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Chacun a le droit de penser, d’agir et de croire comme il veut, mais aussi le devoir de rendre compte tôt ou tard, ici-bas ou ailleurs, de ce qu’il choisit de penser, de croire et de faire.

La liberté dont jouit le citoyen dans un pays démocratique, comme le Canada, ne consiste pas à faire des choix absolument libres, mais des choix subordonnés à l’obligation d’agir selon la confiance que mettent en lui ses concitoyens. Le fondement d’une bonne société est le sentiment de réciprocité qui anime ses membres.

Certains recherchent la liberté avec frénésie, comme si le fait de s’affranchir des restrictions et des lois était le bien suprême de la vie. La base juridique de la liberté est l’obéissance à certaines lois sociales et morales : un homme peut être libre et soumis à certaines contraintes ; il peut être à la fois discipliné et libre. N’en faire qu’à sa guise n’est pas nécessairement une preuve de liberté ; cette attitude peut même être inspirée par l’orgueil ou un sentiment d’impuissance à faire face à la situation dans son milieu habituel.

La notion de liberté n’est pas une abstraction : nous sommes libres de faire certaines choses ou par rapport à certaines obligations. Un État bien gouverné fournit à ses citoyens l’occasion de réaliser des valeurs humaines et spirituelles toujours plus grandes. Comme les autres vertus morales, la liberté ne peut subsister que par l’accomplissement des devoirs qu’elle comporte.

La liste des libertés que possèdent les citoyens du Canada remplirait une page entière du présent Bulletin : liberté religieuse, liberté politique et libertés civiles ; liberté individuelle, liberté d’expression, liberté de réunion et d’association. À chaque liberté correspond une obligation.

Quel que soit son rang social – cadre ou manoeuvre, électeur ou homme politique – chacun a le devoir de faire de son mieux. Certains ont le sentiment d’avoir fait tout leur devoir s’ils observent la loi ; mais le devoir ne se limite pas aux prescriptions du législateur. Le sens du devoir embrasse toutes les actions bonnes qu’aucune loi ne nous oblige à accomplir.

« Le mot devoir est le mot le plus sublime de la langue, écrit Robert Lee. On ne peut jamais faire plus que son devoir ; on ne doit jamais souhaiter faire moins. » Et Emerson note dans ses Journals : « Ne me dites pas de me préparer à la mort. Je ne sais pas ce qui adviendra. Le seul préparatif que je puisse faire est de m’acquitter de mes devoirs actuels. »

L’état actuel du monde

L’augmentation du nombre des personnes qui pensent que rien d’autre que la mécanisation n’importe pour assurer le progrès s’accompagne de la multitude croissante des citoyens qui se sentent impuissants devant le poids écrasant de la force anonyme qui les environne. La puissance de la bombe, l’omniscience de l’ordinateur et l’éruption de la violence inquiètent tout le monde.

La paix, l’ordre et la sécurité dépendent des actions de personnes réfléchies, qui rejettent l’idée de la voyoucratie et de son mépris de la vie et des valeurs humaines. La protection des ressources naturelles, base de la conservation de la vie, est l’oeuvre de gardiens sensés, conscients de la capacité limitée de notre planète de produire des vivres et de supporter le gaspillage.

Le principe de la responsabilité n’est pas une croyance tirée de quelque ouvrage de philosophie utopique. Sous une forme ou sous une autre, il se retrouve bien vivace dans le coeur de tous les hommes, sauf les plus dépravés et les plus pervers ; les inconséquents, les ignorants et les indolents.

L’acceptation de la responsabilité nous incite à passer des vains rêves aux desseins résolus. C’est un acte positif, qui nous invite à construire notre vie non pas d’après ce que nous réprouvons, mais d’après ce que nous approuvons. Il incombe à chacun de penser aux conséquences éventuelles de ses actions. C’est là l’impératif catégorique du devoir énoncé par Emmanuel Kant : « Agis comme si le principe qui guide ton action allait être érigé en loi universelle de la nature. »

Le devoir et la société

Il existe dans le monde une foule de choses qui sont bonnes, mais qui ne peuvent faire l’objet d’une loi officielle ; des choses qui ne se feront jamais à moins que quelqu’un ne soit prêt à les faire sans autre récompense que le sentiment d’accomplir ce que la société attend de lui.

Si un homme veut marcher la tête haute, il doit fournir sa part de devoir accompli, de loyauté, de bienveillance et de bon goût. Il pourra se tenir à l’écart des personnes ou des compagnes qui lui déplaisent ; mais il ne doit pas se sentir obligé pour autant de rendre la vie désagréable à ceux qui ne sont pas de son avis. On nous dit que les Celtes haïssaient tellement les Saxons qu’ils refusaient d’essayer de les convertir, de peur de réussir et d’assurer ainsi leur salut.

Assumer sa responsabilité sociale c’est entre autres choses ne pas laisser faire aux autres ce que nous devrions contribuer à faire. Le monde est si complexe qu’il nous faut tous inévitablement être redevables de beaucoup à nos semblables, mais il convient que tout homme vole autant que possible de ses propres ailes.

Noblesse oblige est une magnifique maxime. Elle marque l’obligation morale d’observer une conduite honorable et charitable. La vie humaine suppose un certain sens de responsabilité de la part de ceux qui sont en mesure d’aider les autres. Capitalistes, ouvriers, cadres, personne ne peut se soustraire à ce devoir envers la société.

L’accès à la classe de gens que l’on qualifie de « noble » est ouvert aux citoyens de tous rangs. La seule condition est que nous possédions et pratiquions les traits caractéristiques coutumiers chez ceux qui ont de la noblesse d’âme. Ainsi naît une nouvelle sorte d’aristocratie, composée d’hommes et de femmes de tous les niveaux et de toutes les couches de la société, une classe de citoyens bienveillants, enthousiastes, clairvoyants et libres d’esprit, convaincus de la grandeur et de la noblesse du devoir de servir l’humanité.

Où s’oriente le devoir ?

La relation familiale se fonde maintenant sur l’amitié plutôt que sur les liens du sang, mais on ne saurait se dérober aux exigences du devoir des parents envers les enfants sans qu’en souffre la formation de ces derniers à la vie réelle. Les parents sont des mandataires, tenus de rechercher et de faire ce qu’il y a de mieux possible pour leurs enfants. Ils ont l’obligation de veiller à ne pas laisser la jeunesse enfiévrée et brouillonne trébucher sur ses propres erreurs, sans rien d’autre pour la guider que des regards choqués ou des appels aux sentiments.

Les jeunes ne sont pas exempts de responsabilités. Ils ont des devoirs envers leurs parents et les personnes vieillissantes. La population âgée pose un problème de préoccupation nationale. Les gouvernements, les organismes de bienfaisance, les églises et les membres des professions libérales s’en inquiètent.

Ce problème demande une approche organisée et conjuguée de la part des pouvoirs publics, des services de santé et d’enseignement, des organisations religieuses, des associations ouvrières et du secteur économique. Il offre aux jeunes une occasion de témoigner de leur sens civique.

Une société se définit en fonction de son comportement collectif, de ses usages sociaux, de ses sanctions, de sa position, de ses opinions. Pour former une communauté, les citoyens doivent travailler en s’inspirant de principes et d’objectifs communs. Personne n’est assez fortuné, assez sage ni assez en sécurité pour se passer d’autrui.

Urgences de plus en plus grandes

Pendant les vingt-cinq dernières années du présent siècle, les collectivités auront à tenir compte de plusieurs particularités dont elles ne se souciaient guère au cours des vingt-cinq premières années : la prolifération des services associée à une croissance industrielle sans précédent ; une concentration urbaine génératrice de nombreux besoins nouveaux au palier municipal ; une nécessité pressante de lutter contre la pollution de l’air et de l’eau, d’assurer la conservation du pétrole, du charbon, du gaz naturel et de trouver des produits de remplacement, de promouvoir l’habitation à bon marché, les transports urbains efficaces, les installations de loisirs et de distractions comme les parcs, les zones de verdure et les bibliothèques.

Tout cela suppose une pensée et un travail réfléchis. Comme la vie familiale, la vie au sein de la société exige un certain mélange de dépendance, de solidarité, de persuasion et de contrainte. Ceux qui veulent bénéficier des avantages de la vie collective doivent s’imposer la corvée de la supporter.

Il semble à certaines personnes beaucoup plus facile de ne pas se mêler aux autres. Pourquoi alors dit-on : « Mieux vaut donner que recevoir » ? Will Durant apporte une réponse à cette question dans The Mansions of Philosophy. « Il est plus agréable, écrit-il, de donner que de recevoir, car recevoir c’est se soumettre, mais donner c’est dominer. »

Il existe à ce propos trois points de vue également valables dans leur domaine respectif : celui de l’organisme professionnel, celui du bénéficiaire et celui du bénévole. Le bénéficiaire est indubitablement mieux assisté par des personnes de formation spécialisée. Toutefois, le bénéficiaire a besoin d’autre chose qu’un diagnostic et des traitements appropriés, que ses difficultés soient d’ordre physiologique, mental ou économique. Les organismes et les services publics ne dispensent pas ce qu’on pourrait appeler la chaleur humaine. Enfin ceux qui s’adonnent au bénévolat en retirent un immense profit : ils y trouvent l’occasion de satisfaire leur besoin naturel d’exprimer leur humanité.

Les dimensions de plus en plus grandes des entreprises industrielles sont venues modifier les relations du patronat et des ouvriers, et ce changement soulève un nouveau problème de responsabilité pour les dirigeants de deux parties en cause. L’ouvrier est tenu envers le patronat d’accomplir honnêtement un bon travail ; le patronat a l’obligation d’agir comme il convient envers les ouvriers, l’entreprise et le public.

La responsabilité individuelle

Ce serait une erreur de supposer que seuls les représentants politiques et les chefs d’entreprise ont des devoirs. Dans un pays où tous ont le droit de vote, comme au Canada, tous sont des mandataires. Il dépend de la probité de chacun, en tant qu’électeur et travailleur, que les pouvoirs de ceux qui exercent l’autorité soient plus ou moins bien utilisés au profit de toute la société.

Une personne réfléchie dit le dictionnaire est une personne en qui l’on peut avoir confiance. C’est celle qui affronte les conséquences de ses actes.

Les gens réfléchis sont des gens honorables. Un auteur a dit que l’honneur était la capacité de juger sa propre cause comme s’il s’agissait de celle d’un autre. La personne réfléchie ne se guide pas sur la réponse à la question « Quelle est la chose que j’aimerais faire ? », mais sur celle de la question « Quelle est la chose qu’il faut faire ? »

Les devoirs d’un homme ne sauraient se condenser dans un code. Les lois constitutionnelles sont loin de renfermer toutes les obligations que nous devons observer dans notre conduite. Ainsi, des sept péchés capitaux – l’orgueil, l’avarice, l’impureté, l’envie, la gourmandise, la colère et la paresse – aucun n’est mentionné comme faute dans le Code criminel du Canada.

Ce qui est nécessaire, ce n’est pas la courtoisie romanesque de l’antique chevalerie, mais une attitude secourable, même si l’on peut encore fort bien s’acquitter de ses obligations selon le véritable esprit de la chevalerie : libérer les opprimés, redresser les torts, abolir les coutumes condamnables, supprimer l’injustice.

Albert Einstein, qualifié par son biographe de « créateur d’univers », écrit : « Je m’aperçois à quel point ma vie extérieure et intérieure repose sur l’oeuvre de mes semblables, vivants et morts, et avec quelle ardeur je dois travailler pour donner en retour autant que j’ai reçu. »

Le besoin d’assistance

Les Canadiens ont acquis un bon niveau de vie par les moyens légitimes que sont le travail et une sage économie. Le plus difficile est d’apprendre à bien employer les bonnes choses de la vie.

Nous avons atteint le stade du sentiment de suffisance – moment où tous les besoins ressentis sont satisfaits – aux environs d’un point ne se situant pas très loin des niveaux de consommation d’une société de pionniers, mais la somme des plaisirs de la vie moderne va beaucoup plus loin que cela, et nous cherchons à en avoir davantage. Cela nous rappelle l’ordre donné à Moïse : « Lorsque vous récolterez la moisson de votre pays, tu ne moissonneras pas jusqu’à l’extrême limite du champ. Tu ne ramasseras pas la glanure de ta moisson. » Il faut partager avec les autres les biens de la vie.

Les niveaux de vie artificiels se fondent sur les définitions changeantes de ce qui constitue une existence décente. L’alimentation, le logement et l’instruction de bonne qualité sont des besoins primordiaux ; pourtant les récepteurs de radio et de télévision ne sont plus des jouets de riches, mais des meubles utilitaires.

On peut trouver chez la population autochtone du Canada des citoyens qui n’ont pas réussi à suivre des niveaux de vie de plus en plus élevés. L’ancienne économie des Indiens et des Esquimaux n’est plus valable aujourd’hui. Subsister uniquement des ressources du pays n’est plus possible, même si l’on était heureux de vivre à l’époque pré-industrielle.

On trouve à travers le Canada des zones riches en biens naturels – forêts, plaines, mines – et des zones industrielles, mais cette division ne répartit pas pour autant les Canadiens en nantis et en démunis. Les devoirs civiques transcendent cette distinction. Ainsi que l’écrit un sociologue, « les Romains à l’apogée de leur grandeur estimaient qu’un privilège n’est justifié que si celui qui en bénéficie l’exerce avec tout le souci voulu des droits des défavorisés et toute la détermination voulue d’améliorer leur sort. »

La faim n’est pas le seul malheur qui accable les hommes. Les pauvres et les déshérités ne sont pas uniquement les affamés. Ce sont aussi ceux dont le niveau de validité est considéré comme relativement nul, dont le travail n’a qu’une faible valeur financière ; ceux qui sont incapables d’atteindre le niveau de vie qu’ils voient partout autour d’eux. Vivre dans la pauvreté c’est avoir insuffisamment accès aux biens, aux services et aux conditions de vie que l’on en est venu à reconnaître comme base du niveau de vie minimal.

Dans sa chronique de la page financière du Montreal Star, Dian Cohen écrivait en mars : « Il y a encore aujourd’hui au Canada des enfants arriérés physiquement et mentalement parce qu’ils ne mangent pas bien depuis leur naissance. Il y a encore des Canadiens qui se coucheront ce soir tout habillés parce qu’ils sont mal logés. »

Le tiers monde

La responsabilité du Canada ne se limite pas à ses citoyens. Aucun État ne jouit d’une indépendance absolue en ce sens qu’il peut demeurer entièrement indifférent à ce qui se passe au-delà de ses frontières. « Mon prochain », écrit L. P. Jacks dans Mon prochain, l’univers, « est la totalité organisée des êtres existants. Voilà ce qui réclame mon dévouement, mes services, mon amour ; voilà ce que je dois aimer comme moi-même. »

Beaucoup de gouvernements ont contracté l’engagement d’aider les pays pauvres à se libérer de la servitude du besoin. Les jeunes surtout paraissent comprendre que le Canada ne se compose pas de citoyens séparés par quelque mystérieuse distinction du reste du monde. Ils éprouvent le sentiment de l’unité du progrès humain.

M. Lester Pearson, président de la Commission des affaires internationales, affirmait il y a quelques années : « Le souci des besoins des autres pays et des pays pauvres est l’expression d’un aspect nouveau et fondamental de l’âge moderne : la conscience que nous vivons dans un monde communautaire, que nous appartenons à une communauté mondiale. »

La révolution technique a laissé en arrière plusieurs pays, et de vastes parties du monde n’ont pas encore les connaissances qui permettent d’atteindre un niveau de vie raisonnable. Les pays attardés s’efforcent de sortir d’un passé primitif, préalphabétique et colonial et d’accéder à un avenir industrialisé sans avoir le temps de passer par un présent intermédiaire. Leurs besoins s’accroissent continuellement à mesure que leurs populations entrent plus étroitement en contact avec les pays occidentaux.

Certaines personnes s’opposent à l’usage du mot « sous-développé » dans le cas de ces pays, mais ce terme n’a aucune connotation péjorative ; il signifie simplement que leur modernisation est à venir.

L’expression tiers monde s’emploie aujourd’hui pour désigner le groupe de pays en voie de développement, surtout d’Asie et d’Afrique, qui ont besoin de capitaux, de connaissances, de formation, de productivité agricole, de planification et d’exportations. L’aide apportée à ces pays produira les meilleurs résultats dans ceux qui font eux-mêmes des efforts soutenus et disciplinés pour mobiliser leurs propres ressources matérielles, intellectuelles et morales et les faire contribuer à leur avenir économique.

Il importe en accomplissant notre devoir envers les autres de respecter leurs sentiments. En secourant les défavorisés, il ne faut pas oublier qu’à leur point de vue notre geste est une affirmation de supériorité et que leur fierté en souffre.

Nous ne devons jamais dire de bonnes paroles par pitié sans y joindre l’action, ni faire étalage de sympathie à l’égard des gens à qui notre devoir nous oblige à prêter notre aide, mais avoir de la compassion pour eux, c’est-à-dire nous associer à leurs maux.

Vivre de façon réfléchie

Qu’est-ce que mener une vie vraiment réfléchie ? C’est s’ancrer dans l’entreprise centrale de la vie humaine, dans une relation d’accomplissement réciproque avec ses semblables. Nous devons rester humains. Les machines ont été inventées pour servir de complément au travail de l’homme, mais l’humanité est menacée de devenir le complément de la machine, une société de robots utilitaires faisant tout, même les bonnes actions, machinalement.

Les humains refusent de plus en plus d’être considérés comme des statistiques. « Ce dont le monde a le plus besoin aujourd’hui, dit le directeur général de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unies, ce n’est pas seulement d’un plus vaste échange des biens matériels, si essentiel soit-il, c’est aussi d’une reconnaissance consciente du droit de tout homme à atteindre sa pleine stature, indépendamment de son lieu de naissance, de la couleur de sa peau ou des croyances et des opinions qui lui sont chères. »

« Toutes les grandes religions – la christianisme, le judaïsme, la bouddhisme, l’islamisme et le taoïsme – écrit A. P. Davies dans La signification des manuscrits de la mer Morte, exaltent les mêmes principes et prônent l’amour et la fraternité comme la voie d’une vie vertueuse, pour les individus et la société. » Notre devoir n’est pas de donner à manger aux affamés méritants, ni aux affamés travailleurs, ni aux affamés aimables et bien intentionnés, mais simplement de donner à manger à ceux qui ont faim.

Agir avec intelligence

La liberté et le devoir sont jumelés avec la droite raison, comme l’archange saint Michel le dit à Adam dans le Paradis perdu. Assumer des responsabilités ne signifie pas supporter tous les problèmes du monde. La Règle d’or ne prescrit à personne de ne pas se soucier de ses intérêts et de son bonheur. Celui qui veut rester libre doit continuer à porter une très importante charge de responsabilités personnelles pour assurer son bien-être.

Les hommes doivent avoir à coeur de jouer leur rôle, d’acquérir le réflexe du « il faut faire quelque chose ». La démocratie agissante est la démocratie fondée sur une véritable participation, grâce à laquelle chacun peut donner une réponse positive à la question : « Quel devoir ai-je envers mon pays, mon prochain, mes amis ? » C’est là un excellent moyen de faire de la vie autre chose qu’une période à passer, de contribuer activement aux événements de l’histoire.

L’acceptation de la responsabilité conduit, dans les affaires, à faire usage du pouvoir et de l’autorité avec justice et sympathie ; dans la société, elle conduit à un effort de coopération pour améliorer les conditions de vie de tous et dans tous les milieux ; dans la vie personnelle, à l’épanouissement maximum des talents de chacun, si grand ou si humble soit-il.

« La signification du bien et du mal, nous dit encore L. P. Jacks dans Mon prochain, l’univers, embrasse les rapports de l’homme avec l’univers entier et non seulement ses rapports avec ses semblables dans la société.

« Dans ce domaine, son premier devoir est d’en arriver à comprendre tout ce qu’il peut de l’univers, puis, grâce à ce savoir, de faire tout son possible pour le rendre meilleur qu’il ne l’aurait été s’il n’était jamais né, en donnant un tant soit peu de valeur nouvelle à son milieu – ne serait-ce que de faire croître deux brins d’herbe là où il n’en poussait qu’un seul ou de rebouter la patte cassée d’un moineau – autrement dit en consacrant tout ce qu’il sait sur l’univers à l’orientation de sa conduite en tant que citoyen de cet univers. »

Agir ainsi, c’est assumer ses responsabilités d’homme libre, de Canadien et de citoyen du monde.