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Les premiers pionniers européens sont venus s’établir au Canada il y a 374 ans. Le premier juillet, cette année, nous célébrerons le cent cinquième anniversaire de la date où leurs descendants convinrent de réunir leurs villages et leurs établissements épars en un État fédéral.

Toute histoire est en somme le récit d’une exploration, d’une découverte et d’une colonisation sans fin. Si nous voulons éviter de sombrer dans la stagnation nationale, nous devons raviver en nous l’esprit qui animait les défricheurs, favoriser la liberté de changer et d’évoluer, être accueillants aux suggestions et prévoir l’espace nécessaire pour permettre à chacun de développer ses talents dans toute la mesure de ses moyens.

Tous les Canadiens et les Canadiennes peuvent inventer quelque chose, réaliser quelque chose de nouveau ou mieux faire quelque chose d’ancien. Des occasions favorables s’offrent aux défricheurs modernes dans l’industrie, l’agriculture, l’enseignement, les finances, la littérature, la musique, les arts, la technologie et la gestion du ménage.

Chacun de nous est dans une certaine mesure un pionnier. Ayant observé une situation où des améliorations sont possibles, nous prévoyons en quelque sorte le cours des événements, nous imaginons un résultat souhaitable et nous trouvons les moyens qui permettront le changement en mieux. Chaque génération produit des hommes qui cherchent de nouvelles lampes, et certains d’entre eux sont aussi favorisés par le sort qu’Aladin.

Les colons qui arrivèrent au Canada dans les années 1500 recommençaient leur existence pour ainsi dire à neuf, acceptant de vivre péniblement sur une terre privée de tous les agréments des pays européens. Ils durent faire appel à des instincts depuis longtemps endormis et rapprendre des métiers oubliés. Citoyens évolués, originaires d’États de vieille civilisation, ils s’adonnèrent aux travaux des races primitives afin de pouvoir survivre et prospérer.

Ces pionniers issus de deux grandes nations se trouvèrent donc forcés par leur milieu et leur isolement à modifier ce qu’on leur avait enseigné, afin de s’adapter aux rigueurs du coin de terre où ils avaient choisi de bâtir leurs foyers. Il faut dire à leur honneur qu’ils surent se plier à l’existence austère des régions inhabitées, modifier leurs idées et leurs habitudes, s’acclimater à leur vie nouvelle au sein des forêts et des prairies. Soutenus par leur espoir, leur esprit d’entreprise, leur énergie et leur courage, ils créèrent une nation nouvelle.

Certaines personnes estiment qu’il y a eu manifestement tant de progrès d’accomplis depuis cette époque que l’oeuvre est maintenant terminée. Mais il reste encore beaucoup de tâches inachevées, d’inventions incomplètes, d’idées à concevoir et de problèmes à résoudre. L’esprit des pionniers nous est plus que jamais nécessaire.

Songer à ce qui pourrait être

Chacun sait que « Nécessité est mère d’invention », mais dans le Canada d’aujourd’hui c’est la plénitude de la vie et non la pénible nécessité qui est l’étincelle génératrice des nouveautés et des découvertes.

Aucune contrainte extérieure, aucun décret gouvernemental ne peut forcer quelqu’un à devenir explorateur, inventeur ou défricheur. Le désir doit être en nous ; c’est un sentiment intérieur que nous pouvons attiser. Le mécontentement n’est pas toujours un mauvais état d’esprit. Il a un bon effet si la fermentation de nos pensées nous pousse à rechercher de meilleures façons de faire les choses.

Être défricheur c’est être attentif à ce qui se passe au lieu de se complaire dans l’indifférence insouciante d’une vie figée dans la routine. Nous sommes menacés de devenir si ancrés dans l’emploi des formules, dans le conformisme de l’habitude, qu’il ne nous sera plus possible de voir ce qui se déroule de chaque côté de nous.

Comme le disait, à l’occasion d’une collation des grades, le vice-président de la General Motors, « c’est comme conduire la nuit à travers la campagne, alors qu’on ne voit rien du paysage. La campagne, c’est beaucoup plus de chaque côté de la route que sur la route qu’elle se trouve. »

Voici comment s’amorce chez le pionnier le processus de l’invention ou de la découverte : il déploie son esprit de façon à concevoir les choses avec les améliorations qu’on y apporterait en les changeant, soit en ajoutant certaines qualités, soit en retranchant certains éléments de second ordre ou inutiles.

Certaines personnes soutiennent que leur travail courant de chaque jour limite leur horizon. Les techniciens et les spécialistes affirment que leur spécialisation intensive les empêche de s’aventurer au-delà des bords de leur unique ornière. Ces raisons ne sont pas valables. N’importe qui, quelle que soit sa tâche, peut faire oeuvre de défricheur, inventer quelque chose, découvrir quelque chose.

Point n’est besoin de matériel coûteux. Certains se tirent très bien d’affaire sans beaucoup d’argent ni d’appareils. Aristote a été un astronome sans télescope, un biologiste sans laboratoire, et pourtant ses découvertes sur les phénomènes naturels ont subsisté pendant 2,000 ans.

Les manuels de bricolage sont remplis de renseignements recueillis par des artisans à l’esprit éveillé, de dispositifs inventés par des hommes qui imaginèrent des façons meilleures et plus faciles de faire les choses, de plans conçus par des gens imaginatifs qui apportèrent des améliorations à leur manière de vivre, et ce sont là autant de points de départ offerts à l’imagination créatrice des ouvriers et des maîtresses de maison de notre temps.

Dans les affaires et les arts

Dans les affaires, tout progrès est le fruit de l’invention et du défrichage. C’est l’activité créatrice qui engendre de nouvelles méthodes et ouvre des nouveaux territoires.

Au cours de son évolution, l’industrie s’est d’abord dégagée par à-coups de l’ère de l’atelier domestique. Puis, de nouvelles méthodes ont été mises en usage sous le nom de « gestion scientifique ». Leurs auteurs étaient des fervents du chronomètre et de la règle à calcul. Ils ont mis la spécialisation, la systématisation et le contrôle en honneur. Aujourd’hui, ils font appel aux ordinateurs. Et ce n’est pas la fin, car les affaires doivent progresser ou mourir.

Certaines sociétés sont dotées de services de recherche et de développement, où le travail créateur d’une douzaine d’habiles techniciens aboutit à la mise au point de produits nouveaux ou améliorés. Ces entreprises ne doivent pas négliger d’exploiter les ressources que représentent les centaines d’autres employés des deux sexes de leurs usines ou de leurs bureaux, dont les idées créatrices pourraient être mises à contribution.

Il en est dans les arts comme dans les affaires. Toute grande composition musicale est une oeuvre de défrichement, qui consiste à noter une inspiration sur une portée, à jouer la mélodie, puis à la polir jusqu’à ce que l’inspiration se communique dans la musique. Le sculpteur est lui aussi un défricheur dans chacun de ses coups de ciseau. « J’avais, dit Michel-Ange, un bloc de marbre dans lequel se cachait cette statue. Tout ce qu’il a fallu faire a été d’enlever les tout petits morceaux qui l’entouraient et empêchaient de la voir. »

Le besoin de découvrir

À quel mobile obéissent les explorateurs ? Voici ce que nous en dit l’un des plus célèbres d’entre eux, Charles Miller : « J’avais l’intention d’atteindre au plus vite les neiges éternelles. Non pas que j’eusse quelque chose de particulier à faire là-haut, mais parce que l’un des principes professionnels de l’explorateur est d’aller là où il n’a pas de raison particulière de se rendre. »

Même à l’époque où l’on croyait communément que le monde finissait à l’horizon, des navigateurs ont voulu savoir s’il en était vraiment ainsi. Des Norvégiens ont franchi l’Atlantique et se sont installés sur notre continent dès 1003. Ils y passèrent trois hivers, dont le premier et le troisième, au dire de certains historiens, sur la rive sud de la baie des Chaleurs, au Nouveau-Brunswick.

Le processus de l’exploration semble se ramener à ceci : on a d’abord l’idée qu’il existe de riches pâturages de l’autre côté de la colline ou de l’océan, ou bien que l’on peut mieux réussir dans son travail en changeant de style, ou encore qu’il est possible d’inventer quelque chose qui apportera plus de confort dans la vie. On examine ensuite les probabilités et les possibilités, afin de s’assurer que l’effort en vaut la peine. On établit la ligne de conduite générale à suivre, grâce aux connaissances acquises, aux renseignements recueillis et à l’impulsion de l’idée que l’on a eue. On soumet sa théorie à l’épreuve de l’expérimentation. On l’affine en la débarrassant de tout ce qui n’est pas essentiel, et l’on trouve enfin la réponse à la grande question : « Est-ce utile, valable, réalisable ? »

Bien des livres nous retracent les peines et les tribulations des pionniers canadiens, et il se dégage de tous un sentiment de satisfaction et de fierté de l’oeuvre accomplie. Il suffit de visiter l’un des villages qui ont été reconstitués pour voir comment le défricheur savait utiliser ce qu’il avait sous la main pour se rendre la tâche plus facile et faire travailler ses méninges pour améliorer ses conditions de vie.

Petit à petit, les pionniers parvinrent à coloniser le pays. Dans leur progression vers l’ouest, l’immensité des prairies devait susciter en eux des idées plus grandes et plus ambitieuses, dont le temps a démontré le bien-fondé. « La conquête de l’Ouest par l’une des plus grandes économies de culture du blé que le monde ait connues, écrit Grant MacEwan, est un chapitre épique de l’histoire de la civilisation. »

Certains pionniers voulurent établir des cartes de leurs expéditions, afin de permettre à d’autres de marcher sur leurs traces sans avoir à affronter les difficultés et les dangers des voyages en territoire inconnu. David Thompson fut l’un de ceux-là. Premier homme blanc à descendre le fleuve Columbia depuis sa source jusqu’à son embouchure, il hydrographia les rivières Nelson et Saskatchewan ainsi que le fleuve Churchill.

Le temps des pionniers et des défricheurs est-il révolu ? Il n’y a que quinze ans mourait une femme dont la vie prouve le contraire. Après avoir échappé au grand incendie de Chicago, Mme George Black, fille d’un inventeur, se joignit aux chercheurs d’or et parvint jusqu’à Dawson en dépit des rigueurs effroyables du trajet qu’elle dut accomplir sur la piste qui passe par le col de Chilkoot. Elle mit d’abord une concession en exploitation avec un associé, puis elle épousa George Black, qui devint commissaire du Yukon. Ce mariage lui valut l’honneur d’être, pendant quatre ans, châtelaine de l’hôtel du gouvernement à Dawson. Élue député en 1935, elle fut la deuxième femme à siéger au Parlement canadien. Quelques années plus tard, elle était nommée membre de la Société royale de géographie et décorée de l’Ordre de l’Empire britannique. Mme Black est l’auteur de deux livres : Mes soixante-dix ans, récit émouvant de sa vie de pionnier, ainsi que Fleurs sauvages du Yukon.

Le moment de l’inspiration

Le pionnier est un chef de file. Il est le premier de son peloton dans la découverte et l’invention. Il sera suivi par les colons, les exploitants et ceux qui développeront ses découvertes et les mettront en valeur.

Avant de commencer à marquer une route, faut-il s’asseoir et attendre le moment de l’inspiration ? Il y a quelque chose de fascinant dans la façon apparemment magique dont une grande idée d’innovation naît soudainement dans l’esprit. Elle peut surgir en conduisant la voiture, en faisant une promenade dans un parc ou même en lavant la vaisselle.

L’explication en est simple : ce sont là des activités qui procurent la détente mentale nécessaire pour permettre à l’inspiration de se faire jour. Le subconscient a travaillé sur un problème, il en a rassemblé les éléments, mais il a besoin d’une ouverture pour faire passer la solution dans le conscient.

Les créateurs de mythes ont leur façon à eux de ramener l’invention et la découverte à une question d’inspiration ou de hasard. Ils diront, par exemple, que Charles Goodyear avait laissé un morceau de caoutchouc brut, enduit de soufre, près d’un poêle chaud et que c’est ainsi qu’il découvrit la vulcanisation. En réalité, Goodyear possédait si à fond tout ce que l’on savait sur le caoutchouc qu’aucun phénomène, si petit fût-il, ne pouvait frapper ses yeux sans qu’il en perçoive les conséquences sur le problème qui le préoccupait.

Une inspiration soudaine ne peut être l’effet que d’un travail préalable, conscient ou inconscient. Quand on a l’esprit rempli de connaissances et curieux de découvrir les moyens de les appliquer, on est prêt à bondir sur la première occasion favorable qui s’offre pour observer et tenter des expériences.

Quiconque veut devenir défricheur doit veiller à s’imprégner l’esprit de ce que l’on sait sur la voie où il se propose de s’engager. Nous ne pouvons rien apprendre sans passer du connu à l’inconnu. Il faut nous mettre à la recherche des données du problème, des essais effectués précédemment, des raisons pour lesquelles les efforts antérieurs n’ont pas abouti.

Les qualités nécessaires

Les principales qualités requises de la part des pionniers sont l’intérêt, l’intelligence, l’imagination et la détermination.

Qu’est-ce qui déclenche l’intérêt. Un espace blanc sur une carte, voilà tout ce qu’il faut pour pousser certaines personnes à entreprendre une expédition, en vue de combler les vides par des collines et des rivières. Chez d’autres ce sera un problème, une énigme ou quelque chose d’insolite qui éveillera l’intérêt. On trouve cette note dans un carnet d’Alexander Fleming : « J’étais assez intéressé par la substance antibactérienne produite par la moisissure pour poursuivre l’étude de la question. » C’est ainsi que fut inventée la pénicilline.

Il faut aussi avoir l’intelligence de chercher et d’arriver à comprendre, ainsi que l’ingéniosité nécessaire pour faire des essais. Un pionnier doit penser ; il n’a pas de manuel pour lui dire les réponses à ses questions. Les grandes délectations de la réussite dans la recherche intellectuelle se fondent sur le respect des faits établis et l’art de savoir les regrouper sous des formes nouvelles. On ne parvient pas à la sagesse en accumulant des faits. Il faut raisonner sur les résultats de nos observations.

C’est ici qu’il importe de faire appel à l’imagination. Votre idée d’amélioration n’est peut-être qu’une faible lueur dans votre esprit. Mais c’est ainsi que naissent les grandes choses. Poussez votre idée le plus loin possible. Prenez note de cette inspiration et de son cheminement dans votre pensée. Recherchez et trouvez les faits. Consultez vos notes un mois plus tard, car votre subconscient aura alors eu le temps de travailler sur cette idée.

Personne ne peut garantir le succès rapide d’une idée. Un défricheur a tôt fait d’apprendre à être attentif et patient, et non pas irréfléchi et impulsif. Il s’obstine dans son refus d’accepter la défaite. Comme Napoléon, il est prêt à sacrifier toutes les questions accessoires pour atteindre ce qu’il considère comme son objectif principal.

Le pionnier s’attend à l’incompréhension et à l’opposition. On retrouve à la base de tout progrès industriel des inventions dont la nature était inintelligible pour l’homme ordinaire. Ce que les gens ne comprennent pas, ils s’en moquent par ignorance ou ils le combattent farouchement par peur.

Kettering, qui connaissait la résistance des gens aux nouvelles inventions techniques, concluait que « tout le monde est naturellement opposé à tout ce qui est en dehors de son expérience. » À Boston, en 1873, un représentant en téléphones était arrêté parce que, disaient les autorités, les personnes bien renseignées savent qu’il est impossible de transmettre la voix humaine sur des fils.

Les choses à faire

Regarder autour de soi. Le pionnier a un oeil mobile et actif, ouvert à toute promesse d’aventure ou de risque, comme un enfant qui se balade dans un parc, l’attention fixée sur ce qu’il y a à voir et non sur lui-même. Lorsque le chevalier quêteur sir Lancelot demanda à une jeune fille « Connaissez-vous dans ce pays quelques grandes aventures », elle lui répondit « Des aventures il y en a tout près, si vous avez l’audace de vous y engager. »

Jetez souvent un coup d’oeil sur le monde des activités humaines avec un esprit disposé à tenter des choses nouvelles. Vous avez en main la clef de la découverte et de l’invention quand vous vous dites : « Je me demande ce qui arriverais si… »

Il suffit parfois d’un simple geste inspiré par l’esprit pour accroître l’importance et l’utilité d’une chose. Rudolf Diesel examina les bambous dont se servaient les indigènes de Samoa pour faire du feu, et il inventa le moteur à allumage par compression qui porte son nom.

Il y a quatre choses à faire pour celui qui décide de sortir de l’ornière et de devenir un pionnier : étudier, organiser, essayer et travailler.

L’homme qui entreprend une mission de pionnier doit comprendre les choses telles qu’elles sont, afin que l’avenir ne lui apparaisse pas comme entièrement problématique. Il devra bien calculer ses chances, car il faut autant d’effort pour arriver jusqu’à un emplacement peu satisfaisant que jusqu’au lieu idéal. Il y a trois sortes de circonstances à considérer. Il faut savoir quels sont les facteurs qui dépendent de nous, quels sont les facteurs qui dépendent des autres ou de la nature et quels sont les facteurs qui relèvent du hasard.

La préparation et l’organisation suivent la naissance de l’idée. Elles consistent à tenir compte des possibilités d’action. Il peut y avoir plus d’un moyen d’atteindre l’objectif. Beaucoup d’explorateurs et de pionniers se sont distingués par la sagesse de leurs plans ; par la régularité plutôt que par les à-coups de leur progression ; par leur habileté à parer aux éventualités dans la mesure où le permettait la prévoyance.

Les opinions aventureuses doivent être mises à l’épreuve. Galilée, réputé en tant que découvreur des lois de la chute des corps, avait mis en doute, après vingt siècles, l’enseignement d’Aristote selon lequel un corps lourd tombe plus rapidement qu’un corps léger. Galilée vérifia sa théorie et prouva son cas par une expérience : il laissa tomber deux boules de poids différent du haut de la Tour de Pise et elles touchèrent le sol en même temps.

Faire des expériences, c’est étayer nos hypothèses par l’examen et la recherche, effectuer des essais et des contrôles afin de recueillir des faits, dont notre esprit pourra, par raisonnement, tirer des connaissances. Et nous devons accepter tels quels les résultats de nos expériences, si inattendus soient-ils.

Les occasions

Les occasions de faire oeuvre de pionniers dépendent presque toujours des désirs et de la détermination de l’individu et non pas du travail quotidien qu’il accomplit ou du milieu social où il évolue. C’est l’attention, la vivacité d’esprit et l’observation qui les créent.

L’initiative, a dit quelqu’un, consiste à faire ce qu’il faut sans se le faire dire. Le pionnier a le désir et la force d’agir de lui-même au lieu d’attendre, pour s’exécuter, qu’un adversaire ne vienne l’aiguillonner ou qu’un ami ne lui fasse la planche.

Il n’est pas nécessaire d’attendre qu’il y ait urgence, car il peut être agréable de résoudre des problèmes qui ne paraissent pas d’un intérêt immédiat. Apollonios étudia pour son amusement les sections coniques ; de ses théorèmes Kepler dégagea, 2,000 ans plus tard, son principe des orbites elliptiques des planètes ; et tout cela s’applique aujourd’hui aux vols spatiaux. Un joueur consulta Biaise Pascal, au dix-septième siècle, sur une méthode pour gagner aux dés, et Pascal conçut la théorie des probabilités, instrument indispensable, aujourd’hui, de la biologie, de la physique et de l’assurance.

La créativité

Certains hésitent à employer le mot « créateur » pour qualifier la faculté d’invention de l’homme, en particulier dans le domaine technique. Mais Newton, Maxwell, Faraday et Kettering n’ont-ils pas été aussi créateurs de nouveautés que Renoir, Shakespeare, Bach et Beethoven ? Créer, ce n’est pas faire des choses de rien, mais insuffler la vie à quelque chose.

Le novateur réfléchit, essaie, tâtonne, compare et invente, de façon à atteindre la fin qu’il s’est fixée, qu’il s’agisse de la composition d’une partition musicale ou de la conception d’une nouvelle boîte d’allumettes. Il promène un regard créateur sur le terre-à-terre. Il transforme le rouleau de transport en roue en ajoutant un essieu.

Au moment de leur anniversaire de 1972, les Canadiens ne peuvent se satisfaire d’une vue circonscrite de leur avenir alors qu’un petit effort intellectuel leur permettrait d’élargir leurs horizons. Ce que nous devons craindre par-dessus tout, c’est la stagnation. La condition essentielle pour comprendre la vie humaine, écrit Alfred North Whitehead, est que la perfection exclut tout état stationnaire. Le progrès ou le recul sont les seuls choix offerts à l’espèce humaine.

Des connaissances et des techniques nouvelles modifient chaque année notre milieu ambiant. Il est toujours possible de songer et de réfléchir à des améliorations. Chacun a le choix de prendre plusieurs routes pour rechercher ce qui sera.

Peut-être sommes-nous à l’aube d’une nouvelle Renaissance, où le respect des bonnes choses que nous ont léguées les premiers pionniers du Canada se fond dans la réalisation de choses nouvelles qui sont meilleures encore.