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Chacun est appelé, dans le courant de la vie, à se servir des diverses formes de communication écrite. Aussi est-il bon d’avoir quelques notions des différentes techniques requises. Qui les connaît peut, sans difficulté ni angoisse, rédiger un article pour un journal, un compte rendu pour une association, une annonce ou une lettre pour son entreprise.

On ne saurait trouver meilleur exemple, pour illustrer les diverses façons de décrire sous des formes variées un même événement, que ce chef-d’oeuvre des temps anciens qu’est l’Odyssée d’Homère.

Dans son texte original, l’Odyssée compte 11,000 vers, mais Aristote en a fait, plusieurs siècles après, un résumé qui tient en 79 mots :

Un homme est absent de son foyer pendant un certain nombre d’années ; étroitement surveillé par Poséidon, il voit disparaître tous ses compagnons alors que chez lui ses affaires se détériorent au point que les prétendants de sa femme dissipent ses biens et conspirent contre son fils. Après avoir fait naufrage dans une tempête, il revient chez lui, se fait reconnaître de quelques-uns et attaquent les prétendants, ce qui entraîne à la fois son triomphe et l’extermination de ses ennemis.

« Voilà, dit Aristote, l’action véritable de l’Odyssée. Le reste n’est qu’épisodes. » Mais quel choix d’épisodes et quel art de la narration !

Le sujet du poème est le retour d’Ulysse à Ithaque, sa patrie, après la prise de Troie. Son héros est le symbole classique de l’endurance et de l’ingéniosité humaines. Ce qui empêche l’oeuvre de n’être que l’interminable histoire d’un aventurier sans principes, c’est que la ruse d’Ulysse, comme celle de Robin des Bois, s’emploie à la poursuite de fins héroïques. Ce qui en fait tout autre chose qu’un simple récit de voyages, c’est le style génial d’Homère.

Regardez ce qui se passe

Ce qui frappera d’abord, chez Homère, le rédacteur novice, c’est sa faculté manifeste d’observation. Voilà pourquoi ses images sont si abondantes, si vivantes et si empreintes d’authenticité, ce qui permet au lecteur de vivre les événements comme s’il était là. Homère avait de toute évidence créé chez lui un état d’expectative mentale grâce auquel il était constamment à l’affût de l’aspect inhabituel des événements. Le rédacteur d’aujourd’hui doit envisager la vie quotidienne avec des yeux aussi grands ouverts, capables de rechercher et de percevoir le vif intérêt que recèlent les petites choses.

Observer c’est se renseigner. L’écrivain ou le rédacteur est un éternel étudiant ; il ne cesse jamais de s’instruire. Pour lui, rien n’est inutile.

Si le travail à faire consiste à rédiger un exposé sur la rénovation urbaine, le rédacteur devra connaître les faits relatifs au logement et à l’emploi du terrain ; il lui faudra étudier les textes déjà établis, et il devra avoir observé personnellement les faits dont ils traitent.

La facilité de penser, d’ordonner ses idées, l’art de bien s’exprimer, cela peut s’acquérir par la lecture. Quiconque souhaite bien écrire ne saurait se permettre de ne pas lire. Il en est ainsi pour celui qui écrit des lettres d’affaires comme pour celui qui écrit des romans. Il ne suffit pas de feuilleter ou de consulter les encyclopédies et les ouvrages analogues. La véritable lecture consiste à s’imprégner des meilleurs auteurs jusqu’à ce que leurs écrits deviennent partie intégrante de notre inconscient et que leurs livres soient nos guides, nos conseillers et nos amis quelle que soit la situation où nous nous trouvions.

Sachez où vous allez

Étant plus qu’une simple mécanique, la rédaction ne peut se réduire à un ensemble de règles. Chaque écrit a son caractère distinctif et exige que l’on réponde à certaines questions.

Pour qui écrivez-vous ? À quelle fin le texte est-il destiné ? Avez-vous les données nécessaires ? Qu’est-ce que vous avez de neuf à apporter, ou vous proposez-vous de réunir les connaissances existantes sous une forme nouvelle ou plus intéressante ?

Tout ce que vous écrivez devrait tendre, entre autres choses, à faire comprendre un aspect de la société ou à illuminer un secteur de la vie. Votre but est d’informer, d’enseigner ou de divertir.

Qui veut bien écrire doit écrire souvent, car c’est en écrivant qu’on devient écrivain.

Le plus grand péril qu’Ulysse eut à vaincre, dans ses luttes contre les forces adverses, fut la tentation de vie facile à laquelle voulurent le faire succomber des voix ensorceleuses. Des séductions analogues guettent tous ceux qui écrivent, les poussant à bâcler le travail consciencieux qui est le secret du bon style. Même si ce que vous écrivez n’a pas l’ampleur d’une épopée, la fierté du « métier » vous empêchera de le faire d’une main nonchalante et d’imposer ainsi la tâche à vos lecteurs de chercher à y comprendre quelque chose.

Tout ce que vous écrivez doit avoir de la consistance, afin d’être compris et avoir des limites, afin d’être compris en totalité. Cela signifie à la fois dire ce que vous avez à dire et traiter les données nécessaires de votre sujet de façon intelligible et avec le moins de mots possible.

La brièveté ne consiste pas à employer peu de mots, mais à bien exposer la question avec le plus petit nombre de mots possible. On cite parfois le discours de Lincoln à Gettysburg comme modèle de brièveté. Ce qui importe surtout, c’est qu’il dit tout ce qu’il fallait dire. Ce discours démontre aussi autre chose. Il n’est pas nécessaire d’avoir une pièce spécialement meublée et insonorisée pour écrire : Lincoln rédigea ce chef-d’oeuvre du genre dans un train.

Après l’avoir écrit, relisez votre texte avec soin. Tout ce que nous couchons sur le papier voit le jour avec une certaine crainte, comme un poussin sortant de la coquille, mal assuré sur ses pattes et appréhendant l’accueil qu’on lui réserve. Accordez une attention méticuleuse à cette nouvelle progéniture que vous venez d’enfanter.

Ne soyez pas banal

Le rôle du style est 1° de faire comprendre ce qu’on dit et 2° de l’élever au-dessus du commun.

Dans un récit ou un exposé, trois choix s’offrent au rédacteur : il peut retracer les événements en les grossissant, en les minimisant ou en les présentant tels qu’ils sont. C’est une erreur que de parler en termes emphatiques d’un sujet simple. Il est tout aussi dangereux de vouloir insuffler de l’émotion ou du pathos dans un écrit qui ne s’y prête pas que d’exclure le sentiment d’une lettre, d’un poème ou d’un article où il est de mise.

Un certain artifice s’impose dans les articles et les lettres destinés à informer ou à aider le lecteur. Mais ne mâchez pas trop vos enseignements pour les rendre plus faciles à avaler. Un texte qui ne nous oblige pas à une certaine mastication mentale ne vaut guère la peine qu’on s’en préoccupe.

Quoi que vous écriviez, employez les mots appropriés. Le français et l’anglais sont des langues anciennes, mais elles ont conservé la fraîcheur de leur jeunesse. Elles sont aussi adaptées à nos besoins d’aujourd’hui qu’elles l’étaient à ceux de Balzac et de Shakespeare. Chez elles, la grisaille et l’obscurité sont inexcusables.

Pensez au lecteur

Le premier et le plus important de vos devoirs est de tenir compte de votre lecteur. Quels sont ses goûts ; quel est son coefficient de compréhension ; quel sens va-t-il attribuer à ce que vous écrivez ?

Écrire, c’est à la fois sentir et penser, et le rédacteur comme le lecteur ont des besoins émotifs qui transcendent parfois l’intellectualité. Les rédacteurs avisés qui veulent inciter leurs lecteurs à l’action, à la peur, au rire ou à l’amour savent qu’ils doivent faire appel à l’instinct, mobile le plus puissant des hommes.

Pour éveiller l’attention ou susciter l’intérêt, il suffit rarement de s’en remettre à la simple logique. Il importe de bousculer le lecteur, de le pousser à écouter ce que nous disons, puis de lui offrir quelque chose susceptible de satisfaire le désir que nous avons déclenché.

Seul le chef qui dicte une note de service à son personnel a la certitude que sa prose sera lue. Les autres doivent se concilier les lecteurs : les frapper, les retenir, les impressionner et les convaincre.

Ne commencez pas par des observations générales, mais par un cas concret, facile à imaginer et intéressant. Après quelques lignes d’entrée en matière, Homère fait immédiatement intervenir un homme ou une femme bien caractérisé. Le roman de Jane Austen, Orgueil et préjugé (considéré comme le plus pur joyau de toute la littérature d’imagination), débute par une seule phrase qui énonce le sujet, puis l’auteur passe directement à la fameuse scène d’introduction. Notre professeur de composition avait coutume de nous proposer comme modèle de préambule : « M. Perkins ouvrit le couvercle de la poubelle et regarda dehors. » Cela attire l’attention et soulève des questions auxquelles on ne peut répondre qu’en poursuivant la lecture : « Que cherche-t-il dans la poubelle ? De quoi a-t-il peur ? Que voit-il en regardant dehors ? »

N’ayez pas honte de la simplicité. Elle contribue, avec le naturel du ton et la vigueur du point de vue, à donner de l’intérêt à la lecture. Mais il ne suffit pas de rester simple dans sa réflexion pour atteindre à la simplicité. Pour écrire un article ou une lettre facile à comprendre, il faut du travail et de l’ingéniosité. Quel art consommé ne trouve-t-on pas chez Homère en dépit d’une apparente simplicité ?

Eviter la tentation d’exagérer ou de trop accentuer. Les chanteurs qui font beaucoup de gestes, de contorsions, de grimaces, etc. rachètent ainsi leur impuissance à communiquer des sentiments ou un message par leur talent vocal. Il en est de même du rédacteur qui s’évertue à employer des mots rares ou savants, ou qui entortille ses phrases comme des serpents dressés.

Écrire exige une imagination vive et disciplinée. Dans ce domaine, rien ne naît par enchantement. Le génie d’Einstein n’a pas été de créer quelque chose ex nihilo, mais d’associer des vues nouvelles à des connaissances anciennes et à produire ainsi des idées neuves.

L’imagination n’est pas une amusette, mais un outil pour l’artisan de la rédaction. Dans les grandes oeuvres, comme celles d’Homère, il n’y a guère d’idées ou d’événements qui ne soient au fond des lieux communs, mais l’écrivain les vivifie par son imagination et la sémillance de sa langue. Un épisode ordinaire prend sous sa plume une telle réalité littéraire que nous en poursuivons la lecture jusqu’au bout.

La couleur du style change un fait banal en une nouvelle. Dans la langue des journalistes, la couleur est ce qui ajoute à un papier de l’originalité, de la vie, du romanesque, de la cocasserie, de l’humour ou un caractère d’exclusivité. Le rédacteur de marque est fidèle aux faits, mais il les raconte avec brio.

Les lettres

Ayant pris une feuille de papier et un stylo, vous choisirez un sujet qui a pour vous un certain intérêt, sur lequel vous estimez qu’il y a quelque chose à dire et à propos duquel vous avez, vous, quelque chose à dire.

Commençons par une lettre à un ami. Les sujets possibles ne manquent pas : un fait extraordinaire ou un concours d’événements ; un incident amusant ; un coup de veine ; une rencontre intéressante avec quelqu’un ; une aventure.

Mettez un peu de soleil dans votre lettre, et gardez-vous de trop parler de vos ennuis. Sachez au besoin complimenter votre lecteur. En sortant de la forêt pour demander de l’aide à Nausicaa, Ulysse la compare à la noble et belle Diane : « Jamais, dit-il, mes yeux n’ont vu homme ou femme semblable à toi. »

Que Nausicaa ait appris cet artifice d’Ulysse, l’histoire ne le dit pas, mais toujours est-il qu’elle y recourt dans cette lettre imaginaire qu’elle écrit à sa femme, Pénélope.

Lorsque ton mari sortit d’un buisson au moment où je lavais des vêtements dans le fleuve, il me parut si fort et si beau, et il me parla en des termes si choisis que je m’exclamai en moi-même : « C’est sûrement un des immortels ! » Et voici que je lui fais mes adieux afin que toi aussi tu trouves la joie en lui.
J’ai présenté Ulysse à mon père et à ma mère, et ils l’ont accueilli d’une façon digne du roi d’Ithaque et du héros de la guerre de Troie. Il a fait à notre peuple réuni en assemblée le récit de ses émouvantes aventures, et, en les écoutant, tu seras à jamais reconnaissante au ciel de l’avoir ramené sain et sauf dans son pays.
Malgré ses nombreux malheurs, ton mari n’a rien perdu de son adresse dans les jeux ni de son art de bien parler. Pendant l’un des multiples festins servis en son honneur, un jeune homme jaloux l’a raillé de ne pas se joindre aux épreuves de force et d’adresse. Ulysse l’a remis aussitôt à sa place : « Ton esprit est vide, lui a-t-il réparti, et tes paroles inconsidérées m’ont irrité. » Puis, saisissant un disque massif, il l’a lancé bien loin au-delà des marques de tous les jouteurs.
Ulysse m’a parlé pendant des heures et des heures de sa patrie et de toi-même, son épouse bien-aimée. Il a appris beaucoup de choses sur les villes et les moeurs des hommes, mais il affirme très poétiquement que toutes ses aventures ne sont qu’un long passage voûté où il chemine pour te retrouver.
Mon père, le roi Alcinoos, a fait préparer un vaisseau et désigner des rameurs pour hâter le retour d’Ulysse dans sa patrie, et je vous souhaite à tous deux le bonheur sans mélange d’être enfin réunis. Notre vaisseau emporte de nombreux présents, mais je sais qu’Ulysse est le plus beau que tu puisses recevoir.

Une lettre traitant de questions commerciales ne demande qu’un sobre exposé des faits dans un style courtois, mais là aussi le point primordial est de se demander : « Qu’est-ce qui intéresse la personne à qui j’écris ? »

Dans les documents essentiellement pratiques comme les commandes, les expéditions et les paiements, ce qui importe avant tout c’est la clarté d’expression. Rien n’empêche pourtant d’ajouter à votre lettre, dans votre façon de vous exprimer par exemple, quelque chose qui sort du banal ou de l’ordinaire.

Les articles de journaux

On a dit que les nouvelles sont la diffusion au moment opportun de tout événement d’intérêt public ou capable d’émouvoir. En termes plus simples, un chef des informations affirme : « Les femmes, l’argent et le mal sont toujours des nouvelles. »

Les hommes publics, les hommes d’affaires, les personnes qui s’occupent de service social ou d’autres activités sont parfois appelés à rédiger des articles pour la presse. Les journaux veulent avoir des nouvelles. Si vous leur offrez des textes qui satisfont aux normes d’intérêt de la rédaction, on les acceptera avec empressement.

On peut écrire des articles de journaux si l’on est prompt à percevoir les idées, prêt à leur accorder de l’attention, habile à les associer ou à les opposer à d’autres idées pour en tirer d’intéressants aperçus sur la vie et les actions humaines.

À titre d’exemple, voici le communiqué que l’on aurait pu rédiger pour une agence d’informations internationale à l’occasion du retour d’Ulysse dans sa patrie.

ITHAQUE. Le Proche-Orient, théâtre de l’expédition grecque qui, sous la direction d’Agamemnon, devait aboutir à la destruction de Troie, reprend aujourd’hui la vedette avec le retour dans sa patrie du roi d’Ithaque, Ulysse. Le héros est rentré dans son pays seul et sans amis, tous les membres de son équipage ayant péri dans les aventures les plus diverses, sur le chemin du retour.
Après qu’Ulysse eut massacré plus de cent hommes qui occupaient son palais tout en faisant la cour à sa femme, il y eut un repas en commun, pendant lequel Ulysse se fit reconnaître de son père, Laerte, l’un des derniers survivants des Argonautes, héros qui s’embarquèrent avec Jason, pour un long voyage, afin de retrouver la Toison d’or.
On se rappellera qu’Ulysse jeta, comme beaucoup d’autres princes, son dévolu sur Hélène, la plus belle femme du monde. Tous ces prétendants jurèrent de défendre Hélène de tout outrage. Trois ans après son mariage avec Ménélas, Hélène fut enlevée par Pâris, fils de Priam, roi de Troie, Vénus lui ayant permis ce rapt pour le récompenser de lui avoir offert la pomme d’or, et les princes se mirent en guerre pour délivrer la captive.
Ulysse est au nombre des guerriers qui s’introduisirent dans Troie dans les flancs du cheval de bois, ruse que certains historiens lui attribuent.
Pour de multiples raisons, le retour d’Ulysse vers sa patrie dura vingt ans, pendant lesquels il erra de tous côtés, échappant souvent à la mort comme par miracle.
SPARTE. Au cours d’une interview au foyer de Ménélas, son mari, Hélène a loué les courageux exploits d’Ulysse à Troie. Elle a fait la remarque que, malgré sa patience dans les épreuves et son esprit de repartie, Ulysse était dénué de tout scrupule et se délectait dans la supercherie.
Parlant de l’épisode du cheval de bois, Hélène a rappelé que Laocoon avait fortement conseillé aux Troyens de ne pas le faire entrer dans la cité. Il avait dit aux habitants de la ville : « Je crains les Grecs même quand ils apportent des présents. »

L’article choc est celui qui fait appel aux émotions. Il se fonde sur des faits authentiques, mais il touche la corde des sentiments humains. Ce genre d’article est particulièrement utile aux organisations publiques et de service social qui veulent éveiller l’intérêt public en faveur de leurs oeuvres.

En approchant de sa maison, Ulysse aperçut son chien Argos dans la cour. Autrefois, Ulysse l’avait élevé, et tous deux étaient de fidèles compagnons.
Le chien n’avait pas encore atteint l’âge adulte quand Ulysse partit pour Troie.
Et voilà qu’après vingt ans, Argos reconnaissait son maître. N’ayant pas la force de venir près de lui, il agita la queue et laissa retomber ses oreilles.
Et voilà qu’après vingt ans, Argos reconnaissait son maître. N’ayant pas la force de venir près de lui, il agita la queue et laissa retomber ses oreilles.
Puis il baissa la tête et mourut.

Publicité et rapports

En rédigeant un texte publicitaire, il faut exciter l’attention, offrir un avantage, prouver son point, susciter le désir et provoquer une décision. Il s’agit, en somme, de représenter comme nécessaire ce qui est attrayant ou encore sous un jour attrayant ce qui est nécessaire. Nous en avons un exemple dans cette affiche qu’un restaurateur avait fait mettre dans son établissement : « Manger ici c’est choyer votre femme. »

Les arguments de la publicité doivent faire appel à la raison ou aux instincts : il importe que le choix soit adapté à la personne à qui il est offert. Il eut été vain de la part d’Ulysse de faire de la réclame pour les chevaux de bois auprès des Troyens ; mais s’il avait ouvert une fabrique de chevaux de bois, son invention aurait peut-être intéressé les villes aux rues encombrées de chars lancés à toute allure et de charrettes trop lentes. « Voici, aurait-il pu dire dans sa publicité, la solution idéale aux embouteillages de la circulation : le transport de masse par chevaux de bois. »

Si Ulysse avait eu à rédiger un rapport, il y aurait sans doute réuni, comme les rédacteurs d’aujourd’hui, les résultats de ses investigations. La règle infaillible à suivre au départ est de se poser cette question : qu’est-ce que le destinataire a besoin de savoir ? Il ne reste ensuite qu’à le lui présenter sous une forme où il pourra facilement s’en servir.

À l’instar de maintes autres tâches souvent détestées, la rédaction des rapports n’a rien de particulièrement difficile si l’on a soin de la fragmenter en plusieurs petites étapes. On commencera, par exemple, par définir son objectif : le but de mon rapport est d’informer Monsieur un tel de l’étude que j’ai faite de telle ou telle chose. Puis, on en arrêtera la forme : par ordre chronologique, logique, etc. Viendra ensuite la recherche des sources : observation, expérimentation, livres et rapports antérieurs. Le tout se terminera par la rédaction, où l’on veillera à ne rien omettre tout en restant concis, clair et agréable à lire.

Pour se concilier les lecteurs

Le fait d’écrire une lettre, un article ou un rapport vous place dans la lignée des écrivains de tous les temps. Tous, comme vous, ont appris la même chose à l’école de l’expérience : pour réussir dans le métier, il faut se faire lire et donner à ses lecteurs une raison d’être fier d’avoir lu ce qu’on a écrit.

Profitez de toutes les occasions pour exprimer vos idées. Vous en tirerez un double avantage : celui de communiquer vos vues aux autres et celui de clarifier votre pensée.

Comme Ulysse lui-même, Homère était un beau parleur, un homme à la langue agile. La fraîcheur et le naturel de son style nous donnent l’impression qu’il vivait dans un monde jeune et candide, pour qui chaque sensation était une nouveauté et où la mélancolie et l’ennui était inconnus. En réalité, Homère a vécu, comme nous, dans un monde troublé. Il a su en tirer le meilleur parti en le racontant avec compréhension, vigueur et toute la fidélité dont il était capable.

Si ce bulletin ne renferme pas tout ce qu’on peut dire sur l’art d’écrire en toutes circonstances, rappelons-nous la sage parole qu’ajoutait un dirigeant à la note qu’il adressait à l’un de ses collaborateurs : « Sans doute cela n’épuise-t-il pas le sujet, mais vous y trouverez matière à réflexion. »