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Un homme vaut ce que valent les choses auxquelles il s’occupe, et la culture est la caractéristique la plus importante de l’espèce humaine. Elle constitue la différence entre le comportement de la brute et celui de l’homme raisonnable.

L’homme partage avec tous les animaux les deux premiers degrés de la connaissance : la sensation et la perception. C’est par le troisième degré, la conception, qu’il est vraiment humain. Sentir et percevoir sont choses courantes ; mais lire, voir ou entendre quelque chose et concevoir une idée, c’est un acte propre à l’homme.

Le problème le plus terrible qui se pose aujourd’hui à l’homme occidental est celui de savoir s’il va laisser sa culture essentiellement humaine s’ensevelir sous des réalités et des systèmes purement mécaniques.

Chacun apprécie les livres en tant que sources de renseignements sur tous les sujets connus. Mais les esprits clairvoyants ne s’arrêtent pas là. Ils voient dans les livres un moyen d’approfondir leur culture et d’apprendre à user de la vie de façon à accroître leurs possibilités d’atteindre le bonheur et l’épanouissement.

« La culture, a dit un auteur, est un sous-produit de la lecture, de l’étude et des bonnes fréquentations. »

La culture n’est pas uniquement pour ceux qui ont des loisirs, mais aussi pour les gens les plus occupés. Si bien conditionné que soit l’air de son bureau, l’homme d’affaires doit garder une fenêtre ouverte sur le monde.

Certaines personnes, bien entendu, estimeront que les questions de culture ne conviennent pas aux ouvriers, mais professer une telle opinion c’est accepter le plus âpre des systèmes de classes. C’est affirmer que la majorité des gens sont incapables de se livrer à des études qui seules leur permettront de se faire une conception intelligente de l’univers et de connaître la grandeur de l’esprit humain. En somme, ceux qui refusent la culture se privent de savoir ce que la vie leur offre et ce dont ils sont capables.

La culture personnelle suppose le commerce des esprits supérieurs. Un homme qui n’entre jamais en contact avec des intelligences plus évoluées que la sienne risque de parcourir le même circuit fastidieux de pensée et d’action jusqu’à la fin de ses jours.

C’est dans les livres que l’on retrouve les idées, les opinions, les hauts faits, les visions et les passions des hommes de tous les temps, offerts à la calme réflexion des esprits studieux et pénétrants.

Quand commencer

En franchissant le cap de la trentaine, l’homme aborde une période importante de son existence. Jusque-là la vie est demeurée entravée par les liens personnels et émotifs que sont les passions et les contraintes usuelles de la jeunesse. Mais voici que le rideau s’ouvre sur un nouveau spectacle. On peut alors se réserver du temps pour observer, pour réfléchir, pour étudier les autres et se connaître soi-même. La vie prend un sens. Elle nous apparaît dans son ensemble.

Qu’est-ce donc qui compense la perte de notre liberté d’adolescents, qui nous affranchit des restrictions et des vues étroites de l’enfance et qui nous permet d’atteindre à la stabilité et à la sagesse ? C’est la lecture, moyen universel d’apprendre. Elle nous offre la possibilité de nous dégager du filet où les circonstances et le manque d’ambition nous ont emprisonnés et de nous délecter dans le renouvellement de nous-mêmes. Grâce à elle, nous connaissons l’émoi d’apprendre quelque chose, d’acquérir de la largeur de vues et de comprendre les événements et leur orientation. Et c’est en cela que consiste la culture.

Se réaliser, ce n’est pas nécessairement en arriver à une espèce de ravissement intense et profond. C’est avoir conscience de vivre à cent pour cent. C’est trouver la réponse à des questions importantes. L’enfant se demande d’où il vient, le jeune homme ce qu’il va faire, l’homme mûr ce qu’il sera.

Dans un de ses livres, le jeune écrivain de 24 ans, Colin Wilson, pose une question si brutale que nous ressentons en quelque sorte l’impression qu’elle doit nécessairement recevoir une réponse : « Comment dois-je vivre ma vie pour ne pas avoir à me considérer comme un raté ? »

Acquérir de la culture ne signifie pas trouver une solution aux grandes et brûlantes questions de la société et de la politique, où le sectarisme semble limiter notre choix à une seule option en excluant toutes les autres formes et nuances d’opinion ou de doctrine. C’est plutôt se ménager un moyen de les contempler de loin de façon à voir à la fois le milieu et les extrémités des choses.

Qu’est-ce que la culture ?

Étant donné les nombreux sens que l’on donne au mot « culture », il convient de préciser de quelle sorte de culture il est question dans le présent Bulletin. La culture n’est pas une robe ou un complet qui s’achète au rayon de la confection. Elle est faite sur mesure. La culture ne se manifeste pas par la recherche aussi snob qu’aristocratique d’un raffinement anormal ni par le culte jaloux du rang ou de la classe en tant que facteur de distinction entre soi et le commun des hommes. Ce n’est pas seulement une attitude ou un comportement, mais aussi un ensemble d’idées et d’opinions, une source d’espérances et d’aspirations.

La culture est l’intelligence et la sensibilité qui distinguent la civilité de la barbarie. Comme l’a dit un célèbre homme de science et essayiste du XIXe siècle, Thomas H. Huxley : « La culture parfaite devrait comporter une doctrine de vie complète fondée sur une claire connaissance de ses possibilités comme de ses limites. »

La culture que peuvent obtenir par la lecture les personnes à l’esprit mûr est une façon habituelle de penser, de sentir et d’agir choisie, entre une infinité de manières de vivre éventuelles, pour être heureux, faire des progrès et accomplir quelque chose. Elle permet à qui la possède de juger de la qualité des idées et des faits, et non seulement de leur quantité.

Cette culture est le fruit d’une formation équilibrée. Chez certains, c’est la sensibilité qui prime, chez d’autres, c’est l’intelligence, chez d’autres encore, c’est l’action.

La sensibilité est comme le mercure : entre des mains habiles, c’est un des éléments les plus puissants et les plus précieux au monde, mais entre des mains maladroites, ce peut être le plus malfaisant. Il en va de même pour la pensée : il faut la diriger de telle sorte qu’elle ne domine pas la vie. Il est nécessaire d’avoir des idées claires à qui veut réussir, mais la pensée seule ne réalise rien. La volonté et l’action sont les marques de la vitalité par opposition à la stagnation. Un vaste éventail de lectures constitue le fondement essentiel d’une vie équilibrée, où la sensibilité stimule l’intérêt, la pensée apporte la direction nécessaire et l’action parachève la synthèse qu’est la culture.

Un homme jugera sa culture satisfaisante si elle s’élabore en lui-même et procède d’un effort méthodique pour combler son désir de vivre à l’unisson avec la vie.

Comme Willie Loman (dans Mort d’un commis-voyageur), une multitude d’hommes ont l’impression de ne plus exister comme individus. Par la lecture orientée vers la culture ils ont la possibilité de se renouveler eux-mêmes, de multiplier leurs contacts avec la vie, de s’épanouir dans toute la plénitude de leur humanité, d’acquérir une certaine grandeur d’âme.

Celui qui lit d’une façon réfléchie est un peu plus que ce qu’il était auparavant. Les heureuses trouvailles, les exemples d’héroïsme, les lueurs de pénétration, l’inspiration d’idées nouvelles, voilà autant de fruits de la lecture qui contribuent à isoler l’homme de la foule et à en faire une personnalité.

Il n’est pas nécessaire de lire tous les livres : cette éventualité a de quoi décourager n’importe qui. Il n’est même pas indispensable de lire avidement tout ce qu’il y a dans un livre. Un homme qui fut Grand Chancelier d’Angleterre en 1618 nous a laissé cette pensée : « Certains livres sont faits pour être goûtés, d’autres pour être dévorés et quelques-uns pour être médités et assimilés. »

Point n’est besoin, non plus, de lire un livre d’un seul trait : on peut lire deux actes d’Athalie ou vingt pages de L’histoire du Canada de Robert Lacour-Gayet dans le train ou l’autobus du matin ou du soir.

Lire pour savoir

Lire pour se cultiver aide de multiples façons à faire face à la vie. C’est un moyen de se préparer à accomplir sa tâche. Avantage plus important encore, la lecture nous fournit des bases pour élaborer de sages décisions. Lorsque vos collègues disent « Quelle chance ! » en voyant une de vos réussites, vous savez, vous, que cela n’a été possible que grâce à votre bon jugement, fondé sur les trésors de savoir emmagasinés dans votre esprit.

En augmentant nos connaissances dans un domaine quelconque, nous sommes mieux en mesure de distinguer le bien du mal, et c’est là la base de tout raisonnement. On est dans une certaine mesure ce que l’on connaît. Pourtant, il ne s’agit pas de connaître simplement pour pouvoir répondre aux questions, mais de connaître pour le seul plaisir de connaître.

Peu d’hommes possèdent le courage nécessaire pour assimiler tous les fruits de l’arbre de la science, mais nous pouvons en goûter et en apprécier plusieurs sortes. Les plus grandes et les plus riches bibliothèques du monde sont envahies tous les jours par d’innombrables lecteurs en quête de savoir. Le British Museum vient d’écrire aux intellectuels de 162 importantes universités du monde pour leur demander de ne pas venir cet été, car les salles de lecture sont bondées et les 400 employés sont incapables de suffire aux besoins.

Quel bonheur pour une famille que de pouvoir se monter une bibliothèque bien à elle ! Chaque foyer devrait avoir un endroit réservé aux livres, que ce soit une petite armoire bibliothèque ou un mur garni de rayonnages. Edmund Waller, qui savait par expérience ce qu’il disait – il fut à la fois homme politique, poète et révolutionnaire du temps de Cromwell – a écrit ceci : « Dans mon cabinet de travail, je suis assuré de ne converser qu’avec des sages ; mais dans le monde, il m’est impossible d’éviter la société des sots. »

Si vous disposez d’une petite collection de livres et que vous les fréquentiez, vous êtes en excellente compagnie. Vous pouvez avoir recours à eux si vous avez besoin de réconfort, de distraction ou de lumières. Ils sont toujours prêts à vous parler ou à répondre à vos questions.

Quels livres choisir ?

Un homme d’étude n’a que faire des objets décoratifs que sont les livres à reliures de luxe. Ce qui compte pour lui, c’est le contenu des livres.

Assurez-vous que l’auteur a bien fait son travail, qu’il a effectué les recherches nécessaires. Feuilletez les pages d’un livre avant de l’acheter : la méthode de l’auteur vous inspire-t-elle confiance ? Montre-t-il qu’il a fait le tour de son sujet, de façon à en voir aussi le contre ? Certains écrivains modernes répondent à la description que fait Samuel Johnson de Hugh Kelly : un homme qui a écrit plus qu’il n’a lu.

Tenez compte des circonstances où le livre a été écrit. Le Prince, oeuvre d’un auteur dont le nom est devenu synonyme de ruse et d’astuce, fut conçu par Machiavel dans l’unique but d’intéresser un homme fort à sauver le peuple italien de l’agression étrangère et de la corruption politique. Ce grand politique italien affirme, dans une lettre, qu’il passait quatre heures par jour, dans sa bibliothèque, où il conversait avec les auteurs anciens. « J’ai noté, ajoute-t-il, ce que j’ai retenu de leurs propos. »

Des livres ont été écrits par des hommes et des femmes qui estimaient avoir un message valable à transmettre par suite de leur expérience de la vie. Il ne faut pas les oublier dans la constitution d’une bibliothèque familiale, car ils nous proposent les moyens que l’on a jugés bons à un certain moment pour faire face à des situations et résoudre des problèmes qui, essentiellement, ont beaucoup de ressemblance avec les nôtres.

Il serait ridicule de supposer que l’on peut appliquer sans discernement les enseignements de n’importe lequel de ces écrivains aux conditions de tous ceux qui sont dans les affaires ou qui vivent à l’époque actuelle. Mais le lecteur avisé et intelligent glanera chez eux des pensées et des principes utiles pour élaborer ses plans.

Les recueils d’essais offrent des lectures stimulantes. On peut choisir un volume au hasard et lire un essai, qui forme un tout en soi, en quinze ou vingt minutes. L’essayiste n’a pas la prétention de traiter à fond la matière ; il aborde divers aspects de son sujet qui lui ont plu. S’il réussit à éveiller assez d’intérêt chez le lecteur pour l’amener à se renseigner davantage ; s’il lui apporte une idée qui l’aidera à résoudre un problème ou à surmonter une difficulté, il aura atteint le but qu’il se proposait.

Certains essais, comme ceux de Taine, de Lamennais et de Voltaire, semblent parfois obscurs et trop érudits, mais leur profondeur et leur riche valeur philosophique récompensent largement ceux qui veulent bien leur accorder de l’attention. Leur style raffiné et élevé en rend la lecture très agréable.

Appréciation des livres et des auteurs

Ne jugez pas tous les livres selon le même critère. Les livres sont comme les chevaux inscrits à des courses entièrement différentes. Si on ne les met pas dans la bonne écurie, on risque de reprocher à un excellent trotteur de ne pas galoper avec l’allure d’un vainqueur de la coupe d’or. Examinez la table des matières et les titres des chapitres afin d’être sûrs que vous êtes sur la bonne piste.

On juge les auteurs par leurs écrits, et non par leurs manies personnelles. Balzac travaillait, semble-t-il, avec frénésie, comme le démontre le magnifique crescendo du Père Goriot. Il passait des jours et des nuits à bûcher dans une pièce sombre, sans jamais cesser de boire du café. Bernard Shaw avait un coin retiré au fond du jardin. C’était un lieu microscopique, bourré de livres, où il y avait tout juste assez de place pour un bureau et l’épaisse couverture de fourrure qu’il posait sur ses pieds.

L’important chez un écrivain, ce n’est pas sa mine ou ses habitudes personnelles, mais la qualité de son style. Peu d’auteurs sont ce que disent leurs livres. Le meilleur de leur activité intellectuelle passe dans leurs écrits, où leurs idées ne pénètrent qu’après avoir été filtrées et séparées de la masse de médiocrité à laquelle elles sont mêlées dans la vie quotidienne. Il serait injuste de demander à l’auteur d’une anthologie poétique d’être poète ou à un historien militaire d’être un grand général.

Les meilleurs auteurs

Chaque lecteur établit sa liste de livres, choisissant lui-même parmi les meilleurs et les plus célèbres.

Comme principe général, écoutons ce que nous dit Théodore Roosevelt : les grands auteurs sont ceux « que l’opinion commune des personnes cultivées et bien pensantes range parmi les classiques. » Un grand auteur n’est pas celui qui excite l’admiration, mais celui qui relève l’esprit et le courage et qui est une source d’inspiration.

En 1887, sir John Lubbock, pionnier de l’étude de la vie des insectes, écrivait un intéressant petit ouvrage, intitulé Les Plaisirs de la vie, dans lequel il dressait la liste de « cent bons auteurs ».

Will Durant, éducateur et conférencier américain, auteur d’une histoire de la philosophie et de plusieurs autres oeuvres bien connues, a lui aussi établi une liste des cent meilleurs auteurs à lire pour se cultiver.

Il est intéressant de relever les 35 livres qui figurent à la fois dans ces deux listes, faites à 45 ans d’intervalle. Les auteurs conseillés sont : Eschyle, Aristote, Bacon, Boswell, Byron, Chaucer, Cervantes, Carlyle, Dante, Dickens, Darwin, Emerson, Euripide, Gibbon, Goethe, Hérodote, Homère, Milton, Marc Aurèle, Montaigne, Molière, Plutarque, Platon, Sophocle, Shakespeare, Spinoza, Swift, Adam Smith, Thucydide, Thackeray, Virgile et Voltaire. La Bible se retrouve naturellement dans les deux listes.

Il arrive que l’on craigne d’aborder un livre à cause de son titre ou du sujet traité. La métaphysique par exemple. Ce mot signifie « après la physique », c’est-à-dire un domaine que les sciences physiques sont incapables d’étudier. Pourtant, le philosophe et mathématicien anglais Alfred North Whitehead écrit dans Adventures of Ideas : « En dehors de la présupposition métaphysique il ne peut y avoir de civilisation. »

La métaphysique n’inspire aucune terreur si l’on songe que les trois aspects de l’être qui l’intéresse sont : le Vrai, le Beau et le Bien. Dans notre monde mécanisé, nous avons besoin plus que jamais de croire en quelque chose, et, même si l’essence des choses demeure mystérieuse, il nous est possible de comprendre certaines réalités de la vie. Vous constaterez en lisant que beaucoup de livres éclairent en vous des profondeurs dont vous ne soupçonniez pas l’existence.

Un programme de lecture

Il y a tant de choses auxquelles on est tenté de s’intéresser que vous vous demanderez peut-être par où commencer.

Pour le lecteur comme pour l’astronaute qui entreprend un voyage d’exploration dans l’espace, le point de départ n’a pas tellement d’importance, mais une fois parti, il importe de savoir naviguer afin d’aborder au bon port ou à la bonne planète.

Voici un programme de lecture d’ordre culturel, conçu par un homme de 35 ans dont les études s’étaient bornées à l’école primaire. Son désir était de s’assurer une vue d’ensemble de la vie, comme celle que possède, par exemple, un universitaire. Mais quel programme pouvait être utile à un homme peu instruit et dont les moments de lecture se limitaient à ses trajets en autobus, à son heure du déjeuner et à ses soirées à la maison. Ce programme il le trouva dans la Classification décimale de Dewey, méthode employée dans la plupart des bibliothèques du Canada pour ranger les volumes de façon à les repérer facilement.

Ce système divise toutes les connaissances en dix classes : (0) Ouvrages généraux, telles les encyclopédies et les collections d’essais ; (1) Philosophie, y compris la psychologie, la métaphysique, la logique et la morale ; (2) Religion, savoir les doctrines, l’histoire religieuse et les textes sacrés ; (3) Sciences sociales, c’est-à-dire les sciences politiques, l’économie politique, le droit, les oeuvres sociales, l’enseignement et le commerce ; (4) Philologie, y compris une subdivision pour toutes les langues ; (5) Sciences pures, notamment les mathématiques, l’astronomie, la physique, la chimie, la biologie, la botanique et la zoologie ; (6) Sciences appliquées, domaine embrassant la médecine, l’art de l’ingénieur, l’agriculture, le commerce et les métiers mécaniques ; (7) Arts et loisirs, soit le paysagisme et l’urbanisme, l’architecture, la sculpture, la peinture et la musique ; (8) Littérature, subdivisée par nationalité ; (9) Histoire, dont les principales sections sont la géographie, les voyages, les biographies, l’histoire ancienne, moderne et mondiale.

Le programme en question consiste à lire de suite un livre dans chaque classe, de sorte qu’après avoir parcouru la liste une première fois le lecteur possède une vue globale ou un aperçu général de la totalité des connaissances et des croyances humaines. Cette vue d’ensemble s’élargira et s’approfondira à chaque nouveau parcours de la liste.

Lire sans prendre de notes c’est imiter le cultivateur prodigue qui labourerait et ensemencerait son champ avec peine sans se préparer à faire la moisson. Il importe d’avoir « une mémoire de papier », comme disait Montaigne, d’écrire dans les marges et de noter certains points et passages.

Le rôle du lecteur

Le lecteur ne doit pas se croiser les bras et s’attendre que l’auteur fasse tout pour lui. Pour lire avec joie et profit, le lecteur est tenu de faire preuve d’application, de sensibilité et de sympathie.

Selon la juste observation d’un auteur du XIXe siècle, l’archidiacre Hare, « tout écrivain est en droit d’exiger une certaine somme de connaissances chez ceux pour qui il écrit, de même qu’un certain degré de dextérité dans l’emploi des instruments de pensée ». Et sir Arthur Quiller-Couch, professeur de littérature anglaise à Cambridge, exprime cet avis : si quelqu’un possédait vraiment le neuvième livre du Paradis perdu de Milton (récit de la tentation et de la chute de l’homme), de façon à se hausser jusqu’au niveau de son sujet sublime et s’en assimiler toutes les beautés, il deviendrait, d’un coup et de ce seul fait, un homme très cultivé.

La lecture est un moyen d’accomplissement. Elle nous permet de réaliser toutes les possibilités qui sont en nous. C’est un pas dans la voie du perfectionnement et une source de joie dans la recherche de la culture.

Pourquoi nous contenterions-nous de vivre dans un monde prosaïque, dépourvu des charmes du bon langage, des belles pensées et de tout sens sauf celui des besoins immédiats et de leur satisfaction par des auxiliaires mécaniques ? Le monde des livres est un royaume où l’esprit de l’homme demeure libre de se développer selon les modalités qu’il fixe lui-même.

Qui sait ? Peut-être serez-vous un de ces heureux lecteurs qui atteignent aux grandes profondeurs de l’esprit, qui découvrent la véritable poésie des choses et qui touchent la frange d’une réalité absolue et fondamentale.