Skip to main content
Download the PDF Version

L’ordre, la méthode et le plan ne sont pas autant de mots différents pour désigner une même chose, mais ils s’harmonisent fort bien tous les trois en tant que recette de succès dans les affaires comme dans la vie personnelle. Le plan n’est parfois qu’une série de bleus inertes ; la méthode s’applique à des êtres humains agissants et au changement inéluctable. L’ordre est agencement ; la méthode est action et démarche.

La méthode est le fruit de l’intelligence. Celui qui élabore une méthode de travail pour son entreprise, pour sa famille ou pour lui-même va au fond des choses. Il se sert de son jugement pour épargner des pas, du travail et de l’argent.

L’ordre et la méthode ne sont pas des fins en soi, mais des moyens pour exécuter des plans. La méthode permet à tous les services et à tous les employés de tirer dans le même sens, et c’est le résultat de l’effort de traction qui compte.

La méthode n’est pas une affaire de petits détails insignifiants, mais d’actions organisées conduisant à des fins souhaitées. Les procédés et les techniques sont d’importance secondaire par rapport aux buts dans lesquels la méthode est conçue. La méthode, c’est le sens de l’orientation allié à l’équilibre et à la préparation.

Une des fables d’Ésope raconte l’histoire du sanglier en train d’aiguiser ses défenses sur le tronc d’un arbre. Survient un renard qui lui demande ce que signifient ces préparatifs de guerre alors qu’il n’y a aucun ennemi en vue. « C’est possible, répond le sanglier, mais quand l’ennemi est en vue, il est temps de penser à autre chose. »

La nécessité de la méthode

Il n’est pas rare de trouver des gens qui écartent toute question de méthode et d’organisation afin de pouvoir s’occuper de problèmes plus « pratiques » à leur avis. Mais il n’y a rien de plus pratique que d’amener les employés à coordonner leurs efforts dans la poursuite des opérations de l’usine ou du bureau.

Toute entreprise suppose l’accomplissement de certaines choses, et en toutes choses la méthode vaut mieux que le hasard. Une grande partie du ruineux gaspillage qui sévit dans l’industrie et dans les foyers est due au manque de méthode et à la défectuosité des plans. Ces déficiences entraînent le mauvais usage des matériaux, de l’outillage, du temps et de la main-d’oeuvre. Elles révèlent une méconnaissance du fait qu’il est aussi nécessaire à l’entreprise, pour réussir, d’éviter les pertes que de réaliser des bénéfices.

Certains s’imaginent que tout s’arrangera très bien pour peu qu’ils travaillent davantage. Ce n’est pas toujours la bonne solution : le principal est de travailler plus efficacement. Ce qui importe, c’est d’organiser ses tâches de façon à marcher droit au but, d’user de méthode plutôt que de s’esquinter. Améliorer ses habitudes de travail, c’est améliorer sa méthode, et la méthode contribue à améliorer nos façons de travailler.

La méthode dans le travail représente une économie d’effort. Elle nous évite souvent d’avoir à faire face aux périodes de hâte, si épuisantes pour les nerfs et si peu propices à l’obtention de résultats satisfaisants. La méthode nous aide à développer nos aptitudes ; elle accroît le rendement ; elle contribue à dissiper l’ennui et à éliminer le sentiment de servitude qu’engendre le travail, tout en faisant gagner du temps que l’on peut consacrer à d’autres occupations.

Deux citations, tirées d’auteurs très différents l’un de l’autre, nous serviront à illustrer le principe de la méthode. Il existe, lit-on, dans un compte rendu du livre d’Hammond Inner, Le Mystère au Lac du lion, trois méthodes pour atteler les chiens de traîneau dans le nord canadien : en paires, en file par un ou en éventail. La méthode en éventail est la plus sûre sur la glace mince, car il y a peu de danger que tous les chiens y enfoncent en même temps. Mais la multiplicité des traits nécessaires dans ce mode d’attelage est l’un des grands inconvénients de l’éventail : les traits s’entortillent, et il arrive que l’attelage doive s’arrêter à peu près toutes les heures pour les détortiller ; de plus, les chiens placés de chaque côté de l’éventail n’exercent pas une traction directe sur le traîneau, ce qui représente un gaspillage d’énergie.

Comme s’il poursuivait cette pensée, Paul Nystrom écrit dans son Manuel de la commercialisation : « Dans les affaires, la méthode est un harnais dans lequel travaillent les hommes. Si le harnais s’emmêle, le travail d’équipe en souffre, les employés tirent à hue et à dia, et il y a friction et gaspillage d’efforts.

La situation change

Beaucoup d’hommes d’affaires avancent actuellement à tâtons dans le dédale qui débouche sur le traitement électronique de l’information, tout comme l’on fait leurs arrière-grands-pères pour la machine à écrire, leurs grands-pères pour le téléphone et leurs pères pour les machines comptables et facturières.

Les progrès rapides de l’informatique nécessitent non seulement des connaissances spécialisées, mais de la méthode dans leur application. On trouve dans tous les manuels de gestion des entreprises des pages sur la nécessité du travail méthodique et de l’esprit d’organisation.

Une fois convaincu que la méthode est une nécessité, il s’agit de la mettre en pratique. Mais c’est là un domaine si complexe aujourd’hui, qu’il est bon de s’en remettre au savoir et aux conseils des spécialistes. Pour répondre à ce besoin, on a eu recours à une nouvelle technique de gestion, qui s’appelle précisément la technique des systèmes complexes et dont le rôle se révèle maintenant indispensable pour assurer la coordination des travaux ou des entreprises de grande envergure.

L’élaboration d’une méthode

Pour établir une méthode, il ne suffit pas de s’asseoir à son bureau avec une feuille de papier et un crayon. Il faut savoir à quoi va servir cette méthode et quels sont les problèmes à résoudre. L’opération exige des connaissances préalables.

Examinez d’abord la manière actuelle de travailler. Notez par écrit, de façon assez détaillée, ce que vous observez à chaque stade. Le seul fait de consigner sur un bloc la raison, la nature, le lieu, le moment, l’auteur et les modalités d’une tâche assure la base nécessaire pour élaborer les idées qui indiqueront comment il est possible de faire mieux.

Il importe aussi de connaître la norme que l’on veut atteindre. C’est une vérité élémentaire, et souvent oubliée, que rien n’est bon ou mauvais que par référence à une norme que l’on a dans l’esprit. Plus les comparaisons que nous pourrons faire entre diverses façons d’accomplir les choses sont nombreuses, mieux nous serons en mesure de juger de la valeur d’une méthode donnée.

La mise au point d’une méthode ne se fait pas dans une assemblée de béni-oui-oui. Ce travail exige de la réflexion, de l’analyse et du discernement. On ne peut pas faire défiler sous ses yeux les éléments constitutifs d’une méthode, à la manière des cibles mobiles dans un tir forain, où le tireur n’a qu’une seconde pour charger, viser et presser la détente. Il faut user de jugement. On ne prend pas un projet de méthode au hasard ; on choisit entre plusieurs celui qui correspond à la situation.

Tout cela suppose naturellement le don de l’imagination. Il faut être capable de voir l’état des choses dans son ensemble et d’en discerner les exigences. Il importe aussi d’avoir la certitude que le problème abordé est le problème véritable : une erreur d’appréciation à ce stade peut désaxer toute l’opération.

Une bonne méthode est aussi simple que possible, compte tenu de la tâche qu’elle doit permettre d’accomplir ; elle doit être en rapport avec les ressources dont on dispose et n’omettre aucun élément essentiel. Lors d’un concours international qui eut lieu dans les premiers temps de l’aviation, les hôtes des États-Unis créèrent une méthode parfaite pour chronométrer les vols au centième de seconde, mais ils n’avaient aucun aéroplane à mettre en lice.

Des difficultés pourront surgir s’il s’agit de changer la façon actuelle de faire les choses. Une méthode établie a tendance à courir sur sa lancée ; pourtant, plus une méthode fonctionne depuis longtemps, plus il est nécessaire de l’examiner d’un oeil scrutateur. Le type de vie qui prévalait avant l’avènement de l’électricité et du chauffage central – se coucher et se lever avec le soleil – a mis des années à changer.

Une question judicieuse à se poser de prime abord consiste à se demander ce qui cloche dans la méthode actuelle de faire les choses. Recherchez la source du mal : il ne sera peut-être pas nécessaire de tout refaire la méthode, mais seulement de remédier à ce qui fait défaut.

L’implantation d’une méthode n’est pas uniquement une question de paperasse, de statistiques et d’habileté technique. Elle exige la conviction qu’elle répond à un besoin, la confiance dans l’efficacité du changement, la prévision des résultats et l’étude réaliste de son prix et de ses avantages.

L’une des premières choses à faire dans la recherche d’une méthode est de se poser des questions et d’en poser aux autres, et de tenir compte des réponses. Les cadres et les responsables ne sont pas plus obligés que les autres d’accepter un avis qui ne leur plaît pas, mais ils creusent leur tombe s’ils refusent de l’écouter.

Il est important de savoir écouter pour trois raisons : personne ne connaît mieux les problèmes du travail et les répercussions du changement que l’employé lui-même ; ce n’est qu’en écoutant que le chef pourra déceler un point de tirage éventuel avant qu’il ne se manifeste ; les employés aiment avoir le sentiment que le patron s’intéresse à leurs points de vue.

Il importe de veiller à ce que le passage à la nouvelle méthode se fasse sans heurts ni secousses. Que l’on songe aux effets du changement sur les habitudes, la dignité et la position de ceux qu’il touchera.

Établir un plan

Certaines personnes s’abstiennent de faire un plan parce qu’elles ont peur d’en devenir esclaves. Au contraire, le plan assure une base solide d’où l’on peut s’avancer sans inquiétude. Faire un plan, c’est organiser le matériel, le temps et la main-d’oeuvre dont on dispose, alors que la méthode consiste à les mettre en action de la meilleure façon possible pour atteindre son but.

Lorsqu’il s’agit de mettre une idée au point, voici une manière rationnelle de procéder. Notez par écrit les données essentielles. Ecoutez ce qu’on dit de la situation et du changement envisagé. Profitez des suggestions. Combinez les idées analogues. Modifiez les idées divergentes pour qu’elles servent vos fins ou écartez-les comme inutilisables. Eclaircissez tout ce qui pourrait être mal compris ou induire en erreur. Supprimez tous les points et les mots sans objet. Récapitulez à chaque étape. Etablissez des priorités pour la mise à exécution du changement. Demandez-vous si c’est là la façon logique, efficace et économique d’effectuer cette opération dans les circonstances.

Quand on sait vraiment où l’on veut en venir, il est relativement facile de faire des plans, mais les plans les mieux conçus vacillent et échouent si l’on ne sait pas les réaliser avec ordre et méthode.

La simplification du travail, dont l’Américain Mogensen a jeté les bases, offre une certaine utilité dans l’élaboration des plans. Elle comporte les cinq étapes suivantes : 1° Choisir le travail à améliorer ; 2° Réunir les faits – faire une analyse de déroulement ; 3° Critiquer chaque détail – noter les possibilités ; 4° Elaborer la méthode préférée ; 5° Appliquer les améliorations ; contrôler les résultats.

La mise en route d’une nouvelle méthode doit s’accompagner d’instructions écrites. Ainsi, tous les intéressés auront une idée générale de la chose, et chacun saura ce qu’on attend de lui.

Une méthode ne doit pas négliger l’importante question du consentement de l’employé. En mettant la méthode noir sur blanc, en l’énonçant, vous fournissez à ceux qu’elle concerne ce qu’il leur faut savoir pour éprouver le désir de la faire fonctionner.

Formuler une méthode c’est un peu comme écrire une pièce. Certains rôles sont confiés à certains acteurs. Aux mots, qui sont les instruments des acteurs, il faut ajouter les indications scéniques. Celles-ci, quand elles s’adressent à des employés d’usine ou de bureau, sont des verbes d’action : préparer, envoyer, montrer, obtenir, noter, fournir, contrôler, recevoir, expédier. Si la méthode n’est pas expliquée clairement, l’employé est comme le joueur de bridge qui dit d’un ton irrité à son partenaire : « Je ne puis suivre Culbertson quand j’ignore quelle technique mystérieuse vous employez. »

Mais l’ordre et la méthode ne doivent pas dégénérer en tyrannie. Certains organisateurs sont obsédés par la tentation de surorganiser, ce qui entraîne l’asphyxie de l’entreprise. Tirant une comparaison de Darwin, un auteur nous dit que tout comme l’instinct maternel pousse la mère à exagérer l’importance de sa progéniture, ce qui a pour effet d’augmenter ses chances de survie, l’homme qui enfante une nouvelle méthode croit qu’il n’y en a jamais eu d’aussi parfaite, et il en défend l’existence.

Le moment de l’action

Il faut des personnes compétentes pour faire marcher une méthode. Le responsable, le chef, le contremaître, qu’on lui donne le titre qu’on voudra, joue le premier rôle dans la mise en oeuvre d’une méthode. Pour réussir, peut-être devra-t-il « renaître », afin de se libérer d’anciennes habitudes de conduite et d’action, d’adopter ce qui a de la valeur dans le nouvel ordre des choses et de s’initier à de nouveaux principes de pensée.

L’économie du travail est aussi importante en matière de direction qu’en matière d’outillage. Et le pivot de l’économie c’est la méthode qui préside à l’emploi de la main-d’oeuvre, des matériaux, des fonds et du temps.

Il est impossible d’obtenir le maximum de rendement des employés sans organisation. L’ordre et la méthode permettent aux chefs de distinguer les bons ouvriers des inutiles, de répartir les tâches selon les aptitudes de chacun, d’utiliser le meilleur personnel possible et le plus économique, c’est-à-dire de ne pas faire appel à un sourcier s’il peut s’adresser à un géologue diplômé ni confier un travail sans importance à un spécialiste.

Les méthodes doivent avoir des limites. Chacun sait que la méthode a pour but d’éviter le désordre. Mais l’essentiel est de savoir jusqu’où la méthode doit aller pour ce faire et dans quelle mesure il convient de tolérer le désordre pour éviter de verser dans l’embrigadement. Adopter une méthode ce n’est pas renoncer à toute humanité. Nous voulons de l’ordre, mais de l’ordre avec des tolérances, de l’ordre sans précisions tatillonnes, de l’ordre où il y a place pour la liberté d’action.

Il importe de se rappeler que l’on a affaire à des êtres humains. Toute entreprise se compose d’hommes et de femmes libres, qui sont plus difficiles à assujettir à des plans que des esclaves. Ils veulent imprimer à leur travail le cachet de leur personnalité. Ils ont droit de conserver leur liberté dans le cadre de l’organisation, de se mouvoir dans une orbite aussi vaste que possible, mais qui doit demeurer compatible avec le maintien général de l’ordre et de la méthode.

Il est vrai qu’il faut établir des consignes et les faire observer : on ne peut jouer aux échecs sans accepter la rigidité des cases de l’échiquier et des règles qui gouvernent le déplacement des pièces. On lit dans le Règlement d’une entreprise : « Ces règles n’ont pas pour but de restreindre les droits de qui que ce soit, mais d’attirer l’attention du personnel sur le plan qu’il est sage de suivre à notre avis. »

Avoir de l’ordre

Les méthodes n’ont pas uniquement pour fonction de permettre à l’entreprise d’orner ses murs de tableaux impressionnants où de savantes flèches guident l’oeil de rectangles en rectangles bien délimités. Elles servent d’abord à organiser les activités et à en assurer l’exécution de façon ordonnée.

Il est beaucoup plus agréable et plus satisfaisant de travailler dans un lieu où il y a de l’ordre. C’est là une affirmation qu’il est facile de rejeter, et ceux qui le font ont souvent à le regretter, mais c’est une affirmation dont chacun aurait profit à faire l’épreuve. Dès qu’on a pris l’habitude de l’ordre, il est nettement plus facile d’être ordonné que désordonné.

Dans un lieu de travail, l’ordre facilite la solution des problèmes et l’exécution des opérations, tandis que le désordre nuit à la rapidité de l’employé et à la précision de son travail. L’habitude de remettre les choses à leur place fait partie intégrante de l’ordre. Le menuisier et le mécanicien n’ont pas à interrompre leurs tâches pour prendre un outil. Il doit en être ainsi du chef de service, dans son bureau, qui désire avoir son stylo, son timbre de caoutchouc ou un trombone, et de la ménagère, dans sa cuisine, qui a besoin de son rouleau, de son jeu de mesures ou de sa salière.

Le classement fait aussi partie du bon ordre. C’est le procédé logique qui consiste à ranger ensemble les choses qui vont ensemble. Il empêche la confusion, épargne à l’esprit la contrariété de ne pas trouver les instruments de travail au moment voulu et élimine la cause de nombreuses irritations. S’appliquer à devenir ordonné est une tâche d’autant plus intéressante qu’elle exige de l’ingéniosité, qualité dont nous aimons tous à faire montre.

Dans la vie personnelle

Le fait d’avoir une méthode aide à penser juste et à combattre la confusion des idées, à distinguer l’essentiel de l’accessoire. C’est ce que pratiquait Napoléon en rangeant les choses dans son esprit comme dans une commode. « Lorsque je veux, disait-il, expulser une question de ma pensée, je ferme son tiroir et j’ouvre le tiroir réservé à une autre. Les contenus de chaque tiroir ne se mêlent jamais, et jamais ils ne me causent ni souci ni fatigue. »

L’organisation intelligente de sa vie donne plus de valeur à l’expérience d’un homme et réduit le nombre de ses échecs et de ses déceptions. Si elle ne contribue pas à leur création ni à leur disciplinement, la méthode favorise les idées novatrices qui engendrent le travail créateur. L’avantage de profiter de l’occasion favorable et de se faire donner sa chance appartient à l’homme qui s’est arrangé pour être prêt à le saisir. Il participe ainsi à part entière au phénomène de la vie. Cela lui fait prendre conscience de son importance personnelle et de sa capacité de faire de grandes choses, de ce que les connaissances qu’il a acquises lui permettront de diriger les efforts d’autres hommes.

Le temps est un élément de la méthode qu’il ne faut pas gaspiller. Certains contractent l’habitude de s’affairer à de menues besognes, peut-être en guise d’excuse pour ne pas attaquer un travail qui les préoccupe, mais qui ne les intéresse pas.

La remise au lendemain, ce fléau universel, ne fait pas le désespoir de celui qui a de la méthode. Il répartit ses tâches en petites unités facilement maniables, afin que leur trop lourd fardeau ne l’incite pas à en différer l’exécution.

Organiser sa vie de façon méthodique, c’est laisser peu d’espaces vides dans sa journée ; mais les horaires que nous faisons doivent correspondre à notre cas personnel. Emerson met en opposition les oies domestiques de la campagne allemande marchant en se dandinant sur la route du marché et les oies sauvages volant de l’Alaska vers les pays chauds. Il serait ridicule de mesurer la vitesse des uns et des autres selon les mêmes normes, sous prétexte qu’il s’agit de deux troupeaux d’oies.

Être prévoyant et vigilant

Il y a deux autres facteurs à faire entrer dans l’élaboration d’une méthode : la prévoyance et la vigilance.

Il est parfois nécessaire de résister à notre propension à poursuivre la tâche afin de mieux voir venir les choses. Peut-être pouvons-nous nous inspirer ici d’un exemple tiré de la marine de guerre. Les officiers des navires qui prirent le Bismarck en chasse après qu’il eut gagné l’Atlantique tracèrent au crayon sur leurs cartes des arcs indiquant la position éventuelle la plus éloignée du cuirassé allemand, compte tenu des routes qu’il pouvait suivre et de sa vitesse. L’ordre et la méthode nous mettent en bien meilleure posture pour prévoir le déroulement des événements que le périlleux parti d’avancer au hasard.

La prévoyance nous permet d’aborder les tâches avec détermination et sans délai. En revenant à son bureau après avoir suivi une réunion, le reporter pense déjà au bref résumé qui coiffera son article. C’est aussi ce que faisait le maréchal Montgomery. « Durant le voyage, écrit-il, je réfléchissais aux problèmes qui m’attendaient et j’arrivais à me faire une certaine idée, du moins dans les grandes lignes, de la façon dont j’allais m’y prendre. »

Fonctionne-t-elle bien ?

Une méthode doit faire l’objet d’une évaluation et d’une réévaluation continuelles. Accomplit-elle ce pour quoi elle a été établie ? S’engrène-t-elle dans les autres méthodes de l’entreprise ? Y a-t-il proportion entre son coût et ses avantages ?

La séduction de la nouveauté est la qualité la plus superficielle d’une nouvelle méthode. Le seul critère pour juger de sa valeur est de se demander dans quelle mesure elle fonctionne bien.

Il se peut, par ailleurs, qu’une méthode paraisse au début difforme et débraillée, mais il en est ainsi de la larve qui se transforme en papillon aux vives couleurs.

Donnez à votre méthode une chance loyale mais décisive de se révéler. Si elle est bonne, elle vous permettra, en vous libérant, de vous occuper des problèmes de tactique et de stratégie dans d’autres secteurs.

Croyez au succès de votre méthode. Mais que votre foi soit le fruit d’une réflexion intelligente et d’un plan précis. Qu’elle n’aille pas cependant jusqu’au point de vous faire prendre votre méthode pour un remède-miracle, si extraordinaire que puisse en paraître le résultat final.

Les méthodes les mieux imaginées ne sont pas toujours indétraquables, mais sans méthode nous serions continuellement en panne. Quand les plans se dérèglent et que nos espoirs sont déçus, le mieux est encore de faire de nouveaux plans et de réexaminer sa méthode.