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Chrétiens ou non, plus personne dans notre société n’échappe à l’ambiance de Noël. En redevenant la célébration de la vie qu’elle était à l’origine, la fête de Noël transcende aujourd’hui toutes les religions et son message de paix s’adresse à tous les gens de bonne volonté. Qui oserait faire la sourde oreille ?

La nostalgie peut fausser notre perception, mais la période de Noël semble s’allonger d’année en année. Dès les premières gelées, des décorations étincelantes ornent déjà les rues, les édifices commerciaux et les magasins, et nous entendons partout, bon gré, mal gré, les vieux airs de Noël que nous connaissons si bien.

Si notre mémoire imparfaite ne nous permet pas d’affirmer que les fêtes de Noël occupent une plus grande place qu’autrefois dans notre vie, il est certain que nous mobilisons, pour nous y préparer, d’importantes ressources physiques, morales et financières. Le tapage publicitaire, les courses folles dans les magasins, les réceptions, et les publications et spectacles spéciaux nous imprègnent tous sans exception.

On déplore évidemment la commercialisation honteuse de la fête de Noël et ce que certains voient comme un état d’excitation artificiel créé par les commerçants pour nous inciter à une consommation effrénée.

Quand elle ne vise pas effrontément les enfants en leur présentant des jouets alléchants qu’ils réclameront avec insistance à leurs parents, la publicité nous invite à la dépense en faisant appel au sentimentalisme le plus niais. Persuadées de la nécessité d’acheter, des personnes gaspilleront en cadeaux inutiles et coûteux des sommes qui auraient pu combler des besoins plus pressants.

Et pourtant, nous ne faisons rien pour mettre un terme à cette commercialisation tant décriée. Elle est même devenue un mal nécessaire pour le secteur de la vente au détail où le bilan annuel de nombreux commerces dépend directement du chiffre d’affaires de la période des fêtes.

Quant aux travailleurs à temps partiel et aux étudiants qui veulent gagner un peu d’argent de poche, ils peuvent difficilement se plaindre de l’aspect commercial de la période de Noël. D’autre personnes, notamment les éleveurs de dindons ou ceux qui font la culture des sapins de Noël, retirent la plus grande part de leurs revenus en cette période de l’année.

Mais que penser de tous les esseulés qui regardent tristement les autres célébrer dans l’allégresse : les itinérants, les personnes en deuil et tous ceux qui, pour une raison ou une autre, sont séparés de leurs proches ? Et même au sein des familles, l’extravagance des uns peut être un spectacle désolant pour ceux qui ne peuvent se permettre de les imiter.

Les scènes idylliques présentées à la télévision pendant la période des fêtes suscitent quelquefois un sentiment de culpabilité chez certaines personnes dont la vie personnelle ne semble pas aussi harmonieuse que celle qui leur est présentée.

À la télévision, des familles où tout baigne dans la tendresse et l’harmonie sont réunies autour du sapin de Noël, laissant entendre que toute autre situation est anormale.

Les psychologues signalent une forte incidence de dépressions pendant la période de Noël, trop de personnes étant sous l’impression que leur vie doit être identique à celle des personnages décrits dans les médias. Elles estiment qu’elles doivent forcément être plus heureuses à Noël que pendant le reste de l’année.

Inciter les païens à embrasser la foi chrétienne

Dans les pays où de nombreuses religions coexistent, comme le Canada, la célébration de la naissance du Christ est source de tension psychologique pour bon nombre de non-chrétiens. Au grand malheur de leurs parents, des enfants hindous, musulmans ou bouddhistes insistent pour participer aux chants, aux échanges de cadeaux et aux festivités qui les entourent et qui tendent même à éclipser les célébrations de leur propre culture. Si la fête de Hanoukka a pris de plus en plus d’importance chez les familles juives des pays de l’Ouest, c’est justement parce qu’elle tombe autour de Noël. Les enfants juifs peuvent ainsi célébrer une fête parallèle – avec festivités et échange de cadeaux -, qui fait partie de leur religion.

Depuis quelque temps, on tente, dans les collectivités multiculturelles, d’occulter la dimension chrétienne dans les décorations, les défilés et les spectacles dans les écoles à l’époque de Noël. D’aucuns estiment même qu’il faut exclure le mot « noël » afin de ne pas offenser les non-chrétiens. Ces manoeuvres d’ingénierie sociale n’ont rien donné. Les personnes dont les ancêtres ont vécu, pendant des siècles, dans des pays à majorité chrétienne auraient du mal à croire que Noël n’est qu’une autre fête sans dimension religieuse, comme la fête du Travail, par exemple.

En fait, en dépit du rituel associé à sa célébration, la fête de Noël n’est plus la fête « religieuse » qu’elle a déjà été, et même chez les chrétiens, chacun la célèbre avec plus ou moins de ferveur, selon ses propres convictions.

On s’entend généralement pour dire qu’il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour partager l’esprit de Noël. L’air de Noël le plus populaire en Amérique, « Noël Blanc », immortalisé par Bing Crosby, n’a-t-il pas été composé par un juif américain, Irving Berlin ?

Les chrétiens non pratiquants et les non-chrétiens qui auraient quelque scrupule à fêter Noël seront peut-être soulagés d’apprendre qu’à l’origine, il ne s’agissait pas d’une fête exclusivement chrétienne. Sous l’Empire romain, puis sous la domination des Barbares, les chrétiens, pour mieux passer inaperçus, participaient aux fêtes païennes d’hiver. Plus tard, quand ils purent quitter les catacombes et s’afficher au grand jour, les missionnaires chrétiens choisirent d’associer leurs cérémonies religieuses au culte païen dans l’espoir d’amener plus facilement les païens à embrasser la foi chrétienne.

En l’absence d’une preuve précise de la date de naissance du Christ, les pères de la chrétienté fixèrent arbitrairement la date au 25 décembre. Cette date ne cadre pas avec le récit de Noël des évangélistes. Il est en effet peu probable qu’en cette saison froide, les bergers de Galilée aient passé la nuit dans les champs à garder leur troupeau. Mais la date du 25 décembre avait l’avantage de coïncider avec les festivités qui entouraient le retour de la lumière, après la nuit la plus longue de l’année dans l’hémisphère nord.

À l’origine, les chrétiens se limitaient à la célébration d’une messe spéciale, la messe du Christ, au milieu du tapage des fêtes du solstice d’hiver. La fête de la lumière cadrait bien avec l’image du Christ, « lumière du monde ».

Ce n’est qu’au IVe siècle qu’on a commencé à célébrer véritablement la fête de Noël. Avant cette époque, les chefs de la chrétienté naissante craignaient toute activité susceptible d’inciter les néophytes à retomber dans le paganisme. Pour la même raison, craignant les orgies qui accompagnaient la commémoration des anniversaires des empereurs romains, ils condamnaient toute célébration publique des anniversaires de naissance.

Selon les premiers chrétiens, la date de la naissance physique ne comptait pas; seule la naissance spirituelle, c’est-à-dire le baptême, avait un sens à leurs yeux. Ainsi, pour célébrer la venue du Christ sur la terre, on commémora longtemps son baptême en même temps que l’adoration des Mages, le jour de l’Épiphanie. Certaines Églises orthodoxes combinent encore la Nativité et l’Épiphanie, et observent les deux fêtes le 6 janvier.

Dans la liturgie chrétienne la plus stricte, la Nativité vient en quatrième place en importance, après Pâques, la Pentecôte (descente de l’Esprit-Saint sur les apôtres) et l’Épiphanie. La fête de Noël a été célébrée tour à tour en janvier, en mars, en mai et en septembre, en divers endroits, pour se fixer à la fin de décembre vers l’an 500.

Les festivités ont été modelées sur les Saturnales, fêtes de la Rome antique en l’honneur de Saturne, dieu des vignerons et des paysans. De nombreuses coutumes que nous observons aujourd’hui à l’époque de Noël, notamment les décorations de guirlandes, les bougies et l’échange de cadeaux, trouvent leur origine dans ces festivités. Par exemple, lorsque les officiers des Forces armées servent le repas aux soldats au temps de Noël, ils ne font qu’imiter la tradition des Saturnales où les esclaves prenaient la place des maîtres pendant un bref instant.

Les illuminations électriques des banlieues pourraient tirer leur origine de coutumes anciennes

D’autres coutumes ont été héritées des civilisations païennes. Même si l’arbre de Noël, est d’abord apparu en Allemagne, au VIIIe siècle (ou peut-être en Lettonie ou en Estonie ?), la tradition rappelle l’historique vénération des arbres qui étaient réputés abriter des esprits. Les anciens Égyptiens posaient des palmes vertes dans leurs maisons pendant les cérémonies de vénération du soleil, les anciens Romains suspendaient des colliers dans les branches de pin et les Druides posaient sur les branches, en offrande aux dieux, des gâteaux, des bougies et des fruits peints. La tradition populaire, qui veut que le gui favorise les amoureux, fait allusion aux vertus de conciliation que prêtaient à cette plante certains peuples anciens. Chez les Celtes, par exemple, les ennemis qui se rencontraient sous le gui, qui pousse en parasite sur les branches des chênes, devaient jeter leurs armes par terre et s’embrasser. On voit clairement l’origine de la coutume moderne de s’embrasser sous le gui au premier de l’an.

Dans les pays nordiques, les jours sombres de décembre étaient tellement redoutés par les habitants que ceux-ci plaçaient des couronnes de conifères dans leur maison pour s’imprégner du pouvoir magique de ces plantes de résister au froid et à la noirceur de l’hiver. Les peuples nordiques croyaient aussi qu’allumer des feux de joie ou des flambeaux pouvait accélérer le retour du soleil. Les illuminations électriques de nos maisons sont peut-être une version moderne de cette ancienne tradition.

Les crieurs hurlaient : « Pas de Noël »; et le plum pudding était interdit

Comme dans les festivités païennes, l’époque de Noël est synonyme de réjouissances sans limites. Cet esprit de totale liberté convenait aux Européens du Moyen-Âge qui appréciaient cette occasion de s’amuser entre le temps des récoltes et celui des semences. Les esprits chagrins qui se scandalisent des longs congés, des réjouissances et des excès de bonne chère de l’époque des Fêtes seront bien étonnés d’apprendre qu’en ces temps anciens, les festivités s’étalaient sur un mois entier. C’est de cette époque que vient l’habitude de servir à boire à tous ceux qui entrent dans la maison, pendant la période de Noël. Autrefois c’était une bière épicée, aujourd’hui, c’est du punch ou d’autres boissons préparées spécialement selon les pays et les régions.

Si la fête commence la veille de Noël, c’est que pour les premiers chrétiens, comme pour les Juifs, un jour s’achevait et un autre commençait au coucher du soleil.

On pourrait croire qu’une fête aussi joyeuse ne saurait porter à controverse et pourtant, c’est ce qui arriva après la Réforme de Martin Luther au XVIe siècle.

Les disciples de Luther tentèrent de tempérer les festivités du temps de Noël, et particulièrement de mettre fin aux jeux de hasard, mais ils conservèrent la tradition catholique de célébrer la Nativité. En Angleterre, l’Église anglicane décida de préserver la tradition catholique en censurant les aspects les plus frivoles de la célébration, mais cette tolérance valut à ses chefs de violentes attaques.

Sous l’influence de Jean Calvin, qui prêchait l’économie, le travail et la sobriété, les puritains anglais, ne voulant pas déroger à leurs principes d’austérité, déclarèrent que Noël devait être un jour de privations et non de réjouissances.

Après la prise du pouvoir par Oliver Cromwell en Angleterre, en 1642, une loi fut passée pour interdire la célébration de Noël. Les parlementaires puritains poussèrent même le scrupule jusqu’à interdire les plats généralement consommés à Noël, comme le plum pudding. Les crieurs arpentaient les rues en hurlant : « Pas de Noël » et ceux qui désobéissaient à cet ordre étaient arrêtés.

L’interdiction fut levée après la restauration de la monarchie en 1660, mais les puritains avaient déjà exporté dans les colonies d’Amérique leur dégoût pour les « manifestations païennes » de Noël.

En 1659, la Cour du Massachusetts fit passer une loi faisant de l’observation du 25 décembre une offense passible d’une lourde amende. La réticence à célébrer Noël s’estompa graduellement aux États-Unis au cours des deux siècles suivants, mais elle demeura vive en Écosse où les idées de Calvin étaient préservées par l’Église presbytérienne dominante.

Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté

En dépit de l’influence actuelle de l’Angleterre et des États-Unis, les Écossais considèrent encore que Noël est une fête de moindre importance, qui vient loin derrière Hogmanay, leur célébration du nouvel An. Aux Pays-Bas, l’héritage du calvinisme a fait délaisser Noël pour la Saint-Nicolas, fêtée le 6 décembre; c’est à cette occasion que l’on offre les étrennes aux enfants.

Avec la colonisation hollandaise de ce qui est aujourd’hui le nord- est des États-Unis, le patron des écoliers, le bon saint Nicolas, a fait son entrée en Amérique. Au fil des illustrations, des poèmes et des contes, il s’est transformé rapidement, du moins en Amérique, en un philanthrope jovial, vêtu de rouge et de blanc, et voyageant dans un traîneau tiré par des rennes.

Saint Nicolas était reconnu pour son amour des enfants, et ceux-ci le lui rendent bien. Le jour de Noël est un jour magique pour les enfants. Ils sont, ce jour-là, les plus importants de la famille; leurs plus chers désirs se réalisent et même les excès de friandises ne sont pas interdits. Par ailleurs, ils fournissent aussi un prétexte aux parents qui déclarent ne célébrer Noël que pour l’amour des enfants.

Selon Jean Vanier, fondateur de l’Arche, foyer et mouvement d’aide pour les personnes ayant des déficiences mentales, le sens de Noël est peut-être de nous « aider à redevenir des enfants, à découvrir que nous avons un coeur capable d’aimer ». C’est certainement l’époque de l’année où les souvenirs d’enfance sont ravivés, et où les grands enfants ressentent le besoin de se réunir avec leurs parents et leurs frères et soeurs. Tout comme c’est le moment du recommencement du cycle du soleil, c’est le moment de réaffirmer les liens familiaux.

C’est aussi le moment de revoir ses amis, de leur prouver son affection en les invitant dans son foyer. Mais nous devons étendre cette amabilité à tous également. Selon la tradition de Noël et des fêtes qui l’ont précédé, les plus fortunés doivent partager avec les démunis.

Il est paradoxal que la plus laïcisée de toutes les fêtes liturgiques soit justement la fête à l’occasion de laquelle sont rappelés le plus intensément les enseignements du Christ. Il nous incitait à la générosité et à la tolérance, vertus synonymes du véritable esprit de Noël.

Trop de chrétiens de nom se contentent de pratiquer ces vertus quelques semaines par an, uniquement. Une fois par année, ils sont empreints de générosité pour leur prochain, mais retournent à leur mode de vie égoïste le reste de l’année.

L’histoire du monde, de ses guerres et de ses conflits, démontre que les chrétiens ont fait peu de cas des paroles claironnées à la naissance du Christ : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. » Serait-ce la bonne volonté qui a fait défaut aux chrétiens et aux personnes professant une autre foi ? Le résultat est que la paix existe bien peu sur notre terre.

Le message de Noël, qui s’adresse aux personnes de toutes les confessions, est un message de bonté, de générosité et de compréhension. Quelle que soit notre attitude à l’égard de Noël, un fait demeure, et c’est que l’esprit de Noël devrait nous habiter tout au long de l’année.