 ans chez les femmes.

La production alimentaire

Malthus écrivait en 1798 que la population tend à augmenter plus rapidement que les moyens de subsistance. Il signalait que la population croît selon une progression géométrique (2, 4, 8, 16), tandis que la production alimentaire s’accroît selon une progression arithmétique (2, 4, 6, 8).

Prenons, par exemple, le cas d’un couple mettant au monde quatre enfants, qui grandissent, se marient et, à leur tour, donnent naissance à quatre autres enfants par couple. De génération en génération, ces géniteurs se multiplient à raison de 2, 4, 8, 16, 32, 64… et ainsi de suite. La dixième génération issue de ce couple se composerait de 1,024 personnes et la vingtième de 1,048,576.

La théorie fondamentale de Malthus demeure toujours valable, et il n’y a encore aujourd’hui que deux freins possibles : une haute mortalité ou une faible natalité.

Quant à la question de subvenir aux besoins alimentaires de cette population toujours croissante, il est facile à ceux qui rejettent la théorie malthusienne d’invoquer la quantité et la variété d’aliments qu’offrent les épiceries canadiennes, la productivité de nos terres cultivées et de nos pâturages, la mise en culture de nouvelles terres agricoles grâce à l’irrigation et au drainage. Mais le problème alimentation-population est d’envergure mondiale et peu de pays jouissent de ressources aussi abondantes que le Canada.

L’homme a fait preuve d’ingéniosité en inventant divers moyens d’augmenter ses possibilités de subsistance, mais cet accroissement a toujours été largement compensé par le taux de progression de la population. Et, naturellement, les surfaces productives de denrées sont limitées. À peine plus d’un dixième de la totalité de la superficie terrestre du globe est considéré comme arable.

« La famine est une honte »

Alors qu’une partie de l’humanité lutte contre les effets des excès de table, plus de la moitié de nos congénères souffrent de sous-alimentation. À l’heure actuelle, 400 millions d’êtres humains, dans les pays industriels de l’Occident, consomment la même quantité de protéines que 1,300 millions de leurs semblables en Asie.

« La famine est une honte pour l’humanité … une atteinte à la dignité de tous les hommes, et non seulement de ceux qui en sont victimes », a dit le Dr M. Autret, directeur de la Division de la nutrition de la FAO.

Dans bien des parties du monde, on a réussi à parer à la menace de la crise alimentaire en utilisant les surplus des pays développés. Cela ne peut être qu’une mesure palliative. Si tous les stocks d’aliments en surplus étaient distribués, lit-on dans Le Courrier de l’Unesco, ils ne pourraient nulle part subvenir à tous les besoins des pays qui manquent de ressources alimentaires. La première solution au problème mondial de l’alimentation est le développement de la production alimentaire partout où c’est nécessaire, et il importe pour cela d’encourager les populations à prévoir et à travailler efficacement.

La tâche de résoudre ce problème par la diffusion des connaissances en matière de production alimentaire et l’art de les adapter à la situation des pays indigents sont l’un des objectifs de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, fondée sous les auspices des Nations Unies, à Québec, en 1945.

Les spécialistes estiment que la chose est possible. Ils citent l’exemple du Pakistan, sixième parmi les pays les plus peuplés du monde. Encore en proie à la famine et tributaire des secours alimentaires des autres pays il n’y a que quelques années, cet État se suffit pratiquement à lui-même à l’heure actuelle.

Cette attitude diffère de celle des organismes dispensateurs d’assistance. Peu importe comment il se fait que les gens aient faim, la morale et l’humanitarisme exigent qu’on leur donne à manger. Mais l’effet bénéfique des secours alimentaires que l’on prodigue à un pays n’est que de courte durée. Il se peut même qu’ils aient pour résultat d’entraîner une augmentation immédiate de la population, ce qui se traduit bientôt par un accroissement de la misère, c’est-à-dire par l’affamement, l’inanition et la mort pour un plus grand nombre encore de personnes.

Les effets en sont universels

Il n’y a pas que les peuples des pays affamés qui souffrent de cet état de choses ; ceux des pays riches et bien nourris s’en ressentent également. Le sort de ceux qui ont faim est devenu un des principaux éléments déterminants de la qualité de notre vie.

Le président de la Banque mondiale, Eugene Black, a prévenu les pays industriels que tous les efforts qu’ils déploient dans leur propre intérêt pourraient être vains si la population des pays pauvres continue de croître à son rythme actuel. « Nous en arrivons à un point, a-t-il dit, où l’optimisme consistera à croire qu’il est possible de se maintenir aux niveaux de vie actuels. »

Dans un monde menacé de mourir de faim, le sort veut que le Canada soit un pays bien nourri, pourvu d’abondantes ressources agricoles et forestières et de richesses poissonnières illimitées. Nous sommes habitués à obtenir ce qu’il nous faut sur demande, de même qu’une grande partie de ce que nous désirons. L’ouvrier d’aujourd’hui est en mesure d’occuper ses loisirs de plus en plus nombreux et d’employer l’excédent croissant de ses revenus à mille choses que seuls les riches pouvaient se permettre il y a une ou deux générations.

Pourtant, l’augmentation de la population mondiale est un facteur dont le Canada doit tenir compte dans toute étude de son évolution sociale et économique. Les efforts accomplis pour améliorer les niveaux de vie demeurent toujours exposés à l’échec du fait qu’il y a dans le monde un nombre toujours croissant de personnes à faire vivre.

Dans son livre Road to Survival, le naturaliste américain Vogt fait cette réflexion : « En considérant la diminution progressive de l’espace vital qui se produira sur la majeure partie du globe et l’augmentation rapide de la population mondiale, nous devons aussi entrevoir un abaissement marqué de notre niveau de vie matériel. »

Aspirations nouvelles

Il importe aussi de tenir compte des aspirations nouvelles des pays peu évolués. La révolution des télécommunications a supprimé les obstacles de la distance et du langage. Les habitants des pays en état de dépression réclament les mêmes choses que celles que possèdent les citoyens des pays fortunés. La revendication de meilleures conditions de vie se répand partout où pénètrent les journaux, les revues, le cinéma, la radio et la télévision. La voiture rutilante d’un touriste traversant un village effroyablement pauvre évoque l’image d’une vie meilleure que celle qui se limite uniquement à ne pas mourir de faim.

La pauvreté extrême, si elle est associée à la connaissance qu’il existe des sociétés riches, engendre des désirs d’envie et l’espoir que ces désirs doivent de toute nécessité et très rapidement être satisfaits.

Du désappointement au malaise social généralisé, en passant par le dépit de la frustration, la distance est courte. Comme l’écrit Elmer Pendell dans La Population en rupture de ban : « La vérité simple est que lorsque les hommes sont si nombreux qu’il est impossible de trouver assez de nourriture pour soi et sa famille, ces hommes deviennent des ennemis les uns des autres. »

Le besoin d’apprendre

La diffusion de l’enseignement et l’industrialisation ont autrefois tiré les hommes d’une existence médiocre. Le savoir, la prévoyance et la volonté de faire bon usage des ressources disponibles sont les conditions préalables et indispensables du progrès économique.

L’excédent de main-d’oeuvre dans les fermes empêche la mécanisation de l’agriculture ; la croissance rapide de la population oblige à utiliser pour nourrir des bouches de l’argent que l’on pourrait employer en investissements de longue durée dans l’enseignement, l’équipement et autres domaines essentiels. Il est difficile de donner à un enfant l’instruction qu’il lui faut s’il compte parmi les huit fils et filles d’un cultivateur illettré réduit à faire vivre sa famille avec la récolte de deux actes de terre exploitées à bras.

La plupart des pays peu développés possèdent les ressources naturelles et humaines nécessaires pour assurer leur relèvement, mais il leur faut apprendre à les mobiliser et à les utiliser efficacement. Et ils ne pourront le faire que s’ils reçoivent de l’aide et des conseils de l’extérieur.

Le raz de marée d’indépendance politique qui a balayé l’Afrique tropicale au cours des années 60 a suscité l’avènement de dix-neuf nouveaux États souverains, dont plusieurs sont extrêmement pauvres et où, dans la plupart des cas, la production demeure lamentablement faible en dépit de travaux éreintants de la part de leurs habitants.

Il semble que, pour ces pays et certains autres membres de l’espèce humaine ayant à subir les conséquences de l’augmentation effrénée de la population dans un contexte d’arriération industrielle, de pauvreté et d’analphabétisme, le seul espoir pour les années à venir se fonde sur l’assistance immédiate et les directives intelligentes des pays mieux partagés.

Si jamais la mission de sauver l’humanité de la destruction doit être menée à bien ce sera par des personnes assez jeunes d’esprit pour ne pas savoir qu’elle est irréalisable. On ne guérira pas le tourment que nous cause la détérioration de notre milieu en tenant des réunions pour parler des maux qui affligent le monde. Ce n’est pas le moment de nier d’un air guindé qu’il n’y a aucune crise à l’horizon ou de supposer que quelqu’un s’occupe vaillamment de résoudre la crise qui sévit déjà.

Quand la population mondiale n’est plus maîtrisable, il n’y a pas lieu d’attendre qu’une commotion générale nous force à agir. Il est nécessaire que les gouvernements et le public appliquent une à une, sans délai et avec jugement, les mesures compliquées qui s’imposent pour remédier à la situation.

Dans sa Politique de l’écologie, Aldous Huxley écrit : « Grâce aux progrès rapides de notre science et de notre technologie, nous avons très peu de temps à notre disposition. Le fleuve du changement coule toujours plus vite, et quelque part en aval, peut-être d’ici quelques courtes années, nous arriverons aux rapides et nous entendrons le mugissement de plus en plus bruyant d’une cataracte. »

Impossible de fermer les yeux

En somme, la croissance de la population est un problème mondial qu’aucun pays ne saurait méconnaître, que sa politique soit mue par le sentiment le plus étroit de ses intérêts ou par la conception la plus large de la solidarité humaine.

Pour conjurer ce qui, selon le livre de la nature, sera le résultat de notre incurie actuelle, les bonnes intentions ne suffisent pas. Il est du devoir des élites de tous les pays de déverser un peu de leur savoir, de leurs ressources et de leur esprit d’entreprise dans les régions attardées de l’univers.

De toute évidence, la tâche n’est pas simple. Il faut l’aborder sur plusieurs plans à la fois, soit ceux de l’accroissement de la production alimentaire, de l’industrialisation génératrice d’emploi et de pouvoir d’achat, de la diffusion de l’instruction, de l’encouragement de la conservation et de la stabilisation de la population.

Les problèmes de la survie de l’humanité ne sont pas tous d’ordre technique. Ils comportent aussi un élément de coopération humaine : la bonne entente avec les voisins ; la préparation de plans d’avenir ; la prise en considération de la multitude croissante des hommes et des femmes qui ont à la fois des désirs et des besoins pressants.

Pour encourager la recherche rationnelle d’une solution à ce problème, il a été proposé que 1971 soit l’Année démographique internationale. Cette année aurait quatre buts principaux : établir des objectifs mondiaux en matière de stabilisation de la population et éventuellement réduire la croissance démographique, dans les pays en voie de développement, du taux actuel de 3 p. 100 ou plus à des taux voisins de 2 p. 100 ; organiser une action concertée de la part des pays riches en vue d’aider au financement des programmes démographiques ; créer les structures nationales et internationales nécessaires pour aborder le problème de la surpopulation ; développer la recherche démographique.