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Le Canada en tant que nation comptera 104 ans d’existence en juillet, mais le Canada en tant que terre de colonisation européenne date de 1534, année où Jacques Cartier aborde sur nos côtes. Au lieu de la route maritime vers l’Orient qu’il recherche, Cartier découvre une contrée plus vaste et plus belle que tout ce qu’il avait rêvé.

Au moment de la venue des premiers colons en terre canadienne, les Français et les Anglais étaient déjà des peuples cultivés, dont la civilisation plongeait des racines fort anciennes dans les lettres, les arts, les sciences et le gouvernement. Les uns et les autres jouissaient de structures sociales d’ordre supérieur.

La mobilité croissante de l’espèce humaine devait amener sur nos bords des millions d’hommes et de femmes de beaucoup d’autres cultures. Les Canadiens d’aujourd’hui sont issus de plus d’une soixantaine de communautés nationales différentes. Et ils ne se sont pas fondus en une masse uniforme. Comme l’écrit John Murray Gibbon dans l’introduction de son livre intitulé La Mosaïque canadienne, « le peuple de notre pays ne connaît pas depuis assez longtemps la vie commune pour être fixé dans ses habitudes … il ne forme pas encore un type homogène ».

S’adressant aux Canadiens d’origine ukrainienne, dans les années trente, le gouverneur général, le baron Tweedsmuir, disait : « Je vous demande de ne pas oublier vos vieilles traditions ukrainiennes, vos magnifiques travaux d’artisanat, vos chants et vos danses folkloriques, vos légendes populaires. Vos traditions sont autant de précieux apports à notre culture canadienne, qui doit être quelque chose de nouveau, fait des contributions de tous les éléments dont se compose la nation. »

Nous sommes d’ascendances multiples. Les Canadiens francophones comptent plus de générations en Amérique que tout autre peuple de race blanche au nord du Rio Grande, à l’exception des Espagnols. Les autres nationalités sont venues s’y ajouter au cours des ans. La question capitale qui se pose aujourd’hui est celle-ci : « Pouvons-nous nous entendre les uns avec les autres ? » Si l’on n’y répond pas par l’affirmative, toute autre question devient superflue, car notre survie est impossible.

La culture canadienne

Nous formons donc un assemblage hétérogène d’habitants, réunis dans un pays d’avenir et d’émulation, et ayant à affronter ensemble des problèmes d’une grande variété. De même que, dans le domaine économique, chaque province et chaque région doit chercher à faire en sorte que sa population jouisse d’un niveau de vie comparable à la norme canadienne, ainsi doit-elle s’efforcer d’harmoniser sa culture avec celle à laquelle on est parvenu dans d’autres parties du pays.

Un État où il existe des différences géographiques, raciales, politiques et économiques peut réaliser l’unité et combler ses dissemblances par le fusionnement de ses nombreuses cultures. Au lieu de subsister en tant qu’agglomération isolée de personnes dans des provinces et des collectivités séparées, ses habitants deviennent alors un groupe d’hommes et de femmes unis par des intérêts communs et liés par une même culture.

Ainsi, toutes les traditions et la sagesse de plus d’une soixantaine de groupes ethniques peuvent se transformer en patrimoine commun, où chacun puise ce qu’il a de meilleur, déverse en retour ce qu’il juge le plus valable et s’efforce de rendre le tout accessible à chaque citoyen.

Les Jardins japonais de Lethbridge ont été construits par la ville en hommage aux Japonais du sud de l’Alberta. Parallèlement, le style et la forme des jardins eux-mêmes représentent pour le Canada un apport de l’antique héritage culturel du Japon.

Le Canada mène une des expériences les mieux réussies au monde en matière de fusion culturelle. La tâche qui nous incombe est de créer une société dans laquelle les citoyens acceptent, de leur plein gré, de vivre ensemble dans l’unité. Cela suppose, selon la formule d’Arnold Toynbee, « les adaptations et les concessions de grande portée sans lesquelles cet idéal ne peut se réaliser dans la pratique. »

Le Canada n’ambitionne pas d’être une utopie de livre de contes. D’ailleurs, la lecture des Utopies imaginées par divers auteurs révèle que la vie y était d’une monotonie insupportable. Le genre d’utopie que nous désirons est celle où rutileraient les feux multiples des pierres précieuses apportées par des groupes de toutes sortes et que viendrait égayer l’éclat de coutumes nationales nombreuses et variées.

Par les liens d’une culture commune, le Canada peut devenir une association amicale vouée aux intérêts du bien général. Le sens du canadianisme collectif n’implique pas nécessairement la doctrine de l’uniformité nationale. D’après Hugh McLennan, « une culture canadienne ne peut être que le fruit de l’expérience canadienne. » Nous essayons, pour voir un peu et en contrôler la qualité, les cultures apportées des autres pays, et nous les acceptons dans la mesure où la droite raison nous révèle qu’elles procureront le plus de satisfaction véritable à tous les citoyens.

Ce qu’est la culture

Le mot « culture » a l’inconvénient, comme le mot « démocratie » de ne pas avoir le même sens pour tout le monde.

Si l’on compte 164 définitions connues de la culture, celle qui a été retenue à la Seconde Conférence d’études du Commonwealth du duc d’Édimbourg, réunie au Canada en 1962, est aussi simple que complète. « La culture, dit cette définition, est le tout complexe qui comprend le savoir, les croyances, l’art, la morale, la loi, les coutumes et toutes les autres ressources et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société. »

Les valeurs permanentes de notre pays ne peuvent que bénéficier de la culture, car notre culture colore nos actions dans tous les secteurs de la vie. L’abondance est plus agréable et l’adversité plus supportable pour les gens cultivés. Accroître sa culture est à la fois un art délectable et une condition de survie. Celui qui cesse de s’élever par sa culture tombe à un niveau plus bas de l’échelle animale. En fait, comme le dit Einstein, sans la culture, le fondement même de notre croyance dans la nécessité de l’existence de l’espèce humaine disparaîtrait.

Être cultivé ne veut pas dire qu’il faille aimer indistinctement tout le monde ou appuyer les idées de raffinement du premier venu, ou encore nous prosterner devant l’idole de chacun de nos semblables, mais simplement développer notre personnalité et apprendre à nous entendre avec les autres. La culture ne peut exister qu’au sein d’une société d’hommes et de femmes, et nulle société ne saurait fonctionner sans directives culturelles.

Rejeter la culture sous prétexte que l’on est « un homme sans façons », c’est verser dans le snobisme à rebours. La civilisation est plutôt un processus de l’intelligence et de l’esprit qu’un produit de la technique et de la politique. Cela ne veut pas dire que nous devons tous lire les classiques dans le texte ni être capables d’assigner une date aux peintures des anciens maîtres ou de distinguer une aria d’un opéra, mais cela nous exhorte à enrichir notre intelligence de façon à apprécier toutes ces choses. Il y a de vastes possibilités de culture qui s’offrent aux gens ordinaires et de simple condition.

Le sens social

Le sens social naît lorsque nous apprenons à chérir et à pratiquer les croyances qui contribuent au bien de la société. Il ne s’acquiert pas à coup de lois du de règlements. Un des grands obstacles à l’esprit de perfectionnement culturel est le démagogue qui enseigne que le sens social, acceptation d’un commun accord de ce qui vaut le mieux pour les citoyens, peut être imposé par le législateur. Winston Churchill rejette cette idée dans un de ses discours à la Chambre des communes : « Le Parlement, dit-il, peut forcer le peuple à obéir ou à se soumettre, il ne saurait forcer son consentement. »

La culture joue un grand rôle dans la vie réelle. Les hommes peuvent habiter ensemble, dans des conditions exceptionnellement variées, s’ils sont animés par les mêmes mobiles culturels, et vivre dans l’harmonie, la sincérité et la loyauté. Le Canada veut être, selon la conception du pays idéal de Rebecca West : « Un refuge où l’on reconnaît avec magnanimité tous les talents et où l’on ferme les yeux sur tous les travers pardonnables. »

Pour l’orateur athénien Isocrate, l’unité était l’unique moyen pour la Grèce de conserver la liberté et l’indépendance en compagnie d’un puissant voisin. Le philosophe d’aujourd’hui voit dans la culture un espoir de maintenir l’harmonie dans une population où sont représentées tant de nationalités diverses et d’assurer l’indépendance de notre pays au sein de nations plus populeuses et plus grandes que lui.

Être cultivé, c’est avoir tendance à préférer ce qui est supérieur – chose ou idée – à ce qui est inférieur et à tenter de faire mieux encore. Les traditions et les arts apportés par nos ancêtres sont un exemple et une source d’inspiration pour leurs descendants actuels, qui sont ainsi en mesure de faire face aux exigences de cette ère nouvelle à la lumière des idéaux les plus nobles d’hier et d’aujourd’hui.

Notre arbre généalogique

Les Canadiens n’ont aucune excuse pour être des gens dont la vie, les espoirs et la contribution à la culture se confineraient à des groupes restreints. Ils parlent plusieurs langues, ils appartiennent à diverses religions, ils ont de nombreuses coutumes, ils représentent toute une tranche de l’humanité. Les groupes raciaux se complètent les uns les autres par leur apport à la culture nationale. Accepter ce qu’ils offrent avec fierté, c’est se montrer solidairement compréhensifs de nos rapports les uns avec les autres.

Toutes ces personnes diffèrent entre elles par certains côtés. Comme le dit Emerson : « La Nature ne se répète jamais en créant ses enfants et elle ne fait jamais deux hommes semblables. » Chacun a des qualités d’esprit et des talents à faire valoir. En retour, le Canada assure à tous la possibilité d’exprimer librement leurs idées. Nombreux sont ceux qui immigrent dans notre pays pour échapper aux contraintes qui pesaient sur leur liberté d’action ou d’opinion dans leurs pays. Ils viennent chercher ici un abri contre l’esprit de discorde et la sécurité nécessaire pour réaliser leur désir de vivre heureux.

Mais ceux qui peuvent enrichir notre culture ne sont pas tous des nouveaux venus. Certains ont passé toute leur vie au Canada en tant que descendants des colons qui se sont établis dans notre pays il y a des siècles. Ils ont conservé, gardé bien vivantes et fait épanouir les croyances et les coutumes transmises de génération en génération pendant des milliers d’années, dans leurs patries d’origine.

Ces gens ont leurs usages populaires et leurs moeurs. Les usages populaires sont les façons dont un peuple accomplit les activités courantes de la vie commune. Les moeurs sont les usages populaires qui sont censés avoir une influence sur le bien-être du groupe. La conservation des usages populaires au sein des petits groupes mérite d’être encouragée aussi fortement que la sauvegarde des moeurs dans le groupe général dont ils font partie.

Il n’y a pas de civilisation sans traditions. Les traditions sont un ensemble de valeurs fondées sur des croyances religieuses, culturelles et sociales léguées d’âge en âge. Elles sont la somme de l’expérience et des enseignements du passé, accumulés à travers les siècles, dont la réunion fait de nous des civilisés.

Ces traditions, le Canada les a reçues de sources abondantes et variées. Environ trente pour cent de la population canadienne n’est ni française ni britannique d’origine. Les Rameaux de la famille canadienne (Direction de la citoyenneté, Ottawa, 1967, en vente chez l’Imprimeur de la Reine et dans les librairies d’Information Canada) fait état de 47 groupes raciaux dans la mosaïque canadienne. Voici l’imposante généalogie du peuple canadien que nous présente cet ouvrage :

Allemands Finlandais Macédoniens
Américains Français Maltais
Anglais Gallois Métis
Antillais Grecs Moyen-Orientaux
Arméniens Hollandais Norvégiens
Autrichiens Hongrois Polonais
Belges Indiens Portugais
Biélorusses Indonésiens Roumains
Bulgares Irlandais Russes
Chinois Islandais Serbes
Croates Italiens Slovaques
Danois Japonais Slovènes
Écossais Juifs Suédois
Espagnols Lettons Suisses
Esquimaux Lithuaniens Tchèques
Estoniens   Ukrainiens

Comment aider les nouveaux venus

Notre honneur nous fait un devoir d’offrir une place aux gens de toutes croyances, une place non seulement sur notre sol, mais aussi dans nos esprits et dans nos vies.

Notre hospitalité pourra être une véritable bénédiction grâce à la bienveillance de notre attitude et à la sincérité de nos efforts pour comprendre les problèmes de nos hôtes. L’application du précepte de la charité est tout autre chose que de pousser dans le gosier des autres ce que nous jugeons bon pour eux. L’homme cultivé n’oublie pas cette maxime de G. B. Shaw : « Ne faites pas aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fassent. Leurs goûts ne sont peut-être pas les mêmes. »

La courtoisie envers les opinions et les habitudes des autres fait partie intégrante de la civilisation. Les questions de maintien, d’attitude et de respect ne doivent pas être négligées sous prétexte qu’elles sont frivoles ou sans importance. Ce sont des éléments essentiels dans la vie et le bonheur de tout citoyen.

L’ouverture d’esprit

L’une des caractéristiques de l’homme cultivé est son degré d’ouverture d’esprit. Nous sommes injustes envers notre intelligence si nous ne l’incitons pas à examiner les vues et les croyances des autres. Si bien informés que nous soyons, nous n’avons pas le droit de supposer que tous ceux qui ne partagent pas nos idées ou nos coutumes se trompent ou sont des insensés.

Être cultivé, c’est accueillir les autres dans le respect mutuel. Cela exige la communication et l’échange des idées, c’est-à-dire l’occasion, pour nous et pour les autres, d’accroître notre compréhension réciproque. C’est ouvrir nos yeux, nos oreilles et notre esprit de façon à ne plus trimbaler une charge de notions et d’idées fausses. Cela nous demande d’éviter le chauvinisme, qui est une vanité excessive de nos opinions et un mépris analogue des idées des autres. Il ne convient pas, par contre, de nous complaire dans une béate admiration mutuelle, mais de faire preuve d’une tolérance éclairée, ce qui est l’une des qualités propres de la démocratie.

C’est là une question de bonne santé mentale tout autant qu’un devoir social. Il est désastreux pour notre tranquillité émotive de nourrir de l’aversion à l’égard des autres parce qu’ils ont des opinions différentes des nôtres, même si leurs croyances nous paraissent bizarres. Nous connaîtrons une vie meilleure et plus sereine en appliquant nos esprits à comprendre la totalité de notre société et non pas seulement le petit coin que nous occupons.

La libre discussion est un élément important de cette compréhension. La société idéale serait celle du dialogue, du dialogue sur le perfectionnement de la société et dans lequel toute personne cultivée participerait sans passion à l’étude des problèmes communs. Dans un dialogue véritable, les gens peuvent, ou bien se mettre d’accord, ou bien différer à l’amiable.

L’homme civilisé sympathise avec les autres hommes civilisés quels que soient leur lieu de naissance, la partie du pays qu’ils habitent, la profession ou le métier qu’ils exercent. Il sait que c’est le propre de la nature humaine que de se faire des amis et que son appartenance à un pays lui impose des obligations conjointement avec tous les autres citoyens. Nous formons, par la force des choses, une société de coopérations et nous avons tous besoin les uns des autres pour survivre.

Le besoin de liens de solidarité

Le poète Sam Walter Foss a écrit des vers sur ceux qui vivent retirés dans la paix de leur suffisance, mais son poème signale que personne ne peut connaître une existence féconde en vivant en ermite. Chacun a besoin de fraterniser avec les autres pour révéler sa personnalité. Lorsqu’un lingot d’or est mis en contact avec un lingot d’argent et que les deux lingots sont pressés l’un contre l’autre pendant plusieurs mois puis séparés, on trouve des traces d’or dans le lingot d’argent et des traces d’argent dans le lingot d’or. « Des particules d’or et d’argent, nous dit un atomicien, émigrent de part et d’autre de la frontière. »

Le partage des responsabilités et la bonne volonté réciproque sont pour nous le seul principe valable de la vie en société. Qu’il soit fondé sur l’origine raciale, la langue, les coutumes ou la profession, le régime des castes demeure un ennemi redoutable de la culture nationale.

Peu importe la partie du pays ou l’importance de la localité où ils habitent, les nouveaux venus deviennent des Canadiens. Le moindre hameau peut se vanter de faire partie du Canada et ses habitants dire en s’inspirant de l’empereur Marc Aurèle : « Ma ville et mon pays, en tant qu’Antonin, c’est Rome, mais en tant qu’homme, c’est l’univers. »

Les concessions et l’adaptation s’imposent entre les gens d’antécédents différents qui se groupent en une union. Certaines dissemblances s’harmonisent facilement, alors que d’autres subsistent et font obstacle à l’unification de la nation.

« Il est bien, écrivait une commission des groupes minoritaires, d’encourager l’existence de traditions, de cultures, de religions et d’antécédents différents, pourvu que les personnes en cause adhèrent aux normes fondamentales de la nationalité canadienne. »

Lors de la Seconde Conférence d’étude du Commonwealth, en 1962, le gouverneur général du Canada, le très honorable Vincent Massey, disait : « Nous sommes une société pluraliste composée de deux grands et plusieurs petits groupes culturels. Il n’existe aucun mode de vie canadien distinct, uniforme et prépondérant dans lequel les nouveaux arrivants viendraient s’insérer et se refaçonner. Nous sommes accueillants aux distinctions. »

L’individu et la famille

Le Canada subsistera au-delà de notre existence éphémère, mais il absorbera et transmettra aux générations futures la contribution apportée par chacun de nous à sa personnalité et à sa culture. La culture permet à tous de faire profiter les autres de leurs dons intellectuels et spirituels et de jouer un rôle dans l’essor de leur pays.

La famille est le facteur le plus important dans l’orientation de la culture. C’est dans son sein que sont comblés nos besoins d’affection, de bien-être et de nourriture, et c’est là aussi que s’épanouit la vie en commun et que commence la culture.

C’est par l’esprit familial que le Canada conservera sa cohésion. Cette vertu permettra à notre pays de reconnaître les différences qui existent entre ses enfants, de laisser libre champ à chacun pour croître en savoir et en sagesse, de compter avec la diversité de désir, d’ambition et d’action, mais elle lui aidera aussi à défendre son intégrité en tant qu’entité appelée à garantir tous ces avantages.

Il se peut que des personnes issues de multiples nationalités se ressouviennent avec nostalgie de l’âge d’or qu’ont connu leurs ancêtres, mais les jeunes gens qui peuplent maintenant les foyers canadiens ont l’occasion et la vocation de créer un nouvel âge d’or. La culture leur donne une option sur l’avenir et l’avantage de modeler leurs idéaux en conséquence.

Le destin culturel du Canada peut sembler vague et douteux, comme les côtes de notre pays, où les brisants, les rochers et les dunes se confondent avec le ciel et la mer. En regardant la carte du passé du Canada, comme celle de tout autre pays ancien et moderne, nous discernons des plateaux sans aspérités ni accidents, des dépressions et des ravins, et quelques cimes remarquables. Ainsi en est-il de notre avenir culturel. Les progrès seront peut-être lents et irréguliers, mais l’effort de collaboration des citoyens peut en assurer la réalisation.

Membres les uns des autres

S’il est pour nous un obstacle plus paralysant qu’un autre, c’est notre tendance à considérer comme quelque chose de tout à fait normal les valeurs et les avantages de notre mode de vie canadien. Cette société libre, réputée dans l’univers pour ses libertés individuelles, ses grandes possibilités d’autoperfectionnement et le sentiment de sécurité et d’apaisement qu’elle offre au monde, a été conquise grâce aux luttes, aux sacrifices et à l’intelligence des hommes et des femmes qui nous l’ont léguée, et elle s’est développée pendant trois siècles sous l’action de leurs descendants. Notre culture, héritée du passé et mise en oeuvre, est ce qui nous incite à regarder avec tristesse l’immense inquiétude qui plane sur le monde et à tenter de mettre de l’ordre dans nos vies.

Nous devons sauvegarder les qualités et les traditions enviables apportées par chaque groupe racial au Canada et nous garder d’affecter une attitude blasée, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays. C’est ainsi que nous édifierons une culture canadienne qui témoignera que nous formons une nation viable, où les citoyens ont l’impression de vivre dans une fraternité évocatrice de l’éloquente formule de saint Paul : « Nous sommes membres les uns des autres. »