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Les liens d’amour tissés entre l’homme et l’animal depuis des temps immémoriaux n’ont cessé de se resserrer. Les êtres humains ont besoin de la présence des animaux, besoin de leur affection. Mais savent-ils la leur rendre ?

Selon les archéologues, le chien a été le premier animal domestiqué il y a environ 10,500 ans. Cette espèce très répandue a aidé l’homme primitif à chasser et à porter des fardeaux. Puis, un jour, dans la nuit de la préhistoire, un homme, une femme ou un enfant {vraisemblablement un enfant} a caressé un chien {vraisemblablement un chiot) qui a alors remué la queue en signe de reconnaissance. Une ère nouvelle naissait pour la race humaine.

L’homo sapiens n’était plus seul au monde. Il avait maintenant à ses côtés un allié, un compagnon, un adorateur. En l’apprivoisant, il s’apprivoisait lui-même. Pour le garder, il devait être moins sauvage, apprendre la douceur. Une caresse et un battement de queue ont suffi pour précipiter l’homme sur la route de la civilisation.

Le premier pays civilisé que nous connaissons est l’Égypte ancienne. Là, il y a 5,000 ans, les indigènes ont apprivoisé un chat sauvage pour faire de lui un chasseur, l’exterminateur des souris et des rats. Probablement parce qu’ils étaient utiles, les chats étaient alors entourés de tendresse et l’objet d’un culte. De nos jours, ils sont toujours dorlotés et adorés, bien que sous une forme différente.

Dans le Marchand de Venise, Shakespeare, avec l’esprit poétique et la lucidité qui le caractérisent, nous parle d’un «  chat nécessaire et innocent ». Nul ne doute en effet que les animaux familiers, des poissons rouges aux chevaux, sont indispensables au bien-être de l’homme.

Ceci est d’ailleurs vrai également pour ceux qui ne possèdent pas d’animaux. Nos vies, à leur contact, sont touchées par une sorte de grâce qui réveille en nous les instincts les plus nobles et les plus généreux. Déjà vers les années 1880, le corps enseignant américain avait inclus au programme scolaire destiné aux élèves de l’école primaire un cours sur « le traitement des animaux pour former le caractère des enfants ». Un dictionnaire définit l’être «  humain » comme étant « une personne en qui se réalise pleinement la nature humaine dans ce qu’elle a d’essentiel et d’universel ». Faire preuve d’humanité est, selon une autre définition, éprouver un « sentiment de sympathie, de compassion et de respect à l’égard des êtres vivants ». La bienveillance envers son prochain et envers les animaux puise à la même source.

Notre besoin des animaux repose essentiellement sur le fait qu’ils sont différents de nous. Etre en contact avec d’autres espèces permet de percevoir la race humaine sous un nouvel angle. Leur présence nous rappelle que les êtres humains ne sont que des pions sur l’échiquier existentiel, que nous faisons partie de l’ordre naturel, que nous n’en sommes pas les maîtres. Les animaux de compagnie encouragent une coexistence paisible entre l’homme et le reste de la création.

La présence de l’animal restaure en nous la fierté d’avant « la chute ». « Un chien regarde bien un évêque », dit-on, et pour lui un roi est l’égal d’un gueux. Les personnages royaux, en fait, semblent avoir toujours porté une affection particulière aux animaux, peut-être parce qu’ils savaient pour une fois être aimés pour eux- mêmes et non pas pour leur pouvoir.

Le mot « sincère » vient immédiatement à l’esprit quand on parle d’animaux. Dans un monde où chacun refrène ses impulsions et cache ses sentiments, les animaux sont innocents et incapables de duplicité. Candides, ils nous font voir la vie sous un jour plus simple. Ils nous aident à rejeter le superflu, à revenir à l’essentiel. Dans nos moments de confusion, nous pourrions avec profit nous tourner vers nos amis à quatre pattes comme le faisait Christopher Smart, poète du 18e siècle, car disait-il, « Mon chat Jeoffrey est le serviteur du Dieu vivant… » L’hypocrisie, l’un des traits les moins attachants de l’être humain, est inconnue aux animaux. Nous pourrions aujourd’hui concourir avec le Comte d’Orsay qui, avec sa morgue d’aristocrate, affirmait : « Plus je regarde les représentants du peuple, plus j’admire mes chiens. » Bien que nous appréciions les différences qui distinguent l’homme de l’animal, nous sommes frappés par leurs similarités. C’est pourquoi sans doute nous leur donnons des noms humains. Ils savent communiquer avec nous; même les poissons rouges viennent gargouiller à la surface de l’eau pour qu’on leur donne à manger ou change leur eau. On affirme que le rire est le propre de l’homme. Pourtant, les chats et les chiens, en particulier, témoignent à leur façon d’un sens de l’humour. Tendres compagnons, ils aiment tout partager avec leurs amis à deux pattes. Facétieux, ils tentent de nous faire sourire lorsqu’ils sentent que nous sommes en peine.

Le côté divertissant des animaux est généralement la raison pour laquelle on en offre un aux enfants. C’est un jouet, mais un jouet qui apporte beaucoup plus que le jeu. Les psychologues estiment que l’amitié qu’un enfant porte à l’animal lui permet d’évoluer affectivement, d’étendre à autrui l’amour qu’il éprouve pour ses parents. Il lui permet de donner libre cours à son instinct de protection. Prendre soin d’un animal enseigne la responsabilité.

Les enfants ont besoin d’animaux et le reste de la famille aussi

Généralement, les parents adoptent un animal parce qu’ils décident que leurs enfants en ont « besoin ». En fait, ce besoin est partagé par toute la famille. Lors d’une conférence de la Société des animaux de compagnie, tenue à Paris en 1982, Anne Ottney Cain, professeure de l’université de Maryland, spécialisée dans les soins infirmiers psychiatriques, a révélé les résultats d’une étude qui portait sur 60 familles vivant avec une grande variété d’animaux, chats, chiens, mouffettes, singes et chèvres. Les liens familiaux se resserrent en présence d’un animal. Les enfants se disputent moins et sont plus conciliants. L’atmosphère familiale est donc plus détendue. Les parents s’entendent mieux.

Depuis toujours, les êtres humains reconnaissent l’effet apaisant des animaux, effet qui a été confirmé par la science moderne. Suite à une série d’expériences qui ont mis l’accent sur l’importance du rôle de l’animal de compagnie dans notre société, le docteur Aaron H. Katcher, professeur de psychiatrie à l’université de Pennsylvanie, a prouvé que les animaux aidaient leur maître à se maintenir en bonne santé.

Le docteur Katcher et ses associés commencèrent par étudier un groupe de patients rentrés chez eux à la suite d’une crise cardiaque. Après un an, il devint clair que ceux qui avaient un animal de compagnie survivaient plus longtemps. Les chercheurs constatèrent une baisse de la tension artérielle des sujets lorsqu’ils étaient avec leur animal, et que le simple fait de parler d’eux produisait le même résultat.

Les animaux sont-ils sensibles aux émotions humaines ? Il semblerait que oui.

L’effet calmant que les animaux ont sur les êtres humains s’accentue quand on leur parle. Normalement, on observe une hausse de tension chez la personne qui s’entretient avec une autre. Or, le contraire se produit lorsque l’interlocuteur est un animal. Le docteur Katcher établit un parallèle entre le réconfort obtenu en s’adressant à un animal et celui qui dérive de la prière. « La prière, dit-il dans un article paru dans le Science Digest, s’accompagne de plaisirs sensuels : encens, musique, rituel corporel, contacts agréables : mains jointes, chapelet. Le dialogue avec un animal est lié à des attouchements, des odeurs plaisantes, une sensation de chaleur. Dans un cas comme dans l’autre, on se sent compris. »

Dans le cadre d’un sondage mené auprès de personnes qui avaient l’habitude de parler à leur chien, 98 pour cent ont déclaré que leur « compagnon » était sensible à leur humeur. (Une autre enquête a révélé que 96 pour cent des gens qui ont des chats leur parlent.} Le sentiment que l’animal comprend l’état d’âme de son maître est de plus en plus important au sein de notre société urbaine. Nous sommes des « esseulés », nous souffrons d’aliénation, de l’impersonnalité des rapports. Nous doutons de notre identité, cherchons confirmation de notre caractère unique. En s’identifiant à leur maître, les animaux répondent à ces besoins.

L’évolution des sociétés des pays occidentaux rend la présence des animaux plus importante que jamais. Les solitaires se sentent de plus en plus isolés, les liens familiaux se relâchant. La progression du nombre des divorces et des mariages tardifs fait qu’un nombre croissant de personnes vivent seules, sont privées de contact humain permanent. Les couples décident souvent de ne pas avoir d’enfant ou d’en avoir un sur le tard. La mobilité de la population dans un pays aussi vaste que le Canada sépare les familles. Les personnes âgées, lorsque les enfants ont quitté le toit familial, se retrouvent seules.

« Le fait que les animaux sont nécessaires au bien-être des hommes met l’accent sur l’isolement grandissant dont souffre l’humanité », a déclaré John Hoyt, ancien président de la Humane Society des États -Unis. Nous en sommes de plus en plus conscients. Le nombre des chats et des chiens au Canada, estimé actuellement à 3 millions, progresse au taux de huit à neuf pour cent par an.

Les animaux, remède merveilleux contre le stress

Les animaux sont un excellent remède contre le stress, source de multiples maladies dans l’environnement hypertendu d’aujourd’hui. Les maîtres, a révélé une étude effectuée en Angleterre, donnent une grande importance à la fête que leur font les animaux quand ils rentrent chez eux, signe révélateur du plaisir qu’ils éprouvent à avoir « quelqu’un » heureux de les voir après une journée stressante. Les êtres humains ont un besoin inné de contact physique, besoin qu’ils doivent réprimer en regard des conventions sociales auxquelles ils sont astreints, notamment dans les sociétés britannique et américaine. Or, caresser un animal est bien vu.

Les bienfaits de l’animal sur la santé psychologique de leur maître, après avoir été longtemps oubliés, viennent d’être redécouverts. En 1700, un asile d’aliénés anglais, appelé York Retreat, utilisait les animaux pour aider les patients à sortir de leur détachement.

Cette thérapie qui était tombée dans l’oubli connaît, depuis les années 60, un renouveau sous le nom de « Pet Facilitated Therapy » (PFT), grâce, en partie, aux efforts du psychologue new-yorkais Boris Levinson, qui a publié en 1972 un ouvrage intitulé Pets and Human Development. C’est en soignant un enfant muré en lui- même qu’il a découvert ce qui allait être sa spécialité.

« Jingles », le chien du médecin, se trouvait par hasard dans le bureau de ce dernier lors de la première visite de l’enfant qui, en l’apercevant, se précipita vers lui et lui passa les bras autour du cou. Le chien participa alors à toutes les séances thérapeutiques et, parce que Jingles voulait partager avec son maître cette amitié naissante, l’enfant accepta le psychologue. Cette amitié à trois, centrée sur le chien, permit de guérir le petit garçon.

La thérapie par l’animal fit son entrée dans les établissements hospitaliers lorsque, en 1978, un patient du State Hospital for the Criminally Insane de Lima, Ohio, trouva un oiseau blessé et essaya de le soigner. D’autres patients sévèrement autistiques s’intéressèrent au projet, attrapèrent des insectes pour nourrir la petite bête et en firent le centre des conversations entre eux et avec le personnel soignant.

Les psychiatres, sensibles aux progrès des malades, installèrent un aquarium dans le salon des hommes, succès probant qui fut suivi par l’apparition de perroquets, de cacatoès, d’hamsters et de cochons d’Inde. Les violents témoignèrent de la tendresse aux animaux et furent plus faciles à traiter. Les animaux furent le catalyseur qui fit naître la conversation et la confiance entre patients et thérapeutes.

« Les animaux sont de parfaits amis, a écrit George Eliot. Ils ne vous posent pas de questions, ne vous critiquent jamais. » Cette déclaration manque peut-être de rigueur scientifique pour expliquer le succès des thérapies axées sur les animaux, mais non de vérité; les animaux vous acceptent tel que vous êtes. Votre façon de parler, de vous habiller, votre âge n’ont aucun sens pour eux. Seule leur importe la bonté que vous leur témoignez, bonté qui, en leur présence, semble jaillir de chacun de nous.

Pour exploiter au maximum ce phénomène, on a recours à ces «  thérapeutes » non humains partout dans les pays occidentaux afin de lever les barrières psychologiques et de motiver les patients apathiques. Les animaux aident les handicapés mentaux à apprendre, et ceux qui ont été frappés d’apoplexie, à recouvrer la parole sans ressentir aucune gêne.

Les médecins tirent parti également du fait que les animaux améliorent l’état psychologique des patients et que les malades qui ont bon moral guérissent plus vite. Le nombre de programmes bénévoles, qui visent à redonner le goût de vivre aux malades hospitalisés en leur amenant régulièrement les animaux, se multiplie. Les animaux servent également à réconforter les mourants. De nos jours, il est devenu pratique courante de permettre aux malades de garder près d’eux leur animal, hissé ainsi au rang de « membre de la famille ».

Le monde ne peut pas vivre sans amour

Le rôle thérapeutique des animaux est amené à prendre de l’ampleur avec le vieillissement de la population. Les personnes âgées, souvent seules, n’ont de liens affectifs étroits qu’avec un animal. Devoir s’occuper de « quelqu’un » donne un sens à leur vie, une raison de se lever le matin. Le besoin de se sentir utile existe à tout âge au plus profond de chacun.

Vu le rôle bénéfique et important des animaux familiers au sein de notre société, il semble étrange qu’ils soient si souvent maltraités. Ils sont négligés, battus par des individus sans coeur ni sensibilité. Des centaines d’animaux sains sont « endormis » parce que leurs maîtres souhaitent s’en débarrasser. Dick Brown, écrivain qui publie des articles dans la revue Good Life, affirme que la Société protectrice des animaux, reçoit toutes les années, juste après Noël, une pluie d’appels provenant de familles qui, ayant changé d’avis, ne veulent plus d’un chat ou d’un chien. Lorsque l’école reprend, cette pluie devient un « déluge ».

Les hommes n’ont pas à être fiers de leur attitude envers les animaux. Souvent, ils se servent d’eux pour se donner une image et non pas pour avoir un compagnon. Dans les rues, on exhibe son caniche ou son danois comme on arbore un ensemble Dior. Les chats, les chiens, les chevaux sont sélectionnés en fonction de leur beauté et de certains traits appréciés par les humains. Victimes des pratiques sélectives des éleveurs, ils acquièrent un tempérament imprévisible, voire des malformations physiques qui les font souffrir.

Lorsque des accidents se produisent, je pense en particulier à la terreur causée par les « pit bulls », le chien reçoit généralement tout le blâme. Or, comme le précise Vivian Singer-Ferris dans la revue Humane Viewpoint, ces chiens sont délibérément élevés et dressés pour stimuler au maximum leur férocité. « Ce problème ne peut être compris et humainement résolu qu’en se plaçant d’un point de vue historique et psychologique, en étudiant non le chien mais son maître. Le dilemme des « pit bulls » repose essentiellement sur l’irresponsabilité de leur propriétaire », écrit-elle.

Autre sujet controversé : la quantité de nourriture que les animaux de compagnie consomment. Le secteur des aliments pour animaux représente 2.8 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Peut-on justifier une telle dépense pour des animaux, alors que des milliers d’êtres humains meurent de faim dans les pays en voie de développement ?

Les allées des supermarchés consacrées uniquement aux besoins des animaux sont quelque peu embarrassantes, même si l’on s’empresse de souligner que ces aliments sont préparés à base d’abats et de déchets impropres à la consommation humaine. On précise également que même les plus démunis des pays les plus pauvres gardent des animaux familiers et partagent avec eux leur nourriture. Souvent, ce compagnon est leur seul « luxe », le seul élément de douceur dans une vie par ailleurs intolérable.

Certes, les attentions que les humains portent à leurs animaux sont parfois excessives. Certains poussent l’extravagance jusqu’à leur acheter des bijoux coûteux. Disons toutefois à leur décharge que chacun a sa manière de montrer son amour, et l’amour, comme le dit la chanson, « est ce qui fait tourner le monde ». Pourtant, l’amour véritable n’existe pas sans responsabilité. Nous avons tous le devoir de veiller au bien-être des animaux, devoir qui est l’expression de notre gratitude pour leur contribution au bien-être de l’humanité.